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Profession
et identité : un regard clinique
sur la formation des enseignants
La
formation à l'exercice d'une profession est d'abord
construction d'identité. quelle identité pour l'enseignant
dans l'école de l'autonomie? quel (s) accompagnement (s) de processus
?
Le
débat international sur la transformation du métier d'enseignant
évolue désormais vers une polarisation : la professionnalisation
d'un côté, la prolétarisation de l'autre. Si l'intérêt
général de la première option est évident,
en Italie l'autonomie scolaire pose clairement la voie de la professionnalisation
comme le seul choix cohérent avec les réformes scolaires
en cours.
• Ainsi,
la formation initiale exige un changement de perspective. La formation
à une profession exprime un projet polymorphe et global générateur
d'identité ; l'acteur professionnel demande non seulement à
développer des compétences, à s'approprier d'un corpus
de savoirs spécifiques, mais aussi - et surtout - à construire
son identité professionnelle et sociale. Voilà un noeud
souvent évoqué comme obstacle au processus de professionnalisa-tion,
car l'identité de l'enseignant est actuellement multiple et controversée.
Il n'y a pas de modèle univoque et partagé : chaque acteur
attribue une importance variable aux gestes de l'enseignement, établit
ses propres priorités, définit de façon personnelle
la relation avec les étudiants et les familles, adopte des catégories
de sens différentes pour interpréter ses tâches. Si
on inscrit la réflexion dans le cadre de la sociologie classique
des professions, l'existence d'un noyau identitaire commun est condition
première de professionnalisation. Mais si on assume un point de
vue à la fois complémentaire et alternatif à cette
approche fonctionnaliste, si on adopte une perspective qui focalise la
discontinuité et le conflit plutôt que l'homogénéité
et la cohésion, l'identité multiple cesse d'être une
contrainte pour devenir une ressource dans la recherche de moyens de profes-sionnalisation,
et ceci non seulement sur le plan conceptuel mais avec des retombées
méthodologiques sur le profil de formation. Nous faisons référence
notamment à la théorie de A. Strauss qui considère
les professions comme processus et les décrit comme agrégation
de segments poursuivant des objectifs divers, variables dans le temps.
L'identité,
dans cette perspective, ne se développe pas autour d'un a priori
stable et homogène ; elle devient plutôt articulation mouvante,
intégrée et équilibrée des composantes identitaires
que chaque segment peut exprimer de façon autonome et transitoire.
Dès lors,
la formation à la profession n'est plus une initiation au noyau
central, mais un parcours (un processus, à la Strauss) de
la personne dans son contexte culturel et social, où les dimensions
techniques et pragmatiques sont modulées par un travail sur soi
avec des références éthiques explicites et conscientes
et la prise en charge des composantes affectives.
Aussi, la multiplicité
dynamique de l'identité enseignante se qualifie-t-elle comme professionnelle
par un nouveau paramètre qui se situe en deçà d'une
norme collective reconnue comme typique : il s'agit de l'articulation
nécessaire d'un savoir spécifique à un idéal
de service, à un usage prudent des savoirs orienté
par une éthique de la relation et par une éthique de la
connaissance.
On admet et
on re-connaît une déclination variée du savoir
spécifique (le débat scientifique autour du savoir de l'enseignant
et du statut épistémologique de la pédagogie est
riche, vigoureux et loin d'être achevé) et de l'idéal
de service (où se jouent la plupart des résistances liées
à l'intersubjectivité : la recherche d'un code déontologique,
par exemple, n'est que l'expression d'un mécanisme de défense
qui déplace le problème de la responsabilité sur
un registre normatif externe). On déplace l'accent sur l'intégration
dynamiquement équilibrée de ces deux composantes.
•
L'accompagnement de l'acteur dans ce parcours peut s'inspirer de divers
paradigmes. L'approche clinique à la formation, en particulier,
permet d'associer et de travailler les éléments volontaires
et les éléments aléatoires, les projets et les imprévus
de l'expérience de formation ; l'heuristique à partir du
vécu, la pratique évaluée et non jugée, le
savoir construit, l'imaginaire évoqué s'y conjuguent dans
la complexité. Seulement, pour que les systèmes de représentation
et de croyance émergent par la parole, pour que l'étudiant
devienne progressivement un praticien réfléchi, capable
de formuler des diagnostics, de prendre des décisions en autonomie
et responsabilité, il est question d'abord de créer un climat
adéquat, avec une approche éthique à la connaissance
(visant la compréhensio plutôt que le contrôle). Deuxièmement,
le dispositif ne peut pas s'inscrire dans le vide s'agit alors, outre
que d'aménager des espaces-temps où les représentations,
les vécus et les connaissances s'actualisent, se socialisent et
éventuellement entrent en discordance, d'assurer dans la durée
des feedback et des interactions entre toutes les composantes du système
de formation.
• On entrevoit
ici une amorce d'homéomorphisme entre la structure de l'identité
professionnelle et celle des dispositifs de formation qui se veulent générateurs
d'identité. En effet, pour ce qui est des objets de la formation,
tout dispositif intéressant de manière déséquilibrée
les deux composantes de l'identité est voué à éloigner
l'enseignement de la professionnalisation, repoussant celui-ci encore
une fois à un métier artisanal sans savoirs ou à
un métier savant sans but. En ce qui concerne le traitement de
ces objets, encore faut-il mettre en oeuvre une éthique de Information
qui - tout comme l'éthique de l'enseignement - dépasse la
dimension subjective, pour montrer son statut de condition environnementale
permettant le travail de deuil essentiel à tout apprentissage authentique.
Plusieurs expériences
prouvent qu'une telle articulation est bien possible, du moins au sein
d'unités localement constructivistes de formation. La cohérence
globale d'un dispositif générateur d'identité semble
pourtant bien plus difficile à réaliser. Ainsi, la construction
d'identité professionnelle chez l'enseignant se présente
comme un défi conceptuel et méthodologique, outre que social.
Teresa
Grange
Chercheure
en Sciences de l'éducation.
Présidente du Cours de Maîtrise en Sciences de la Formation
Primaire et de l'Ecole de Spécialisation pour la Formation des
Professeurs de l'Enseignement secondaire de l'Université de la
Vallée d'Aoste.
Bibliographie
CIFALI, M. Eduquer, un métier impossible. Dilemmes actuels,
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PAQUAY,
L - ALTET, M. - CHARLIER, E. - PERRENOUD, Ph. Former des enseignants
professionnels : quelles stratégies ? Quelles compétences
? De Boeck Université, Bruxelles - Paris. 1996
PERRENOUD,
Ph. La formation des enseignants : entre théorie et pratique,
L'Harmattan, Paris. 1994
SCHON,
A. The reflective practioners : how professionals think in action.
Basic Books, New York.'1983
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