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Echanges,
collaborations et enjeux transfrontaliers
Dans ces rapports conclusifs, les reflexions
issues des Ateliers réalisés au colloque transfrontalier
d'Annecy '98. Elles s'organisent autour de trois grands axes :
- l'éducation à la citoyefineté qui ne peut se dérelopper
sans une solide articulation entre les savoirs et les pratiques;
- la collaboration transfrontalière, condition fondamentale des
échanges;
- des enjeux pédagogiques porteurs d'une culture europée)me
nouvelle.
" Echanges transfrontaliers et éducation
à la citoyenneté européenne "
L'Atelier, dont nous étions responsables, s'est déroulé
en deux sessions avec à chaque fois des publics différents.
La participation a été très équilibrée
:
origine géographique (Haute-Savoie et Vallée d'Aoste), niveaux
d'enseignement (de la maternelle au lycée classique), fonctions
(enseignants, personnels de direction et d'inspection).
Le nombre de participants, la richesse des interventions mais aussi la
manifestation d'une forte volonté d'opérationnaliser témoignent
de l'actualité et de l'importance du thème choisi mais aussi
du niveau des attentes observées chez les éducateurs de
part et d'autre de la frontière.
Les travaux de l'atelier se sont développés autour de trois
grands axes de reflexion :
- Statut de l'Education à la citoyenneté et attente de la
société ;
- Construction de la Citoyenneté européenne ;
- Conditions de la mise en oeuvre d'une éducation à la citoyenneté
à l'école et contribution du partenariat transfrontalier.
I. Les participants à l'atelier se sont facilement accordés
sur un constat :
de part et d'autre de la frontière, l'éducation à
la citoyenneté apparaît comme une nécessité
de notre temps, une réponse (partielle certes mais réponse
tout de même) au creusement des fractures de nos sociétés
de la fin de siècle et à l'affaiblissement du lien social.
Certes, il serait vain et dangereux de tout attendre de l'Ecole. Mais
à l'inverse, cette dernière ne saurait se dérober
à cette mission tout à fait essentielle qui consiste à
aider les jeunes à retrouver des repères et des références,
voire des valeurs communes.
Delà découle ce qui fonde la spécificité de
l'éducation civique. Même là où son statut
disciplinaire est reconnu (en France, création en 1991 d'un Groupe
technique disciplinaire spécifique), l'éducation du citoyen
n'est pas un objet d'enseignement comme les autres. Pour prétendre
à une quelconque efficacité, elle suppose une étroite
association entre la diffusion de savoirs, la mise en
oeuvre de pratiques et une réflexion sur les valeurs.
La connaissance des institutions (nationales, européennes, internationales)
est nécessaire mais elle ne peut constituer une fin en soi. Si
l'on veut éviter le risque de réduire l'enseignement d'éducation
civique à une simple instruction, il est indispensable
de référer fortement les connaissances enseignées
et apprises au corpus des Droits de l'Homme. Il ne saurait y avoir d'éducation
à la citoyenneté sans mise en oeuvre de pratiques. La citoyenneté
se vit et surtout se construit par l'action. Il est de
la responsabilité de l'enseignant, quel que soit son niveau d'intervention
et en dehors de toute référence disciplinaire, mais aussi
de l'ensemble des personnels éducatifs, de proposer des dispositifs
efficaces permettant aux jeunes dont ils ont la responsabilité
de construire leur citoyenneté. La question des valeurs est essentielle
:
c'est encore la responsabilité de toute la communauté éducative
que de faire en sorte que les pratiques de citoyenneté à
l'école soient effectivement sous-tendues par des valeurs comme
le respect de l'autre, l'engagement sincère dans une action réfléchie...
Plusieurs témoignages ont montre l'acuité du problème
éducatif né de la contradiction, pour l'enfant ou l'adolescent,
entre les pratiques mises en oeuvre à l'école et son vécu
familial. Mais au- delà de ce premier niveau de contradiction n'est-il
pas possible d'en déceler parfois un second, interne à l'école
cette fois, celui de situations éducatives dans lequel le jeune
est confronté à la discordance du dire et
du faire ?
