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Prise
en charge du handicap de part
et d'autre du Petit-Saint-Bernard
Journées d'échanges
inter-professionnels Franco-Italiens (Albertville 28 29 septembre 2000)
Une délégation composée d'enseignants
et d'opérateurs valdôtains engagés auprès des
jeunes handicapés s'est rendue en Tarentaise pour mieux appréhender
la façon dont est affronté le thème des jeunes handicapés
de l'autre côté du Petit-Saint-Bernard.
C'est ainsi que, les 28 et 29 septembre 2000, se sont déroulées
les journées d'échanges inter-professionnels franco-italiens,
organisées par la Ville d'Aoste, la Ville d'Albertville, l'Inspection
de l'Education Nationale (Albertville et Moutiers), l'Association «Maison
de l'Europe», le CAMSP Albertville-Tarentaise et la Région
Autonome de la Vallée d'Aoste (Direction des politiques de l'Education).
Ces deux journées d'échanges étaient intitulées
«Prise en charge du handicap de part et d'autre du Petit- Saint-Bernard».
La genèse de ce projet date de la mise en place de la charte d'amitié,
signée entre Albertville et Aoste en octobre 1999.
A cette occasion, une visite des structures valdôtaines s'occupant
de l'enfance handicapée a eu lieu. Les professionnels présents
ont alors décidé de prolonger et de développer cette
initiative par le biais d'échanges réguliers et d'un colloque
annuel sur le thème de la prise en charge du handicap, organisé
alternativement à Aoste et à Albertville.
Dans ce domaine très particulier, la France et l'Italie paraissent
marcher dans des voies parallèles, ce qui rend d'autant plus intéressante
la confrontation des expériences. Dans le présent article,
nous avons fait le choix d'affronter uniquement les problématiques
concernant le monde de l'école même si les thèmes
développés ont été bien plus amples.
L'INTÉGRATION DES DEUX CÔTÉS
En Savoie, suivant l'âge et le type de service dont il a besoin,
l'enfant et le jeune en grande difficulté et certains handicapés
mentaux sont accueillis en milieu scolaire de différentes manières.
A la maternelle et à l'élémentaire, les Réseaux
d'Aides Spécialisées (RASED) permettent de les maintenir
au sein des classes ordinaires. Encore à l'élémentaire,
les Classes d'Intégration Scolaire (CLIS) prévoient de recevoir
ces enfants au sein de classes spécialement conçues pour
eux et certains écoliers peuvent être accueillis quelques
heures par semaine dans des classes ordinaires avec les autres enfants
de leur âge. De façon tout à fait exceptionnelle,
entre 11 et 15 ans, ils peuvent fréquenter le collège. Après,
le jeune peut bénéficier d'aides à l'insertion dans
le monde du travail, par exemple en Centre d'Aide par le Travail (CAT),
s'il en a l'âge et les capacités.
En dehors du milieu scolaire, l'accompagnement est aussi prévu
dans des institutions telles que : le Centre Médico Psychologique
(CMP), le Centre d'Aide Médico Sociale Précoce (CAMSP),
l'Institut Médico Educatif (IME). Ces organismes permettent de
répondre aux besoins d'éducation et de soins d'enfants et
d'adolescents présentant une déficience intellectuelle moyenne
à profonde. En cas de besoin, l'accompagnement peut aussi se faire
non seulement à l'hôpital mais aussi à la maison.
• Pour nous, de la Vallée d'Aoste, et plus particulièrement
pour ceux qui exercent leur activité professionnelle auprès
des élèves en grande difficulté de la Région,
il nous semble important d'examiner, plus particulièrement, quels
sont les intervenants de l'autre côté du Petit-Saint-Bemard.
Nous avons voulu mieux comprendre qui ils sont et quel est leur rôle.
Par exemple, lors de la visite programmée au sein d'une l'école
maternelle à Bourg Saint Maurice, nous avons assisté à
un cas d'intégration en classe. Là, trois experts viennent
en aide à l'enseignant mais ils ne gèrent pas la classe
avec lui. Le Réseau d'Aide Spécialisée, composé
d'une psychologue, d'un rééducateur et d'une aide pédagogique,
y a mis sur pied un projet concernant un enfant en grande difficulté
d'apprentissage qui fréquente une classe de la maternelle. Le fascicule
de présentation du projet nous a éclairé sur le rôle
de chacun de ces intervenants, (voir box p, 65)
• Les deux journées ont été ponctuées
de nombreuses visites sur le terrain, dans différentes écoles
et dans des centres spécialisés. Le dernier après-midi
a été consacré à une table ronde au cours
de laquelle certaines caractéristiques particulières à
la France et à l'Italie ont émergé.
