|
Les
mathélangues
Un projet qui montre comment
deux langages si différents - les mathématiques et le français
- peuvent cohabiter, interagir et s'intégrer sans créer
un surplus d'ennui au moment de l'enseignement et de l'apprentissage.
Au XVIII siècle l'adjectif "bilingue" avait
le sens de "menteur", aujourd'hui il signifie "celui
qui parle deux langues".
Nous, en tant qu'enseignants de Mathématiques et de Langue Française
à l'Ecole Moyenne, nous relatons une expérience bilingue,
"vécue" au cours des cinq dernières années
sans vouloir être des menteurs.
Il serait simple de commencer notre récit par : "Il était
une fois les Adaptations et le Plan Régional de recyclage ou les
articles 39 et 40...", mais à vrai dire tout a démarré
durant l'année scolaire 1995/'96.
On ne sait avouer ni qui ni quand, mais quelqu'un, un beau jour, a commencé
à poser de belles questions sur l'apprentissage / enseignement
des mathématiques en français :
"Quand ? Comment ? Combien de temps ? Impossible ! Ah, non, il
faut de l'Alternance dans la discipline ! Oui, mais à quel moment?
De la part de l'élève ? De l'enseignant ? Et les retombées
de l'emploi des deux langues sur les pratiques d'enseignement, comment
les évaluer ?".
Face à ces doutes, nous avons eu du mal à trouver des solutions
immédiates, définitives et exhaustives d'autant qu'elles
restent aujourd'hui, année scolaire 1999/2000, encore ouvertes
et objet de discussion.
De plus, il faut remarquer que les premiers projets ne prévoyaient
pas la participation des enseignants de Langue Française.
Donc, que faire ? Il nous semblait que nous avions découvert le
nœud de l'affaire en choisissant d'utiliser la langue française
pour les moments de construction d'une base empirique, pour ceux de manipulation
et pour les tâches procédurales à l'écrit et
à l'oral (consignes, instructions...).
Les moments de synthèse, de systématisation, de connaissance
et de mise en commun se passeraient en langue maternelle.
Cela se déroula de la même façon l'année suivante,
mais une phase de l'Unité Didactique ouvrit "une porte"
aux enseignants de langue et à leur collaboration.
En 1997/ '98, ils arrivent !
Trois professeurs de Français, timides mais pleins de bonne volonté
à trouver le bout de l'écheveau, acceptent de se mettre
en jeu, c'est-à-dire de repérer des pistes de collaboration
possibles avec les collègues des Maths sur un sujet "sensass"
et "épatant" : La relation de Pythagore ! Le
contrat linguistique devenait plus contraignant : la L2 avançait
(sauf dans la démonstration) et... les observateurs paraissaient
à l'horizon.
En 1998/'99, ils partent...
Une autre piste de travail : les quadrilatères. Nouveauté
absolue : la langue véhiculaire est le Français, mais on
ne rejette pas "la roue de secours"de l'Italien.
On s'est rendu compte que les deux langues - mathématiques et français
- interagissaient : la construction d'un concept mathématique partait
d'une représentation visuelle, s'enrichissait de la dimension langagière
(structures, connecteurs, modalisateurs, types de textes, rigueur, sens
des mots (lexique...) et de la relation avec d'autres concepts, s'intégrait
et se complexifiait progressivement par l'argumentaire mathématique.
Pendant cette année scolaire on a pris conscience que, dans un
contexte d'apprentissage bi-plurilingue, il est indispensable de réfléchir
sur l'existence de compétences cognitives et langagières
communes aux disciplines ; c'est pour cela qu'on a travaillé afin
de construire, chez les élèves, non seulement les savoirs
disciplinaires, mais aussi des "outils interdisciplinaires"
nécessaires aux savoirs.
A propos de ce sujet, on a entamé plusieurs discussions d'où
il est ressorti que pour parcourir aisément ce chemin il faut éclaircir
à l'avance les pivots des disciplines concernées et le rôle
des profs impliqués, et mettre en place une planification ponctuelle
(avant, pendant et après l'activité). Pour conclure, le
bilan de notre expérience se compose de points forts, de points
faibles et de questions ouvertes :
• la structure de recherche-action a permis de se pencher davantage
sur les disciplines, sur les méthodologies, sur les stratégies
d'apprentissage et sur l'utilisation et les fonctions des langues dans
les disciplines (langue outil-langue objet ) ;
• l'enseignement bilingue de la discipline comporte plus de clarté
et accorde plus d'attention au langage ;
• le changement de registre de la part de l'enseignant de discipline
favorise une plus grande attention chez les élèves ;
• utiliser l'alternance de façon flexible
est fondamentale parce qu'elle permet de franchir soit les moments de
conceptualisation trop complexes soit les impasses pour lesquelles l'usage
de la langue italienne est nécessaire ;
• le rythme de travail est ralenti, mais le fait de rattraper et
de rendre intelligible le concept est-il si négatif vis-à-vis
de la compréhension? ;
• l'emploi de la langue française ne paraît pas être
une entrave pour l'acquisition des concepts mais si, au moment de l'évaluation,
on découvre " un manque de compréhension ",
alors avons - nous les instruments pour distinguer et comprendre "à
qui la faute ?". Aux mathématiques, au français ou
bien aux langues ?
Somme toute, nous avons voulu raconter cette expérience pour vous
avouer que "les mathélangues" ne sont
ni une nouvelle discipline ni le nom fantastique d'une recette, mais tout
simplement une... métalangue! Il faut être
passé par là pour le croire.
Donatella Camizzi
Professeur de français à l'école
moyenne "C. Viola" de Pont-Saint-Martin
Rosanna Fassy
Adalgisa Fey
Professeurs des sciences et mathématiques à
l'école moyenne "C. Viola" de Pont-Saint-Martin
|
|
|