II. Les travaux de l'atelier ont également montré que la
définition même de la citoyenneté européenne
n'était pas sans poser problème.
Certes, il est évident que la réussite d'un projet scolaire
transfrontalier constitue déjà en soi une contribution intéressante
à la construction de la citoyenneté européenne des
jeunes qui en ont été les acteurs.
Mais il est
tout aussi certain que la réflexion sur les contenus mêmes
de la citoyenneté européenne est un passage obligé
pour les enseignants qui auront à la promouvoir auprès deleurs
élèves. Plusieurs constats s'imposent :
- la rupture avec une logique purement territorio-nationale
n'est pas évidente pour tout le monde ; pratiquement d'un bout
à l'autre de l'Europe, les consciences des Européens sont
formées (déformées diront certains) par l'organisation
de la société dans le cadre de l'Etat-Nation.
Le sentiment national existe à des degrés différents
selon les Etats européens, mais on peut repérer partout
les mêmes constituants qui continuent à façonner les
hommes : souvent une langue parlée, une histoire
nationale d'où découle une éducation, un
système économique et social, un imaginaire national,
une pratique religieuse dominante, un même "art
de vivre" (?) ;
- il est indispensable de prendre en considération sur le plan
éducatif cette résistivité du sentiment national
; de la même manière que toute construction européenne
ne peut en faire abstraction, toute éducation à la citoyenneté
européenne doit pouvoir être compatible avec une
réflexion et un travail sur la citoyenneté nationale,
voire même avec une prise é en compte du cadre régional
;
- la nécessité de construire une citoyenneté européenne
ne peut être prétexte à uniformisation et à
homogénéisation ; la citoyenneté européenne
doit au contraire se nourrir des différences ;
- aucun travail sur l'éducation à la citoyenneté
européenne n'est possible sans une réflexion approfondie
sur e l'évolution des fondements de l'identité et de la
conscience européennes au cours du siècle. Pour reprendre
la distinction opérée par l'historien allemand Hartmuth
KAELBE (Université Humboldt, Berlin), tout projet transfrontalier
s'inscrivant dans une perspective d'éducation à la citoyenneté
européenne doit prendre en compte 3 niveaux différents :
celui de "l'Europe vécue" par les jeunes,
celui e de "l'Europe pensée" qui requiert
déjà tout un travail pédagogique et enfin celui de
"l'Europe voulue" qui cherche à traduire
sur le terrain éducatif les politiques construites et décidées
démocratiquement par les Etats membres ;
- la citoyenneté européenne doit être l'expression
d'une volonté commune d'appartenance.
L'entrée par la connaissance des institutions et des mécanismes
économiques n'est pas forcément la plus efficace. Trois
autres pistes méritent d'être explorées :
* d'abord la reconnaissance qu'en vivant en Europe d'une
certaine manière, on en tire une certaine représentation
qui se trouve à la base d'une certaine conscience (voir
ce qu'il y a à tirer d'une étude de la famille européenne,
des populations actives, du rôle de l'Etat-Providence, du phénomène
urbain, des modes de consommation européens...) ;
* ensuite l'identification du "socle" culturel
commun qui rapproche indiscutablement les 15 d'aujourd'hui et qui ne peut
favoriser d'autres élargissements. C'est le "marché
commun culturel" décrit par Edgar MORIN ou la "communauté
de destins" évoquée par Otto BAUER / convergences qui
s'inscrivent dans la longue durée depuis les fondements des civilisations
antique et médiévale jusqu'aux périodes plus récentes
(influence des Lumières par exemple);
* enfin (et c'est certainement le plus important), la mise en exergue
des valeurs communes qui sont le plus solide fondement de la citoyenneté
européenne :
les pays qui constituent l'Union Européenne se reconnaissent dans
les valeurs démocratiques, dans la défense des droits de
l'Homme et des libertés fondamentales ; la Convention européenne
des Droits de l'Homme exprime ce patrimoine commun. C'est probablement
la meilleure entrée pour que les jeunes opèrent la liaison
entre les deux composantes de toute citoyenneté (citoyenneté
d'appartenance et citoyenneté
participative) et prennent conscience que la citoyenneté n'est
ni naturelle, ni universelle, qu'elle résulte d'une conquête
et de combats sans cesse recommencés.
