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La Francophonie, de vive voix, à Courmayeur


Notre Région est fidèle aux journées internationales de la Francophonie. cette année les prospectus arboraient un logo inspiré d’une affiche conçue par les élèves de l’Institut d’Art d’Aoste. Différentes manifestations ont ponctué cet événement, notamment la rencontre entre les conteurs et les écoles.

“La Francophonie, c’est aussi, et peut-être d’abord, une certaine vision du monde. Nous bâtissons ensemble un univers politique fondé sur une communauté inédite, cette langue que nous avons en partage et qui nous rassemble au-delà de nos diversités culturelles”

Jacques Chirac

Les journées internationales de la francophonie au lycée linguistique Courmayeur
Les journées de la Francophonie 2001 qui se sont déroulées au Val d’Aoste du 17 au 21 Mars sous l’égide de la Région Autonome Vallée d’Aoste en la personne de l’Assessorat de l’Éducation et de la Culture, Direction des politiques de l’Éducation, ont aiguillonné les enseignants et les classes à s’interroger sur ce sujet.
Au Lycée linguistique Courmayeur, les profs de français, d’histoire et leurs classes se sont d’abord demandé quelle définition on pouvait donner de la francophonie.
Voici celle qu’en donnent Eleonora Monti, Silvia Petigax et Stefania Poli, trois élèves de la classe de 3ème :
La francophonie peut se définir comme la communauté des peuples parlant français ou l’utilisant à des degrés différents, que ce soit sur le plan interne ou sur le plan international. La francophonie est un cadre également institutionnel, composé d’organisations et d’associations gouvernementales ou pas qui constituent le mouvement de concentration des peuples ayant le français en partage. Dans la plupart des 55 États de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) existent différentes cultures. Ce facteur a fortement influencé l’évolution de la Francophonie.
En classe de 5ème on a proposé aux élèves de se pencher sur l’article d’Alain Peyrefitte tiré du Figaro, intitulé “ Francophonie : le contraire d’un ghetto ”, dans lequel l’auteur affirmait :
“ La Francophonie n’est pas une façon subtile et dérisoire de perpétuer un empire colonial. Le centre de la francophonie n’est pas la France mais le français ; son centre est partout et sa circonférence nulle part …/… la francophonie est une mouvance inconstituée ; une amitié qui, pour se légitimer, ne cherche ni les liens du sang, ni ceux de l’Histoire, ni les affinités idéologiques. Elle fait confiance au lien commun de tant de peuples : le français.”

Rappel historique
A propos du film : La trace. Les Alpes savoyardes, valaisannes et valdôtaines au moment de l’Unité italienne.
Un peu d’histoire :
Le 20 juillet 1858 a lieu à Plombières l’accord entre Napoléon III et Cavour: l’empereur lui promet son aide militaire pour chasser les Autrichiens de la péninsule, l’annexion par le Piémont de la Lombardie et de la Vénétie en échange de Nice et de la Savoie.
En 1859 la situation évolue rapidement : les relations entre France et Autriche se durcissent et le Piémont souhaite la guerre. En effet Cavour mobilise l’armée piémontaise le long du Tessin ce qui entraîne la réaction autrichienne. Après avoir adressé à Turin un ultimatum, donnant trois jours aux Piémontais pour remettre leur armée sur le ” pied de paix “, le 26 avril commence la Seconde Guerre d’Indépendance italienne. Les Autrichiens, sous le général Giulay, franchissent le Tessin pour battre l’armée piémontaise avant l’arrivée des soldats français, mais les Piémontais résistent et bloquent l’avancée autrichienne.
Entre le 10 et le 14 mai, Napoléon III débarque avec son armée à Gênes et se met à la tête des forces alliées qui passent aussitôt à l’attaque et remportent les victoires de Montebello (20 mai) et de Palestro (30 mai).
Le 4 juin ils écrasent les Autrichiens à Magenta et, quelques jours après, Napoléon III et Victor-Emmanuel II font leur entrée dans Milan.
L’empereur François-Joseph, après avoir destitué le général Giulay, prend le commandement des troupes qui sont à nouveau battues lors des batailles de Solferino et de San Martino (24 mai).
Au moment où le Piémont paraît sur le point d’atteindre son but, Napoléon III décide de signer l’armistice de Villafranca (11 juillet) avec François-Joseph : l’Autriche remet la Lombardie à la France et celle-ci la cède au Piémont, la Vénétie reste autrichienne, les Princes d’Italie centrale et le Pape sont restaurés dans leurs droits. Victor-Emmanuel II accepte tandis que Cavour s’oppose et démissionne.
En janvier 1860, sous la pression de la France et de l’Angleterre, Cavour est rappelé au gouvernement : par des plébiscites sont votés le rattachement au Piémont de la Toscane, de Parme, de Modène et de la Romagne. En échange Napoléon III reçoit son ”pourboire“, Nice et la Savoie.

