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Le
censure à l'époque du fascisme
Une séquence didactique
bilingue pour favoriser les apprentissages en histoire, sur un sujet très
peu traité à l'école élémentaire :
le régime fasciste.
Le projet
Depuis un an et demi, des enseignants de l'école primaire, détachés
au Bureau de l'Inspection Technique, travaillent à la production
de matériel didactique bilingue pour l'enseignement de l'histoire,
des sciences et des mathématiques, dans le cadre du projet de l'inspecteur
Piero Floris Materiali didattici e antonomia progettuale nella scuola
elementare. Ces outils, qu'on appellera "parcours" ou "séquences
didactiques", naissent de l'exigence de donner aux enseignants les
moyens pour pratiquer un véritable enseignement bilingue dans le
domaine de quelques disciplines, notamment l'histoire, les sciences, les
maths. En effet, le matériel didactique que l'on trouve dans le
commerce n'est pas toujours satisfaisant à plusieurs titres : il
ne prend en considération ni l'histoire régionale, ni le
milieu naturel géographique de la Région et il n'utilise
pas en alternance les deux langues, l'italien et le français, que
les élèves sont sensés apprendre à l'école.
Enseignement-apprentissage
Ces parcours reflètent une conception précise de l'enseignement
et de l'apprentissage, qui est conçu comme le fruit de l'interaction
entre les savoirs, bien sûr, et les élèves, mais par
le biais de l'enseignement. La didactique assume, dans cette optique,
un rôle central : ce que l'enseignant fait en classe et dit aux
élèves contribue de manière déterminante à
favoriser les acquisitions, il est le véritable "maître"
des apprentissages.
Une péculiarité de ces parcours est celle de mettre en contact
les élèves avec quelques concepts portants de la discipline
(loin de nous la prétention d'être exhaustifs), à
travers une entrée dans la méthodologie de recherche propre
à la discipline elle-même : on ne cherche pas à transformer
les élèves en "petits historiens", mais on leur
apprend quelque chose sur la recherche historique; on ne fait pas semblant
d'être des "scientifiques en herbe", mais on touche directement
certains problèmes de la recherche scientifique pour apprendre
comment se tissent les savoirs. Par exemple, les élèves
recherchent les causes d'un phénomène et les soumettent
à la vérification expérimentale.
Evaluation
A la fin du parcours, les élèves savent ce qu'ils ont appris
et les enseignants connaissent les acquis de leurs étudiants. Cet
aspect n'est sûrement pas secondaire dans une école qui veut
garantir les apprentissages avec moins d'approximation que par le passé.
Le fait à remarquer est que l'évaluation "certificative",
comme certains l'appellent, se produit seulement à la fin d'un
parcours qui a mis au premier plan une série d'activités
d'apprentissage.
Les séquences d'histoire
Dans le domaine de l'histoire, les collaborateurs didactiques ont réalisé,
au cours de l'année scolaire 1998/99, quatre parcours bilingues
sur le fascisme:
Il controllo sulla stampa nel periodo fascista, L'ascesa al potere
del fascisme, Quando avevo la tua età c'era il fascismo et
Vietato il francese. Le fascisme, qui est un thème très
peu abordé à l'école élémentaire, est
traité de façon à insérer l'histoire locale
dans l'histoire générale. Les situations d'apprentissage
démarrent avec l'analyse d'une source historique, instrument principal
dans le processus d'apprentissage, puisqu'elle stimule les enfants à
s'interroger sur le passé et, par conséquent, à acquérir
des connaissances spécifiques. La sélection des sujets est
liée aux choix méthodologiques: on cherche à dépasser
la vision traditionnelle de l'histoire comme science qui étudie
des événements qui se succèdent de façon linéaire
et dans laquelle on doit absolument étudier les faits antérieurs
pour pouvoir connaître ce qui se passe après. On considère
donc qu'il est très important de limiter l'objet de l'apprentissage:
cela facilite le choix des concepts sur lesquels on veut travailler et
la sélection des documents. Tout en travaillant sur des concepts
spécifiques, les séquences favorisent l'acquisition et la
maîtrise des compétences linguistiques. En effet, l'alternance
des langues est liée au choix des documents, c'est-à-dire
que les activités sont organisées à partir des sources
historiques. S'il s'agit d'un document en langue française, on
n'hésite pas à utiliser cette langue dans les exercices
et dans les productions : le même principe vaut pour les documents
en langue italienne. Les séquences suivent une méthodologie
rigoureuse, qu'on présente avec le schéma proposé
ci-dessous.