III. De la richesse des interventions des participants, les animateurs
ont cru pouvoir extraire trois séries de perspectives pour notre
partenariat transfrontalier en matière d'éducation à
la citoyenneté :
*il serait souhaitable d'inciter tous les acteurs du partenariat franco-valdôtain
à veiller à ce que chaque projet bilatéral,
quelle qu'en soit la thématique, quel qu'en soit le niveau scolaire,
intègre bien une dimension de citoyenneté et explique clairement
ses objectifs notamment en terme de valeurs, de compétences transversales
visées et de "savoir-être" mobilisés ;
* il faudrait également aider à l'émergence de projets
bilatéraux ou multilatéraux (à trois partenaires
dans le cadre du Programme SUCRATES 2 par exemple) consacrés spécifiquement
à l'éducation à la citoyenneté.
La notion de CITOYENNETE constitue un véritable "gisement"
de projets car elle est une dans son principe mais multiple dans ses champs
d'application :
de la citoyenneté nationale à la citoyenneté européenne,
de la citoyenneté "classique" (juridique / politique
/ sociale) à une définition plus large, dotée d'une
dimension à la fois spatiale et temporelle (ce que l'on désigne
habituellement par la terminologie "citoyenneté environnementale"
ou encore éco-citoyenneté. Un enseignant
valdôtain a montré de manière convaincante l'intérêt
qu'il y aurait à travailler sur l'axe de l'éco-citoyenneté
qui se prête particulièrement bien à des projets qui
mêlent étroitement le dire et le
faire :
la question environnementale permet en effet d'expérimenter aisément
le fameux adage "penser globalement et agir localement"
; la véritable citoyenneté environnementale suppose d'être
en mesure de tenir les deux bouts de la chaîne écologique
; l'éco-citoyenneté, partant du local, se révèle
apte à s'élever jusqu'au global, pour redescendre ensuite
et agir au niveau du milieu dans lequel se déroule la vie quotidienne
de nos élèves ;
* il est enfin indispensable de poser les questions de la formation des
personnels et de la construction de nouveaux outils pédagogiques.
Sur ce plan aussi, le partenariat transfrontalier pourrait être
un puissant levier. En matière de formation, quelques expériences
menées dans le cadre de l'ex MAFPEN mériteraient d'être
prolongées.
La confrontation des points de vue paraît particulièrement
nécessaire lorsque l'objet encore en grande partie à construire
est commun. En matière d'outils pédagogiques, il a été
parfaitement montré l'intérêt qu'il y aurait à
passer du monoculturel au pluriculturel. Même si les évolutions
récentes ont conduit à prendre davantage en compte l'histoire
et la culture des voisins, les outils pédagogiques sont encore
profondément marqués, à de rares exceptions près,
"par le caractère national" de leur production. Les participants
aux deux sessions de l'atelier se sont séparés en manifestant
leur volonté de poursuivre et d'approfondir la réflexion
tout en construisant et en développant des projets de terrain,
forts de la conviction qu'une véritable éducation à
la citoyenneté ne peut se développer sans une solide articulation
entre les savoirs et les pratiques.
Jean-François Arraguin
Proviseur du Lycée Professionnel "Porte
des Alpes" de Rumilly, Ancien professeur d'histoire-géographie
au collège. Co-animateur du groupe "Formation et insertion
professionnelle" des échanges franco-valdôtains. Coordonnateur
des Chefs d'établissements du bassin de formation d'Annecy.
Anna Maria Traversa
Professeur de français. Proviseur en fonction
au Lycée Scientifique de Pont-Saint-Martin. Membre du Groupe de
pilotage de la Coopération Transfrontalière entre la Région
Autonome Vallée d'Aoste et le Rectorat de l'Académie de
Grenoble. Responsable du groupe formation professionnelle.
