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Il
bullismo: dalla teoria alla percezione dei bambini
Dans l’École qui
se cherche et qui a, quelque peu, perdu de vue ses finalités, dans
notre société en pleine mutation, comment trouver cet Équilibre
nécessaire à toute situation de bien-être?
Depuis quelques années déjà des
enseignants valdôtains choisissent pour leurs élèves
des séjours d’étude à la Cité des Sciences
et de l’Industrie de la Villette à Paris pour la qualité
de la formation qu’ils reçoivent et le vif succès
de cette initiative auprès des classes qui ont le privilège
de pouvoir y participer. Quand nous avons appris l’existence des
Entretiens de la Villette sur L’École en Mutations,
notre curiosité a été aiguisée et nous avons
parié sur leur validité. Nous n’avons pas été
déçues.
Quel sens cela a-t-il de s’immerger dans des problématiques
de l’école de nos voisins d’outre-frontière,
si ce n’est dans un esprit d’ouverture, pour comparer deux
situations et essayer de se recentrer sur ce qui est commun et sur ce
qui diffère d’un pays à l’autre, pour sortir
du cadre étroit de notre réalité locale ou nationale
?
C’est avec cet état d’esprit que nous avons choisi
de sélectionner, parmi les thèmes traités transversalement
par d’éminents experts, un sujet circonscrit, celui des finalités
de l’institution scolaire, et de faire un retour sur nous-mêmes
pour mieux tenter d’élargir la réflexion.
Le système scolaire actuel plonge ses racines dans la notion de
démocratie qui s’est particulièrement
développée au cours du XIX e siècle ; à l’époque,
l’idée du citoyen correspond
à celle de l’homme éclairé. C’est le
point de départ des réflexions des 11es Entretiens de la
Villette, au début de l’année 2001. Antoine Prost,
historien, professeur émérite de l’université
Paris I, pose la question de savoir si les missions de l’école
ont évolué. Selon lui, fondamentalement, elles n’ont
pas changé, même s’il y a eu des adaptations. Il affirme
qu’une des fonctions essentielles de l’institution scolaire
est d’assurer la continuité entre les générations.
Mais personne ne nie qu’aujourd’hui celle-ci est de plus en
plus difficile à assurer. Quand la distance entre les générations
s’accroît l’école a un rôle encore plus
grand à jouer. Moins d’autres instances assurent cette continuité,
comme par exemple la famille qui naguère en était le garant,
plus l’école doit le faire ; d’une part, par le biais
de la socialisation, et de l’autre, par le développement
culturel et intellectuel. Il ajoute que c’est par l’école
que l’on transmet les grandes valeurs fondatrices de la société
démocratique énoncées en 1789.
Un rapide rappel historique : en France, dans les dernières décennies
du XIX e siècle, avec Jules Ferry, l’école devient
gratuite, ouverte à tous, obligatoire. Sa mission essentielle réside
donc dans la socialisation et la
formation du citoyen. Par ailleurs la société industrielle
a besoin d’une masse de main d’œuvre capable d’acquérir
une qualification professionnelle. La poursuite des études demeure,
toutefois, réservée à une élite afin qu’elle
obtienne des diplômes et occupe les fonctions de direction dans
les entreprises industrielles.
En Italie, une évolution comparable se produit. Déjà
en 1859, quand l’État italien était en train de se
constituer, avec la Loi Casati, la responsabilité de l’action
éducative du peuple, traditionnel apanage de l’Église,
est désormais dévolue à l’État
afin de lutter contre l’analphabétisme dont est encore victime
la majeure partie de la population. Ce n’est qu’en 1923 que
le philosophe Giovanni Gentile est chargé de dessiner le nouveau
cadre de l’école. Il affirme : “ Nella scuola lo Stato
realizza se stesso… Perciò lo Stato insegna e deve insegnare.
Deve mantenere e favorire le scuole…”. La réforme “
Gentile ” prévoit que l’école soit en mesure,
d’une part, de fournir une instruction de base aux masses populaires,
et de l’autre, de leur donner aussi la possibilité de recevoir
une formation professionnelle. En même temps elle doit également
offrir aux “ meilleurs ”, c’est à dire à
une minorité qui appartient, de fait, presque exclusivement aux
classes sociales supérieures, l’accès à l’instruction
supérieure. La société industrielle du vingtième
siècle a des besoins clairs, bien définis, et en amont il
y a une volonté politique à
y répondre.