Tout naturellement s’est imposée la question: qu’est-ce que la francophonie au Val d’Aoste ?
Eleonora Monti, Silvia Petigax et Stefania Poli de la classe de classe 3ème nous proposent cette réponse :
En Vallée d’Aoste le français est utilisé comme langue écrite avec le latin et devient progressivement l’unique langue officielle en 1561. Le bilinguisme français-francoprovençal reste inaltéré jusqu’au XIXe siècle, quand, après la création du Règne d’Italie (1861), est introduit l’usage de la langue italienne. Les successifs conflits culturels entraînent des revendications linguistiques puis politiques dérivant d’une longue tradition de particularisme politique. Le fascisme interdit l’usage du français et effectue une italianisation forcée, faisant face à l’immigration des travailleurs italophones, à laquelle correspond l’émigration des valdôtains francophones. L’institution de la Région Autonome Vallée d’Aoste porte à une reconnaissance des droits linguistiques de la population autochtone et à l’officialisation d’un bilinguisme fondé sur la parité des langues française et italienne. La Vallée d’Aoste fait partie des principales organisations de la Francophonie. En particulier, elle jouit du statut d’observateur au “ Sommet des pays Francophones ”, institution qui réunit les chefs d’État et du gouvernement des pays francophones.
Après la réflexion théorique à laquelle se sont intéressés certains élèves, au gré de leur sensibilité (par manque de place nous ne pouvons reproduire la recherche approfondie de Tommaso Lupo de la classe de 3ème), le Lycée a participé aux activités proposées par la Direction des Politiques de l’Éducation et plus précisément à la projection du film La trace, de Bernard Favre (1983) avec Richard Berry, que toutes les classes du Lycée Linguistique et certaines autres de l’École moyenne de Courmayeur ont eu l’opportunité de voir à Courmayeur-même grâce au dévouement de Monsieur Paul Laffont, directeur de l’Alliance française (que nous remercions encore).
Voilà comment Pamela Fantasia et Eleonora Zonin, de la classe de 2nde, racontent le film La trace.
L’action du film La trace se déroule en Haute-Savoie. Dans ce film l’auteur a traité le thème du commerce entre la Haute-Savoie et l’Italie. Un jour, pendant l’hiver, un colporteur est parti pour aller vendre du drap, des étoffes, des foulards et des rubans de soie, laissant à la maison sa femme enceinte de quelques mois. Pendant son voyage l’homme a rencontré un sarde, qui était perdu dans la montagne. Il l’aida et ils parcoururent beaucoup de chemin ensemble, le sarde enseigna au savoyard à jouer de l’accordéon. Le long du chemin de retour chez lui, le savoyard a vu mourir son âne dans un précipice et, à la frontière récemment instituée, les douaniers lui interdirent le passage.
Alors, le savoyard est resté en Haute-Savoie et après quelques semaines, en passant dans un village, il découvre que sa femme est là et qu’elle a eu un enfant. Il passa un peu de temps avec sa famille puis il repartit pour terminer ses ventes.
Ce film-là, a été très instructif, mais il a été un peu difficile à comprendre, parce que les protagonistes parlaient souvent en dialecte. Peut-être que par sa longueur, ce film n’a pas été suivi avec grande attention par tous les élèves. Mais de toute façon c’était un beau film.