Eléments de bibliographie en langue française
- Revue HISTORIENS - GEOGRAPHES, N° 359 Octobre-Novembre 1997 dossier
"Education au civisme", p. 105 à 200
administration de la revue : A.P.H.G., B.P. 654l, 75065 Paris Cedex 2
(revue disponible au CDDP de HAUTE-SAVOIE)
- Revue CAHIERS PEDAGOGIQUES N° 340, janvier 1996 "Eduquer à
la citoyenneté"
- Revue LE MONDE DE L'EDUCATION n. 235, mars 1996 dossier "Former
des citoyens" p. 30 à 45
- "Enseigner les droits de l'homme", C.D.D.P. du Val de Marne
- FRANÇOIS AUDIGIER et GUYLAGELFE, ''Education civique et initiation
juridique dans les collèges", INRP 1996. Didactique des disciplines.
268 p.
- Sous la direction de HENÉ GIRAULT, "Identité et conscience
européennes au XXe siècle" Hachette 1994
- "Enseigner l'Europe communautaire" CRDP Alsace 1995
- EDGAR MORIN, "Penser l'Europe", Paris, Nrf Gallilard.1987
- Revue "l'ENSEIGNANT Lycées-collèges" N°
92, 31-05-97 dossier pédagogique "citoyenneté et environnement"
- PIERRE GIOLITTO et MARYSE CLARY "Eduquer à l'environnement"
Hachette-Education collection Profession enseignant, 1994
- "CULTURE REPUBLICAINE, CITOYENNETE ET LIEN SOCIAL" Actes du
Colloque de Dijon, C.N.D.P.
- "Initiatives Citoyennes pour apprendre à vivre ensemble"
- Supplément au N° 15 du Bulletin officiel de l'Education Nationale,
9-4-98
N.B Ces documents (ou d'autres) peuvent être consultes voire empruntés
ou achetés au CDDP de HAUTE-SAVOIE, 2 rue des Aravis 74 000 ANNECY
- Tel. 04 50 23 79 36
"Collaboration transfrontalière
et enseignement des langues ?"
La problématique
Comment la situation de frontalier peut-elle favoriser l'enseignement
de la langue du voisin ? En quoi les échanges sont-ils utiles pour
repondre à cette question ? Du côté haut-savoyard
les échanges constituent un élément important d'une
politique d'enseignement de l'italien de l'école élémentaire
au lycée. Du côté valdôtain l'enseignement /
apprentissage de la langue française se situe dans le cadre de
l'éducation bilingue. Les échanges des enseignants et des
élèves constituent une stratégie pour rendre ce développement
authentique, motivant et efficace.
Le pourquoi des échanges
La Haute-Savoie fait partie de l'Académie de Grenoble où
l'enseignement de l'italien jouit d'un statut privilégié.
La Haute-Savoie notamment étant un département frontalier
a toujours souhaité, en accord avec les autorités consulaires
italiennes et le Conseil général, favoriser l'enseignement
de l'italien dès l'école élémentaire avec
l'objectif d'ouvrir les élèves à la culture et à
la langue de leurs proches voisins européens. Les échanges
avec la Vallée d'Aoste sont venus conforter cette position en y
ajoutant la dimension des contacts directs, des échanges de maîtres
et d'élèves qui ont contribué d'une part à
renouveler la motivation et, d'autre part, à rendre plus efficace
l'enseignement de l'italien. Ainsi, des centaines d'élèves
(environ 2000, en fait) reçoivent une initiation à l'italien
ou un enseignement de cette langue à l'école élémentaire.
Les maîtres sont soit des instituteurs italiens rémunérés
par l'Etat italien dans le cadre d'accord bilatéraux, soit des
instituteurs français volontaires et formés. Il existe un
enseignement de continuité dans de nombreux collèges
sous la forme d'ateliers de langue en 6ème et 5ème.
En effet, dans tous les collèges l'italien est proposé en
2nde langue au niveau de la quatrième.
Enfin, au lycée l'enseignement de l'italien concerne
encore 14% des élèves. Pour modestes qu'elles soient, par
rapport à l'enseignement de l'anglais, par exemple, ces données
placent la Haute-Savoie en très bonne position nationale.