Mussolini à Aoste en 1939 - (Prop.: B.R.E.L.)
Un exemple de séquence :
// controllo sulla stampa nel periodo fascista
II controllo sulla stampa nel periodo fascista travaille sur
le concept d'état totalitaire et, en particulier, sur l'une de
ses caractéristiques : la négation de la liberté
de la presse. Les élèves arrivent à comprendre que
le fascisme n'est pas une démocratie et donc qu'il est un régime
totalitaire, puisqu'il utilise la violence et l'ingérence dans
la vie quotidienne des citoyens. Cette séquence démarre
avec une mise en situation qui approche directement les élèves
du problème de la censure, car les enfants observent la page d'un
journal actuel censurée, puis ils travaillent sur différents
journaux de l'époque fasciste. Le plan du parcours qui suit est
la synthèse des objectifs et des activités qui caractérisent
les différentes parties du travail.
PLAN DU PARCOURS |
PHASES |
BUTS |
ACTIVITÉS |
MISE EN SITUATION |
Prendre conscience du contexte d'apprentissa-ge. |
• Lecture d'une page censurée
d'un magazine d'actualité destinée à des enfants
de nos jours. |
INTRODUCTION |
S'imaginer être un lecteur censuré.
Faire des hypothèses sur les causes de la fonction de la
censure. |
• Observation d'une page censurée
du journal "Le Duché d'Aoste".
• Conversation collective sur le document.
• Production d'une lettre dans laquelle l'élève
s'identifie avec le lecteur du journal qui écrit au cousin
français pour lui exprimer ses sentiments par rapport à
la page censurée. |
ATELIER 1 : LA FONCTION DE LA CENSURE |
Retrouver des informations dans un article
de journal. Connaître la fonction de la censure. |
• Analyse d'un article censure, qui parle
des actions de l'opposition constitutionnelle. |
ATELIER 2: LA CENSURA NELL'ANNO 1925 |
Repérer des informations dans un document.
Savoir que pendant le fascisme il n'y avait pas la liberté
de la presse. |
• Lecture d'un article du journal "Le
Mont Blanc".
• Exercices pour la compréhension du texte.
• Réflexion sur les Autorités qui avaient le
pouvoir de censurer la presse : les préfets |
ATELIERS: UNE DES CAUSES DE LA CENSURE |
Retrouver des informations dans un article
de journal. Connaître une des causes de la censure. |
• Lecture de quelques articles séquestrés.
• Activités orientées vers l'identification
d'une des causes de la censure. |
ATEI.IER 4 : LE DÉCRET CON-TRE LA LIBERTÉ
DE LA PRESSE |
Savoir que pendant le fascisme il n'y avait
pas la liberté de la presse et par suite la liberté
de choix, aussi. |
• Analyse du Décret contre la
liberté de la presse. |
ATELIER 5 : LA SOPPRESSIONE Dl ALCUNI GIORNALI |
Connaître les causes de la suppression
des journaux contraires au fascisme. |
• Observation de "L'Ordine Nuovo",
journal à l'époque déjà clandestin.
• Activités sur la suppression des journaux valdôtains
contraires au régime fasciste. |
ATELIER 6 : STATO TOTALITARIO E STATO DEMOCRATICO |
Savoir que la censure est typique d'un régime.
Savoir que la liberté de la presse est typique d'un état
démocratique. |
• Analyse d'un article de la Constitution
italienne.
• Confrontation de documents d'époques différentes. |
CONCLUSION |
Utiliser les connais-sances acquises. |
• Révision du parcours d'apprentissage.
• Réécriture de la lettre rédigée
au début. |
EXERCICES DE CONTRÔLE |
Evaluation des buts fixés. |
• Exercices variés. |
SUGGESTION |
Confronter les situations d'hier et d'aujourd'hui. |
• Interview au Directeur d'un journal. |
Les élèves de Fabbrica de Champdepraz
en 1941 (Prop. B.R.E.L.)