Pendant longtemps, tout en étant très liée à
la société industrielle, l’école réussit
assez bien dans sa mission de se projeter dans l’avenir
pour mieux le préparer. En effet, dans les années
soixante, avec la scolarisation de masse, le niveau général
de la scolarité s’élève et enclenche la mobilité
sociale, aussi bien en France qu’en Italie. Mais avec les années
quatre-vingt et quatre-vingt-dix le diplôme n’est déjà
plus le sésame de la promotion sociale et de l’insertion
professionnelle pour les classes populaires ; le chômage grimpe,
ce qui contribue à discréditer l’école aux
yeux des familles. Une nouvelle tendance émerge : on met en doute
que les individus puissent se réaliser essentiellement par le travail.
Ce dernier n’a plus la même valeur aux yeux des citoyens.
Pour beaucoup, la culture non plus n’a plus la même importance.
Depuis les années soixante-dix, la notion de plaisir, liée
à la société de consommation, a fait son apparition
dans les aspirations des masses. Désormais, un certain niveau de
vie et, par là, de bien-être matériel, a été
atteint par la plupart.
Aujourd’hui, les besoins de l’économie ont changé
; notre société n’a plus de caractéristiques
spécifiquement industrielles et l’école a du mal à
s’en apercevoir. La société actuelle évolue
vers ce que l’on nomme, de plus en plus, la société
de l’information et de la communication. Elle est soumise à
une radicale mutation qui n’épargne pas l’école.
Ainsi, la société du XXI e s. est insatisfaite de son école.
Doit-on se consoler du fait que notre pays n’est pas le seul dans
cette situation ? En Italie, pour répondre aux exigences du monde
moderne, l’autonomie a été accordée aux institutions
scolaires. La France et de nombreux autres pays ont, aussi, amorcé
le passage à l’autonomie des établissements. Dans
ce mouvement, doit-on voir un désengagement de la part de l’État
ou bien au contraire un moyen pour être plus proche des usagers
? Les polémiques ne manquent pas.
Malgré l’annonce ou la mise sur pied de l’autonomie,
pourquoi parle-t-on encore de malaise dans l’école ? Le bien-être
est-il quelque chose que l’école a perdu ?
Parmi les réflexions et les interrogations qui ont émergé
à la Villette, à propos de combien d’entre elles n’a-t-on
pas déjà entendu les échos en Italie ?
Qu’attendent de l’école
les élèves, les parents, les enseignants, la société
?
C’est vrai, l’école est en pleine mutation, elle se
cherche, elle est incertaine d’elle-même, de son rôle,
de sa valeur. Il s’agit d’un véritable fait de société,
et la société actuelle évolue très rapidement.
En quoi consiste le malaise des enseignants et des parents (pour ne pas
parler de celui des élèves) ?
Les Entretiens de la Villette ont essayé de faire le point sur
la question.
Les parents d’abord. Que prétendent-ils
quand ils confient leurs enfants à l’école ?
Tout d’abord, le dialogue entre l’institution scolaire et
les parents focalise souvent ces contradictions. Face aux difficultés,
parents et enseignants se renvoient la balle. Par exemple ils s’accusent
réciproquement de ne pas être à même d’enseigner
les bonnes règles de comportement. Quand les parents soumettent
aux enseignants leurs problèmes d’éducation, ils se
plaignent de ne pas recevoir de réponses satisfaisantes. Quand
les enseignants font noter aux parents le désengagement de leur
progéniture, les parents sont très souvent enclins à
couvrir n’importe quel manque de leurs enfants.
Les enseignants se rendent compte qu’il
est de plus en plus difficile d’intéresser les jeunes. Ils
sont bien conscients que leur préparation ne leur permet pas de
rivaliser avec celle de n’importe quel présentateur de la
télévision formé pour jouer le rôle d’acteur
capable de captiver l’attention. De plus en plus souvent les élèves
s’ennuient à l’école. Une institutrice valdôtaine
nous a confié que même à la maternelle, parfois les
petits regrettent de ne pas être placés devant un écran
; ce que présente la maîtresse est bien fade !
Et encore: l’école n’a plus l’exclusivité
de la transmission du savoir. À l’occasion du groupe de travail
consacré à : “La marchandisation de l’éducation,
quels enjeux, quels risques ?” , Pierre Moeglin, professeur en sciences
de la communication à l’ université Paris XIII, nous
rappelle que, dans certains cas, d’autres le font beaucoup mieux
que notre institution. Les médias donnent aux esprits curieux la
possibilité d’approfondir des sujets de façon bien
plus exhaustive que l’école n’a les moyens de le faire.
Des entreprises privées proposent des formations professionnelles
souvent plus adaptées à la préparation de certains
concours et à l’insertion dans le monde du travail.
Comment des enseignants, encore motivés et qui veulent toujours
croire en leur mission, ne seraient-ils pas, eux-mêmes, atteints
d’un certain malaise, ou d’une véritable forme de mal-être
?