En Italie, il semble que la priorité donnée à l'insertion
de l'enfant et du jeune en grande difficulté scolaire ou handicapé
(même assez lourdement) est celle de lui offrir la possibilité
de vivre l'école comme le lieu privilégié de la socialisation,
même si ses capacités d'apprentissage sont très limitées.
D'après ce que nous avons vu en France, l'école semble être
avant tout le lieu de l'instruction. Quand les capacités de l’individu
ne sont adéquates le ne peut pas fréquenter les classes
ordinaires, il est destiné aux classes ou bien aux institutions
spécialisées. En Italie, on ne se pose pas en priorité
le problème des capacités de l'élève en grande
difficulté. Il s'agit plutôt de donner aux enfants et aux
jeunes la possibilité de se confronter à la différence,
de l'accepter. L'école est aussi l'endroit où l'on peut
apprendre la tolérance, quitte à ce que la gestion de la
classe soit un vrai casse-tête pour l'enseignant. Il est vrai aussi
qu'ici le maître ou le professeur peut, en permanence, compter sur
la collaboration de l'enseignant de soutien ou bien de l'assistant éducateur
qui gèrent avec lui l'ensemble des élèves, dans le
cas où le groupe classe compte un jeune handicapé. Il est
prévu que l'élève fréquente des camarades
de son âge et que les autres s'habituent à la différence.
On comprend alors mieux le rôle donné, en France, au psychologue
scolaire, à l'aide pédagogique et au rééducateur.
• Du Val d'Aoste à la Tarantaise, vu que la manière
de traiter les problèmes diffère, des échanges croisés
deviennent alors très enrichissants. A l'occasion de la table ronde,
pour clôturer les deux journées, les regards aussi se sont
rencontrés pour comparer les éléments pertinents
qui fondent les politiques éducatives et sanitaires des deux pays
: rapprocher les différentes éthiques et rechercher des
pistes de réflexion utiles de chaque côté des Alpes.
Le débat a été fort intéressant. Le mot clé
«intégration» a circulé largement parmi les
intervenants. Ceux-ci se sont accordés sur le principe que l'intégration
est quelque chose qui demande du temps, se prépare et s'accompagne
d'actions concrètes. Quelques thèmes de discussion ont été
lancés. La formation des enseignants, en premier : former c'est
contribuer à une préparation professionnelle spécifique;
c'est concevoir des attitudes nouvelles face au handicap. Et si les Savoyards,
par exemple, suite aux échanges et grâce aux Valdôtains,
pouvaient approfondir leur connaissance en matière de handicap
à l'école en se basant sur la longue expérience vécue
depuis des années de l'autre côté de la frontière,
on pourrait pratiquer une pédagogie coopérative, enrichissante
pour tous, visant l'intégration scolaire.
Affirmer, comme on le fait au CAMSP que :
«l'enfant handicapé ce n'est pas un enfant comme les autres,
mais comme les autres c'est un enfant», c'est déjà
faire preuve d'un état d'esprit tout à fait nouveau. Il
normalise le handicap tout en lui reconnaissant une problématique.
Et, si la formation est importante, les dispositifs institutionnels le
sont encore plus car ils permettent d'agir dans des conditions de travail
favorables à l'intégration. Un cadre normatif qui prévoit
à l'école plusieurs figures telles que des psychologues
scolaires, des médecins, du personnel qualifie', est tout à
fait positif mais le secret médical, par exemple, contribue à
freiner la communication avec les enseignants. Comment pouvoir, dans ce
cas, mettre en place des stratégies didactiques vraiment efficaces
? Prévoir des rencontres régulières avec les trois
parties concernées par l'intégration, l'école, les
parents et les centres spécialisés peut être le premier
pas.
Le deuxième thème abordé fut la construction d'un
réseau. Il s'agirait de permettre à plusieurs partenaires
(y compris les Valdôtains) une approche plurielle de la problématique
relative à «l'intégration», de discuter et de
tenter de trouver des solutions. Cette situation privilégiée
pourrait permettre de faire ressortir les différences de façon
constructive. En effet, les différences sont loin de révéler
des modèles inconciliables, même si les styles sont différents
; elles sont porteuses de suggestions. Si le système italien est
le fruit d'un choix politique précis : "l'intégration
à tout prix", le système français envisage une
démarche différente. Pour ce dernier, il s'agit d'une prise
en charge plus douce, différenciée, à l'aide de différentes
structures, les CLIS, le CAT, les IME, le CAMSP, le SESSAD (Service d'éducation
spécialisée et de soins à domicile), le CMP, etc...
que nous avons présentés précédemment.
Dans le domaine de l'éducation, le doute est de rigueur. Le tâtonnement,
l'expérimentation sont continus.