Nul doute que la situation de frontalier induise une volonté assez
générale de maintenir l'enseignement de l'italien à
un niveau raisonnable.
C'est sur le terrain et notamment grâce aux échanges que
nous pourrons améliorer encore cette situation.
C'est là travailler pour le rapprochement des gens dans le cadre
d'une Europe des peuples et de la culture.
La Vallée d'Aoste caractérise sa politique scolaire par
la volonté de créer une école effectivement bilingue.
Ce projet a eu des répercussions positives et il a provoqué
des effets bien au-delà du domaine se référant au
bilinguisme :
changement dans l'organisation scolaire, formation du personnel, évolution
dans les méthodologies didactiques. Tout de même, pour ce
qui est de l'enseignement du français et en français, on
est bien loin d'avoir trouvé une solution à tous les problèmes.
D'une part, il est difficile pour l'enseignant de trouver les solutions
pédagogiques susceptibles de rendre l'apprentissage motivant ;
de l'autre, les enseignants considèrent leur compétence
en français insuffisante pour en faire la langue d'enseignement
dans les différents domaines disciplinaires.
Les échanges scolaires constituent une stratégie et un outil
pour répondre à ses questions et pour soutenir les enseignants
et les élèves dans leur action quotidienne.
Les idées - force ressorties de la discussion
en atelier
La conscience de l'immergé
L'échange d'enseignants et d'élèves constitue dans
les faits un enjeu important pour l'apprentissage et l'amélioration
des compétences dans la langue de l'autre. Dans certaines expériences,
notamment dans les échanges de maîtres de l'Ecole Primaire,
on réalise le principe de l'Immersion qui a été conçu
dans le cadre des projets de développement de l'enseignement des
langues. L'échange considéré sous cet angle donne
en effet de très bons résultats chez les enseignants. Voici
un exemple :
"La 2ème semaine va commencer. Ça va
décidément mieux. J'ai rêvé en français.
Josette (une collègue qui fait l'expérience aussi) m'a dit
qu'elle a rêvé en français'" (Ilda Centomo,
1995).
Il s'agit d'exploiter ces expériences positives pour en tirer des
idées, des concepts utiles pour dépasser le niveau intuitif
de l'expérience immédiate. On vise de cette manière
à rendre les protagonistes des échanges plus conscients
de leurs expériences, afin qu'ils détectent des conduites
d'apprentissage et qu'ils définissent des règles et des
structures de leur comportement langagier dans les situations d'immersions
créées pendant l'échange. Une telle réflexion
débouchant sur une amélioration de la pratique professionnelle
est indispensable car il est évident qu'on ne peut pas concrètement
envisager une politique scolaire visant à l'amélioration
des compétences langagières fondée sur une généralisation
de la pratique des échanges.
L 'échangement
Ce mot sert à expliquer que l'échange peut provoquer un
changement. Ce changement se situe au niveau de l'individu - enseignant
ou élève - à l'issue d'une expérience d'échange
ou au niveau de la politique scolaire d'un établissement ou d'une
institution telle que la Région pour le Val d'Aoste ou l'Inspection
d'Académie pour la Haute-Savoie. Les interactions entre les deux
parties ont pour effet de produire des changements de point de vue chez
les participants et de les amener à "relativiser" leurs
convictions.
Cette modification d'attitude se réalise notamment dans la conception
de l'apprentissage des langues. Les expériences d'échanges
soulignent parfois certaines rigidités des systèmes scolaires,
et mettent en relief des erreurs ; elles constituent en fait un enjeu
et une occasion pour l'amélioration de la politique éducative.
Deux exemples peuvent être cités à ce propos.
Du côté haut-savoyard
Un échange franco-valdôtain ne peut pas se poursuivre au-delà
de l'année scolaire compte tenu du fait que le système prévoit
que le maître change chaque année de classe.
Pourquoi ne pas prévoir, ce qui est déjà possible,
une continuité majeure ?
Du côté valdôtain
On a bien constaté que les approches des instituteurs valdôtains
conduisent à un certain maternage vis-à-vis de leurs élèves,
ce qui n'est pas vrai dans les écoles de Haute-Savoie, vu le rapport
numérique entre enseignants et élèves. Pourquoi,
en Vallée d'Aoste, on ne dépasserait pas, là ou c'est
possible, la logique des petites classes ?