Les conteurs
Mercredi 21 mars 2001 nous avons également eu le plaisir de rencontrer deux conteurs qui nous ont réjouis par leurs récits : Gilbert Gourraud et Antoine Tshitungu Kongolo. Cette rencontre a permis aux profs, mais surtout aux élèves, de faire une expérience qui était autrefois quotidienne : écouter des histoires racontées oralement.
Gilbert Gourraud, nous a présenté un milieu qui nous est familier : la montagne et ses difficultés, dans lequel nous avons pu retrouver les mêmes protagonistes des légendes racontées par nos grands-parents. Néanmoins l’habileté du narrateur a réussi à capter et à maintenir l’attention du public, grâce à un ton lent, presque chuchotant qui recréait l’atmosphère silencieuse des Alpes. Gilbert Gourraud, auteur et conteur professionnel savoyard, s’est présenté à nous avec beaucoup de réserve. Notre attention devait se focaliser sur ses paroles, ses modulations, son conte, dont les éléments nous semblaient familiers. Il nous a expliqué qu’il organise en Savoie des spectacles de contes: “Un conteur et la montagne dans un ballet d’images géantes” et il nous a raconté quelques uns de ses récits aux titres évocateurs :
- Chemin d’en haut. Le conteur se trouve alors assis face au public. Il est surmonté d’un mur d’images. Des séquences en fondu-enchaîné multivision émaillent le récit. C’est l’histoire du chemin des alpages, ses paysans, ses bergers, loups et fantômes au pays des gentianes et des bouquetins.
- Histoires d’hommes, de cimes et de vent. Il s’agit de la parole toute simple qui fait naître l’autre monde. Monde de pierres et d’hommes accrochés à la pente.
- Randonnée contée. C’est un jour en montagne avec le conteur à la source des légendes et des superstitions.
La magie, la séduction de cet univers qui, bien qu’au-delà d’une frontière politique, est le nôtre, ne nous a pas étonné, mais nous avons éprouvé de l’intérêt pour l’usage et le travail que le conteur en a fait à des fins touristiques, pensant que ces initiatives s’adapteraient parfaitement à notre environnement.
Antoine Tshitungu Kongolo, arrivé de Belgique, mais originaire de l’ex Congo Belge, aujourd’hui République Démocratique du Congo, est, quant à lui, poète, romancier et essayiste. Il vient de publier : Aux pays du fleuve et des grands lacs. Il s’agit d’un recueil sous-titré Chocs et rencontres des cultures (de 1885 à nos jours). Dans cette anthologie il affirme : “ Parler d’écriture francophone en Afrique centrale ne consiste nullement à reconduire des clichés et des mythes… ” Et encore, “ Plus marquant dans l’espace de l’Afrique centrale est le rapport complexe qui s’est tissé entre le français et les langues locales. L’Afrique centrale devient aussi le creuset d’une écriture francophone plus volontiers attentive à valoriser son substrat local. ”
Par rapport au conteur précédent, le contraste a été saisissant. Avec Antoine Tshitungu Kongolo, on a été catapultés au cœur de l’Afrique Noire, où triomphaient une nature luxuriante, des animaux insolites comme le varan et où on croyait entendre le rythme des tam-tam. Le conteur s’est transformé en “ pantomime parlant ” et il a interagi avec son public. En effet, juste avant de commencer, Monsieur Kongolo a partagé, avec les élèves et les profs, un rite africain. La tradition veut que chaque fois que le conteur prononce une expression donnée, - ce jour là il nous a proposé: “ Adisijo? ” - le public répond par une onomatopée, qui pour l’occasion était : “ Joadisi! ”. Ce leitmotiv, repris en chœur par tous, animait son récit. Après un premier moment d’embarras de l’auditoire, la vivacité et l’enthousiasme d’Antoine Tshitungu Kongolo ont conquis tout le monde. Ce sympathique conteur a séduit son public par ses contes exotiques mais aussi par une exubérance et une gestualité toutes personnelles. Il circulait au milieu de nous, prenait à parti tantôt l’un tantôt l’autre, nous impliquant par son refrain qui ponctuait régulièrement son récit.
Un sentiment de dépaysement a favorisé l’attention du public.
Les élèves ont surtout apprécié la diversité des styles des deux conteurs.
En conclusion, qu’il nous soit permis, sans que personne n’en prenne ombrage, de dire combien il est regrettable que des initiatives de l’importance, de la qualité et de la valeur des Journées de la Francophonie (mais d’autres encore, et pour n’en nommer que certaines : le Concours de la Charte du Jeune Citoyen Francophone du XXIe siècle, celui des Jeunes Auteurs, etc.) parviennent aux établissements scolaires avec des échéances très courtes. Pour être plus claires, nous constatons avec regret que, très souvent, nous voudrions pouvoir participer avec nos classes mais les délais ne nous en laissent que très peu la possibilité. Nous comprenons parfaitement les contraintes liées à l’organisation, mais on a souvent l’impression d’être à bout de souffle et de devoir laisser passer le train !
Bien évidemment nous ne détenons aucune solution miracle et nous remercions vivement pour toutes les sollicitations précieuses que les enseignants peuvent saisir.

Michèle Pacaud Charrey
Professeur de Français, Adjoint au Proviseur  au Lycée Linguistique Courmayeur

Michela Perron
Professeur d’Histoire en langue française au Lycée Linguistique Courmayeur

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