Inutile alors de porter un jugement de valeur ; un système n'est
pas meilleur que l'autre. Par exemple au Val d'Aoste, est-on sûr
que l'intégration des handicapés graves représente
vraiment une chance pour l'élève aux capacités réduites
? Et pour les autres élèves de la classe qu'en est-il ?
Il faut reconnaître que le problème est parfois énorme.
Dans bien des cas, il serait plus convenable de dire que les autres élèves
supportent leur camarade plutôt qu'appeler cela une véritable
intégration. Parler d'intégration ne signifie pas qu'elle
soit atteinte facilement et définitivement. Aborder le sujet est
déjà une amorce de réponse. Suivent alors le travail
de mise sur pied du projet et les activités différenciées
par objectifs et méthodes spécifiques. Et encore, que sait-on
du travail réalisé par l'équipe médico-psychologique
? Une équipe qui, très souvent au Val d'Aoste, n'a pas de
secret pour les enseignants mais ne les rencontre que trois fois par an
: au début, à mi-parcours et à la fin. C'est, décidément,
trop peu ! Les problèmes sont encore nombreux au Val d'Aoste aussi
; rien n'est résolu une fois pour toutes. Il vaut mieux ne pas
se cacher derrière des expressions du genre : "Chez nous,
l'intégration existe déjà depuis longtemps".
Quelle intégration ? Potentielle ou réelle ? Et de qui ?
Jusqu'à quel point ? Par quels moyens et avec quels résultats
? Questions, peut-être difficiles mais qui sont nécessaires
pour continuer à se questionner et, enfin, pour mieux comprendre.
La visite d'une classe d'intégration scolaire (CLIS) a été
programmée. Là, nous avons vu l'instituteur pratiquer un
enseignement différencié, très attentif aux capacités
de chaque élève. Il en ressortait un grand respect des rythmes
d'apprentissage de chacun. Des consignes précises, écrites
au tableau en début d'activité, étaient un repère
indispensable pour les enfants en difficulté, de même que
l'utilisation de techniques différentes et calibrées sur
les capacités des élèves : ordinateur, manipulation
des objets... Le tout s'inscrivait dans un projet pédagogique d'intégration
porteur de sens pour les élèves. La classe d'intégration
scolaire est devenue alors, tout comme le Centre d'aide pour le travail
(CAT), un véritable lieu d'intégration.
PERSPECTIVES
Quelles propositions est-il possible de formuler pour l'avenir ? Des deux
côtés de la frontière un avenir, forcément
commun, se construit. Dans le cadre européen, la Vallée
d'Aoste et la Tarantaise ont un rôle à jouer. Deux bassins
de vie de même importance numérique, avec des liens géographiques
et historiques très forts, ne peuvent pas s'ignorer. Surtout, depuis
1992 et la signature du traité de Maastricht qui a transformé
la Communauté européenne en Union européenne, il
est nécessaire d'étudier des systèmes éducatifs
et sanitaires compatibles afin que les compétences communautaires
puissent naturellement et mutuellement élever le niveau des différents
systèmes. La mise en place de la Charte d'amitié entre les
villes d'Aoste et d'Albertville, signée le 8 mai 1999, n'a fait
que renforcer ce besoin. Connaître et comparer ces éléments
doit servir à faire progresser, dans les deux régions limitrophes,
la reconnaissance de la dignité de la personne handicapée,
afin que cette dernière puisse être un citoyen européen
à part entière. Dans le vaste chantier que constitue la
construction de l'Europe sociale -chantier d'autant plus difficile que
l'on se doit de respecter la culture des populations concernées
ainsi que les "Edifices classés" que constituent les
différentes législations - l'œuvre des artisans de
ce projet est tout à fait louable. Cette table ronde a posé
clairement les problèmes. Les questions sont encore ouvertes et,
à l'occasion des futurs rendez-vous, elles pourront être
affrontées. Quels sont les prochains buts ? Aller encore plus loin
: instaurer des rencontres entre les professionnels, entre les structures,
former des équipes, créer un groupe de pilotage mixte aussi
bien du point de vue des caractéristiques professionnelles qu'internationales.
Certes, la machine n'est pas facile à mettre en route. Quelles
priorités se donner ? Quand se rencontrer à nouveau ? Mais
les partenaires semblaient bien décidés à continuer
et à ne pas laisser tomber cette grande opportunité.
Le réseau d'aide spécialisée
à Bourg-St-Maurice |
"La psychologue scolaire : elle travaille
dans l'école à la demande des enseignants, des parents
ou des enfants. Elle e'coute l'enfant et l'observe dans ses comportements,
elle écoute les parents, elle écoute les enseignants.
L'étude de la relation enfant-parent-enseignant lui permet
d'améliorer la communication et d'aider à l'adaptation
et à la réussite scolaire.