Si l’école est soumise aux contraintes de l’économie
et du système social, elle a, tout de même, à jouer
un rôle qui lui est propre. Sa réaction
aux multiples sollicitations s’est déjà manifestée
par la mise en route de toute une série de réformes internes.
Pour mieux s’adapter au monde contemporain, face aux limites de
l’école traditionnelle, la tendance actuelle pour l’exercice
de l’enseignement se fonde sur la conviction de la nécessité
du passage de la transmission des savoirs à la transmission des
compétences. Jean-Michel Zakhartchouk, professeur de lettres, ancien
rédacteur en chef de la revue Les Cahiers Pédagogiques,
parle de l’enseignant comme d’un “ passeur culturel
”. Les connaissances n’ont plus besoin d’être
définies de façon exhaustive comme dans les anciens programmes
ministériels ; il devient nécessaire et suffisant de définir
des savoirs minimums essentiels, incontournables, et de dégager
des savoir-faire, des compétences. Nul ne nie que la tâche
est complexe et que, au sein de l’école, s’y trouvent
impliqués tous ceux qui ont la charge de l’instruction et
de l’éducation.
Les finalités générales de
l’école ont été, en quelque sorte, perdues
de vue. C’est ce qu’affirme François Dubet, sociologue,
directeur d’études, EHESS, professeur à l’université
Bordeaux II. Un choix politique en la matière
est nécessaire, et ce n’est pas au corps enseignant de redéfinir
quelles sont les finalités de l’école. Mais peut-il
y avoir bien-être si l’on n’a pas préalablement
donné un sens à ce que l’on fait ?
La réponse de la classe
politique
Il faut bien reconnaître que l’Etat n’est pas resté
totalement inactif face à l’école devenue obsolète.
Des ministres du gouvernement ont eu le courage de tenter une mutation
en lançant des innovations, et ils en ont fait les frais. Chez
nous, en Italie, le ministre Luigi Berlinguer a dû laisser sa place,
mais la grande réforme actuelle, le passage à l’autonomie
et la nouvelle école de base sont bien une suite logique de son
projet. En France, le ministre Claude Allègre qui a, également,
osé s’engager sur le chemin de la réforme, a perdu
son poste; mais là aussi désormais les changements sont
en cours, même si c’est de façon plus timide.
Ce qui manque, ce que déplorent la plupart des universitaires présents
aux 11es Entretiens de la Villette, c’est le manque d’un véritable
débat politique sur le sujet de l’éducation et de
l’instruction. L’ensemble des élus des différents
pays ne peut déléguer aux institutions scolaires la charge
de régler, toutes seules, le problème. Des renversements
fondamentaux commencent à être demandés : Martine
Abdallha-Pretceille, professeur en sciences de l’éducation
à l’université Paris VIII, est convaincue que l’école
doit être au service d’un projet de
société et non pas au service de ses usagers : “
Il faut que l’École, dont une des fonctions est aussi de
transmettre des valeurs, reçoive de nouveau mission pour pouvoir
accomplir sa tâche. Cela suppose que la société énonce
clairement son projet. Or, c’est justement là le problème.
L’École se trouve donc sommée d’agir sans que
sa base d’action soit définie. En privilégiant l’intégration
professionnelle par rapport à l’intégration sociale,
la société via l’École, isole l’individu
et distend les liens sociaux.”
Afin d’éviter tout risque de dérive, ce projet doit,
évidemment, être compatible avec les fondements de la société
dont, en ce qui concerne l’éducation, les valeurs de référence
sont énoncées à l’article 26 de la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme, adoptée par l’assemblée
générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 à
Paris :
1. “ Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation
doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement
élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire
est obligatoire. L’enseignement technique et professionnel doit
être généralisé; l’accès aux études
supérieures doit être ouvert en pleine égalité
à tous en fonction de leur mérite.
2. L’éducation doit viser au plein épanouissement
de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits
de l’homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser
la compréhension, la tolérance et l’amitié
entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi
que le développement des activités des Nations Unies pour
le maintien de la paix.
3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre
d’éducation à donner à leurs enfants. ”
La tâche est encore longue…
Geneviève Crippa
Professeur de géographie, détachée
auprès de la rédaction de la revue.
Quelques suggestions de lecture
Porcher L., Abdallah-Pretceille M., Ethique de la diversité et
éducation, P. U. F., Paris, 1998.
Van Zanten A. (sous la direction de), L’école, l’état
des savoirs, La Découverte, Paris, 2000.
Zakhartchouk J.-M., L’enseignant, un passeur culturel, ESF, Paris,
1999.
Perrenoud P., Métier d’élève et sens du travail
scolaire, ESF, Paris, 1994.
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