L'introduction comporte la réalisation d'une lettre,
dans laquelle l'élève s'identifie avec un lecteur du "Duché
d'Aoste", un magazine paru en Vallée d'Aoste jusqu'en 1926,
qui écrit à son cousin français pour lui faire part
de ses sentiments lorsqu'il a découvert qu'une page du journal
avait été censurée. La lettre sera rédigée
en langue italienne, car le but est de connaître les représentations
mentales des enfants par rapport au concept historique "censure"et
non pas de faire preuve des connaissances en français. En plus,
l'utilisation de la langue italienne peut, dans ce cas, faciliter les
enfants en difficulté.
À la fin du parcours d'apprentissage, chaque élève
réécrit sa lettre, en organisant les connaissances acquises,
c'est-à-dire le concept de censure et le contexte dans lequel on
l'utilise : le régime totalitaire.
Les documents
La source privilégiée est l'article de journal, mais le
parcours est riche aussi en photographies qui aident les élèves
à concrétiser l'objet d'apprentissage.
Les articles proposés sont, en général, en langue
française, car on est au tout début des années '20,
donc bien avant la publication de la loi qui interdit l'usage des langues
étrangères et, par conséquent, la suppression des
journaux publiés en français. L'article du Mont-Blanc
qui suit en est un exemple.
Dans ce cas donc l'alternance des langues est "naturelle",
c'est-à-dire qu'elle est liée aux textes originaux. Au contraire,
quand les sources sont principalement en langue italienne, on cherche
à insérer le document dans le contexte historique général,
et donc à mettre en évidence le lien histoire locale / histoire
nationale, en utilisant des textes historiques en langue française.
Les documents sont plutôt difficiles, car ils utilisent un langage
désuet, avec des mots très loin du lexique des enfants.
On doit, par conséquent, les analyser avant tout d'un point de
vue linguistique pour les comprendre, et ensuiteles examiner d'un point
de vue historique.
Les activités sont organisées de façon à permettre
aux élèves de s'approprier des contenus de la source, mais
aussi de faire une analyse comparée de plusieurs documents.
Les exercices de compréhension et d'analyse en objet sont rédigés
dans la même langue que celle du document. On veut en effet que
le bilinguisme soit un instrument qui enrichisse et améliore l'acquisition
des savoirs historiques.
Quand on fait une confrontation de la documentation, qui est bilingue,
on peut proposer des exercices dans les deux langues.
On présente en bas de page un exemple d'exercice bilingue orienté
vers l'organisation des acquis sur l'état totalitaire et l'état
démocratique, en partant de documents rédigés dans
les deux langues.
L'exercice propose deux textes à trous, dans lesquels les élèves
doivent insérer les mots proposés dans la consigne.
L'expérience de Plan Félinaz
// controllo sulla stampa nel periodo fascista a été
expérimenté dans quelques classes des écoles élémentaires
valdôtaines, au mois de février 2000 le but était
de vérifier l'efficacité de la méthodologie. A Plan
Félinaz, Marinella Cristoforo et Anita Rey, enseignantes de langues
et d'histoire, ont réalisé le parcours didactique dans la
classe de cinquième.
Elles ont décidé de l'affronter ensemble et donc d'utiliser
les heures de langues et d'histoire à disposition pour travailler
sur la censure. La séquence a été réalisée
dans une période brève, deux semaines, et surtout de manière
intensive, de façon à permettre aux élèves
d'être conscients du parcours, du point de départ et du point
d'arrivée.
L'apprentissage a donc été efficace et les élèves
étaient très motivés, car ils savaient exactement
ce qu'ils faisaient et pourquoi.
Le travail sur les documents bilingues met les enfants dans une situation
de bilinguisme réel, puisqu'ils utilisent les deux codes linguistiques
dans le but de comprendre des sources originales et complexes.
Tous les enfants, même ceux en difficulté, sont donc plus
stimulés à utiliser la langue française soit au niveau
oral soit au niveau écrit.
Le travail à partir des sources bilingues favorise donc l'acquisition
d'un savoir historique spécifique, il aide le processus d'abstraction
et de généralisation.
Mais il contribue aussi à l'enrichissement des compétences
linguistiques dans un domaine disciplinaire : maîtrise d'un lexique
spécifique, lecture et compréhension d'articles de journal,
donc d'un genre textuel précis.
Ces habilités, que les enfants maîtrisent en histoire, peuvent
être employées dans d'autres domaines de la connaissance.
Antonella Dallou - Rosalba Multari
Collaborateurs didactiques d'histoire
Anna Bus
Collaborateur didactique de sciences
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