Un couple ouvert
L'échange transfrontalier trouve une perspective de développement
dans la dimension plurilatérale.
Cette idée nous revient de l'exposé de Mme Salvadori et
de l'expérience des école secondaires.
Actuellement, d'un côté et de l'autre du Mont Blanc, on a
bien d'autres contacts, des correspondances scolaires, on a même
signé des conventions, mais le plus souvent tout cela se réalise
dans un cadre bilatéral.
La coopération bilatérale, l'a bien souligné Mme
Salvador! est axée surtout sur la confrontation par paires.
La logique contrastive typique de la dimension bilatérale valorise
le repérage des différences en renforçant parfois
les stéréotypes culturels.
Dans un cadre multilatéral on a plus tendance à mettre en
synergie les compétences respectives, à puiser dans sa propre
culture, à rendre service aux autres et à valoriser les
différentes expériences linguistiques. Ce constat devra
inciter dans le futur les deux parties à rechercher d'autres partenaires
et à s'engager à monter des programmes dans le cadre des
actions prévues par la Communauté Européenne. Trois
propositions succinctes pour améliorer les résultats des
échanges.
• Introduire les échanges à l'école maternelle.
• Augmenter la durée des échanges à l'école
élémentaire.
• Introduire les échanges de professeurs dès l'école
secondaire.
Piero Floris
Inspecteur technique pour l'école élémentaire
au Bureau de l'Inspection Technique - Surintendance aux écoles
- Assessorat de l'Education et de la Culture d'Aoste.
Robert Tubach
Adjoint de l'Inspection Académique de la Haute-Savoie.
Inspecteur Pédagogique Régional. Coordonnateur des Inspecteurs
de l'Education Nationale. Membre du groupe de pilotage de la coopération
transfrontalière.
Bibliographie
PONTECORVO, C. (1993), La condivisione della conoscenza.
La Nuova Italia
A.A.V.V. (1996). Des utopies à construire - Hommage à Jaques-André
Tschoumy. LEP
MOLINARO A. (1995). Echanges scolaires 1" degré, L'Ecole Valdôtaine.
n° 27
FLORIS P. (1996), Richesse et puissance formatrice des échanges,
LEP
"Les enjeux pédagogiques
des échanges scolaires"
Difficultés
Eclatement du groupe classe d'une année à l'autre en France
ce qui pose le problème de la continuité ;
- réticences des familles ;
- différences des programmes nationaux entre France et Val d'Aoste.
Pour qu'un échange réussisse il faut une réelle
motivation des enseignants, des élèves et des familles
:
donc => interdisciplinarité
=> dans ce cas, on trouve toujours un thème commun dans les
programmes de France et du Val d'Aoste.
• Rôle du Chef d'établissement comme médiateur
avec les familles par exemple pour présenter l'enjeu pédagogique
de l'échange et comme garant du bon déroulement de l'accueil
dans les familles.
= > Motivation des élèves du point de vue linguistique
avec des ateliers d'Italien en 6ème et 5ème;
=> rassembler école - collège d'un même bassin
mais en différenciant, en graduant les objectifs selon les
niveaux ;
=> tout établissement scolaire doit être impliqué
dans l'échange transfrontalier ;
=> l'échange doit être indu dans le Projet d'établissement
ou d'école ;
=> tous les enseignants sont au courant et acceptent, même s'ils
ne sont pas directement impliqués dans l'échange, de collaborer
(par exemple lors de modification d'emploi du temps ou d'accueil d'élèves
italiens dans leurs classes).
=> Facilitation de l'organisation matérielle;
• élaboration du thème de travail qui se fera au cours
de l'échange par toute l'équipe de professeurs de France
et du Val d'Aoste lors d'une réunion le plus tôt possible
en détint d'année scolaire ou si l'équipe est déjà
constituée en fin d'année scolaire précédente.