Les outils de la psychologue scolaire sont l'entretien psychologique,
l'examen psychologique, le suivi psychologique qui s'adresse à
l'enfant mais aussi aux adultes qui l'entourent (parents, enseignants).
La psychologue scolaire participe aux commissions d'orientation
vers l'enseignement spécialisé et aux contrats d'intégration
des enfants handicapés. Elle travaille en relation avec les
services sociaux et de santé. Elle participe également
à des réunions d'école (conseils de cycle,
d'école...) à la demande, quand sa présence
peut être utile.
L'aide pédagogique : son rôle est de prévenir
ou de réduire des difficultés particulières
dans l'acquisition et la maîtrise des apprentissages fondamentaux.
Il s'agit d'une aide temporaire et qui vise à un retour rapide
dans le cycle.
L'aide pédagogique intervient pour repérer et analyser
les difficultés des élèves avant la décision
d'un suivi en réseau et dans le cadre de son travail de prévention.
Elle élabore, avec le maître de la classe, un projet
pédagogique adapté à l'élève
pour concevoir et organiser ses interventions.
Elle participe aux évaluations de la troisième année
d'école élémentaire pour analyser les erreurs
et rechercher les remédiations.
Auprès des enfants, son action s'articule en différentes
étapes. Elle fait un travail autour de la communication et
des interactions avec des petits groupes d'enfants. Elle recherche
les compétences réelles de l'enfant dans le domaine
mathématique. Elle évalue ses compétences dans
le domaine du langage, ses capacités de lecture et d'écriture.
Elle agit sur le système d'attitudes de l'enfant par rapport
à la relation pédagogique en modifiant les interactions,
dans le petit groupe, entre l'enfant et ses camarades et entre l'enfant
et l'adulte. Elle permet l'acquisition et l'utilisation de nouvelles
compétences. Elle fait une évaluation permettant l'ajustement
et l'efficacité des actions et aussi la prise de conscience
par l'élève des progrès réalisés.
Cette évaluation sera aussi faite en rapport avec les objectifs
en usage dans la classe. Enfin, elle élabore le bilan final
de prise en charge.
Les outils de l'aide pédagogique consistent à proposer
différentes activités : des exercices d'attention
visuelle et auditive (pour améliorer la précision
de la perception et de la concentration) ; des exercices visant
à développer les capacités de raisonnement
(jeux logiques) ;
des exercices pour la construction et le développement des
pré-requis indispensables à la lecture (prise d'informations,
anticipation, écoute et repérage des sons...); des
exercices d'expression orale et écrite ; des travaux systématiques
de lecture et d'écriture; des situations variées de
recherche et de réflexion pour accéder à une
meilleure compréhension, pour acquérir une méthode
de travail ; et enfin des situations ludiques (jeux littéraires,
jeux mathématiques).
Le rééducateur : ses objectifs et ses interventions
auprès des écoles maternelles et élémentaires
figurent dans la circulaire 90-082 du 9 avril 1990 : " La rééducation
s'adresse à des élèves en difficulté
scolaire, globale ou particulière, éventuellement
auprès d'élèves handicapés; ces interventions
ont pour objectif, d'une part, de favoriser l'ajustement progressif
des conduites émotionnelles, corporelles et intellectuelles
et, d'autre part, de restaurer chez l'enfant le désir d'apprendre
et l'estime de soi.
Ces interventions doivent permettre un engagement actif et personnel
de l'enfant dans les différentes situations, la construction
ou la reconstruction de ses compétences d'élève.
L'action de l'aide spécialisée à dominante
rééducative est entreprise avec l'accord des parents
et dans toute la mesure du possible avec leur concours".
"L'action d'aide spécialisée est ainsi formulée
dans un projet qui donne lieu à la rédaction d'un
document écrit. Ce document décrit le cas à
traiter ; énonce la stratégie envisagée ; prévoit
la démarche et les rapports qui vont progressivement organiser
l'action; donne une estimation de sa durée ; élabore
les modalités de son évaluation".
L'aide est le plus souvent individuelle, parfois en groupes restreints.
La fréquence est de deux séances de 45 minutes par
semaine pour les enfants de classes élémentaires ;
deux séances de 30 minutes par semaine pour les enfants de
classes maternelle ; 5 à 15 minutes quotidiennes (selon l'âge
de l'enfant) pour le langage en maternelle.
L'analyse du signalement de l'élève en difficulté
scolaire, l'organisation de l'observation des enfants signalés
au Réseau, et la décision d'aide à dominante
pédagogique, rééducative ou psychologique,
ainsi que la régulation de l'aide (ajustements, modifications)
sont effectués en réunions hebdomadaires de Réseau."
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Geneviève Crippa
Agnese Molinaro
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