Propositions
• Créer un site Internet pour la Coopération
transfrontalière (recherche de partenaires, compte-rendu d'expériences,
thèmes possibles à exploiter...) ;
• créer un groupe de travail par bassin sur 3 niveaux
: maternelle / primaire / collège pour graduer les projets ;
• implication du chef d'établissement, de toute l'équipe
éducative et des familles.
I - Aspects linguistiques
1) Les enjeux ne sont pas forcément les mêmes de part et
d'autre. Ce n'est pas un problème. On peut aussi travailler sur
une thématique commune. Pour la correspondance épistolaire,
il est aisé de respecter une parité français-italien.
Lors des rencontres, c'est le français qui est le plus souvent
pratiqué, pour deux raisons : c'est une langue traditionnelle parlée
en Vallée d'Aoste et qui y est largement enseignée, à
l'école primaire et moyenne. D'autre part, les élèves
savoyards n'ont bien souvent démarré l'apprentissage de
l'italien qu'en 4ème, est n'en sont donc qu'à
leurs débuts.
2) Les langues régionales savoyardes et valdôtaines sont
communes à quelques variantes près ;
l'avènement de l'Europe nécessite d'effacer les "effets
frontières" dans les esprits ;
en conséquence la mise en valeur des patrimoines linguistiques
régionaux et celle de la nouvelle réalité européenne
vont dans le même sens ;
elles impliquent donc des relations particulières et privilégiées
entre la Savoie et le Val d'Aoste.
3) Les échanges au niveau des lycées professionnels ont
montré que d'un côté comme de l'autre, la langue n'a
jamais été une barrière lors des stages en entreprise.
C'est un travail important pour placer les élèves, mais
l'expérience est très positive.
4) Ces relations améliorent sans doute l'image de l'italien, langue
qui n'est pas encore assez choisie en LV2 dans les collèges savoyards,
alors que l'Italie est un partenaire économique très important
de notre département.
II - Problèmes rencontrés... et solutions
possibles
1) Les poids des programmes :
les relations transfrontalières dérangent le fonctionnement
habituel des cours.
Il faut donc faire comprendre que ces expériences apportent davantage
de sociabilité, de compétences, notamment dans le domaine
du savoir-être et pas uniquement des connaissances supplémentaires.
2) L'évolution : à l'instar des parcours diversifiés
en 5èmeème, ces échanges sont aussi des
moments d'apprentissage, par une pédagogie du détour, et
une évaluation formative peut intervenir.
3) Les différences de programme : on peut trouver une
thématique commune.
4) Les chocs culturels : ils doivent être préparés
pour être positifs.
5) L'accueil dans les familles : il faut beaucoup de volonté
de la part des enseignants pour convaincre les familles d'accueil, surtout
du côté valdôtain. Mais certaines expériences
ont été réussies et demandent à être
renouvelées.
III - Trois idées pour mieux réussir
1) Trouver des contenus, des thèmes à traiter en commun
et conserver aux langues leurs aspects utilitaires notamment : elles sont
faites pour communiquer.
2) Faire reconnaître les relations au niveau de l'établissement
comme une part utile de la formation des élèves.
3) Réfléchir au remplacement des enseignants lorsqu'ils
s'absentent pour ces échanges.
L'idée de fond est de permettre d'aller vers une citoyenneté
nouvelle, autant dans le comportement quotidien que dans sa perception
européenne, en échangeant au niveau des cultures tant scolaires
que professionnelles, tant régionales que nationales, pour une
meilleure appropriation par les élèves de grandes valeurs
universelles.
Marie-Hélène Peyret
Enseignante de communication à l'I.U.T. d'Annecy-le-Vieux.
Responsable de projets tutores.
Vilma Jacquin
Proviseur au Lycée socio-pédagogique
et linguistique "L. Binel" de Verrès. Membre du groupe
de pilotage de la Coopération transfrontalière.
N.B. : tous les niveaux étaient
représentés :
école maternelle, primaire, collège, lycée ; tout
type d'échanges : formation d'enseignants -correspondance - échange
d'élèves: tout type de fonctions : Inspecteur, professeur
d'italien et d'autres matières, maîtres d'école (primaire
-maternelle).
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