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Le Concours Cerlogne, plus qu'une opportunité linguistique

Un concours qui, à La XXXIXème édition , confirmesa vitalité comme nous le démontre la participationl’école de Perloz. Une occasion spéciale pour apprendre différemment l’histoire locale, l’étude du milieu et surtout les langues.

Le Concours dédié à la mémoire de l’abbé Jean-Baptiste Cerlogne, qui est arrivé cette année à sa XXXIXème édition, ne semble pas prendre de rides. Ses objectifs restent la sauvegarde et la mise en valeur des dialectes francoprovençaux et walsers, la promotion de la recherche de documents ethnographiques et linguistiques dans le but d’encourager les éducateurs à initier au patois leurs élèves ou à le perfectionner par l’intermédiaire d’activités interdisciplinaires telles que l’étude du milieu, la constitution des archives des travaux présentés au Centre d’Etudes Francoprovençales de Saint-Nicolas.

Solange Soudaz
Enseignante à l’école élémentaire de Perloz.
Très intéressée par l’ethnolinguistique, elle participe depuis 25 ans au Concours Cerlogne.

Il est destiné aux instituteurs et aux élèves des écoles maternelles et élémentaires, aux professeurs et aux élèves des écoles moyennes et secondaires supérieures, même si la participation de ces derniers est encore réduite. L’adhésion au Concours comporte la présentation au B.R.E.L. (Bureau Régional pour l’Ethnologie et la Linguistique) de travaux, inédits et non imprimés, pouvant se présenter sous la forme de : prose, poésie, théâtre, cassettes, bandes magnétiques ou vidéocassettes.
Bien sûr, depuis ses débuts, beaucoup de choses ont changé. Les participants ont augmenté considérablement jusqu’à dépasser les 2000 unités et la qualité des travaux, grâce surtout à la motivation des enseignants, s’est remarquablement améliorée.
La fête de clôture est devenue une manifestation complexe et structurée qui demande un engagement précis. L’organisation du Concours Cerlogne s’étale désormais sur toute l’année. Début septembre, il y a les journées d’information : les enseignants participent à un stage où, en collaboration avec des experts, ils se penchent sur les différents problèmes qui les attendent.
Une place importante est toujours réservée à la graphie du patois dont l’écriture n’est pas consacrée par une longue tradition. Chaque année, le Centre d’études propose un thème d’enquête.
Le thème 2000/2001 fut L’émigration, celui de 2001/2002 sera L’homme et le paysage : un équilibre instable, mais nécessaire. Des conférences, sur le sujet choisi ou de manière plus générale sur le francoprovençal, fournissent aux enseignants des stimulations utiles pour leur tâche à venir.

C’est Mme Rose-Claire Schüle, ethnologue et experte du milieu valdôtain, qui prépare une grille d’enquête et la soumet à la discussion. Cette grille, qui se borne à fournir des pistes de recherche non contraignantes, est examinée par les enseignants et représente leur point de départ. Ensuite, le grand travail commence. Les enseignants rentrent dans leurs classes et dirigent l’enquête : les enfants interrogent les grands-parents, les parents, les voisins et les amis. Ils rassemblent le matériel (vieux documents, photos, objets, témoignages oraux, etc.) et, tous ensemble, ils analysent, discutent et finalement rédigent le résultat de leurs recherches.
Parfois, les classes demandent l’aide du Centre et les enseignants retraités, forts d’une longue expérience du Concours Cerlogne, interviennent alors.
Au mois d’avril, les travaux sont remis au Centre. Afin que ceux-ci soient portés à la connaissance du public et que ceux qui y ont travaillé puissent se rencontrer pour confronter leurs différentes expériences, une grande fête de clôture est organisée pendant trois jours, au mois de mai, et à tour de rôle dans les communes de la haute, de la moyenne et de la basse Vallée. Et c’est justement dans la basse Vallée que, l’année dernière, le Concours a eu lieu. La Commune choisie a été celle de Perloz, située à l’embranchement de la Vallée du Lys particulièrement sensible au thème de l’émigration puisqu’elle comptait encore 1500 habitants au début du XXème siècle, habitants qui, un peu à la fois, sont partis pour Paris pour devenir chauffeurs de taxi et laveurs de voitures. Aujourd’hui, elle compte une population de 473 habitants dont 80 % parlent le patois. Son territoire se caractérise par la présence d’un grand nombre de hameaux, une centaine environ, éparpillés au milieu des châtaigniers et des vignes. Ses versants sont si abrupts que dans la Vallaise on dit " qu’à Perloz il faut attacher un sac aux poules pour que les œufs ne roulent pas en bas ! "

LE DÉROULEMENT DU TRAVAIL

Première phase - à partir des photos, la découverte de l’émigration

Etant donné que nous étions la commune qui accueillait les participants au Concours, nous avons en début d’année scolaire réuni les parents pour leur présenter l’énorme travail à accomplir et les délais à respecter. La collaboration de chaque parent, des habitants, de l’Administration communale et de la Pro Loco de Perloz, était indispensable pour la réussite de la fête.
Cela dit, il fallait aussi les impliquer à chaque moment pour rendre leur participation plus active. Ils se sont donc partagé les tâches. Certains ont contribué à la réalisation de la publication d’un livre sur la Commune de Perloz, d’autres ont donné un coup de main pour préparer le spectacle et d’autres encore se sont chargés de contribuer à la réalisation des expositions dans les différents hameaux de Perloz.
La première activité en classe, à l’école primaire, fut la recherche des photos et la réalisation des dessins pour la publication du livre. En effet, les photos nous permettaient de concrétiser l’idée d’émigration, de montrer les protagonistes de ce phénomène et de placer la période au sein de la grande " histoire ". C’est à partir des photos qu’on a envisagé d’interviewer les familles des émigrés en leur demandant, par exemple : " Reconnaissez-vous quelqu’un sur cette photo ? à quelle époque a-t-elle été prise ? l’émigration était saisonnière ou définitive(1) ? avez-vous des photos, des documents (lettres, photos, permis de conduire) concernant l’émigration chez-vous ? "

Un témoin précieux, le grand-père d’adoption, Victor Yeuillaz, âgé de 86 ans, a été le premier interviewé. C’est lui qui, à l’occasion des Concours Cerlogne, nous offre toujours sa mémoire pour recueillir les informations nécessaires à la réalisation des travaux.
" Qui dans votre famille est parti chercher du travail ailleurs ? Moi et mes frères. Pourquoi ? Parce qu’ici la vie était très dure, nous étions pauvres. Où ? En France, à Paris. A quelle époque ? Entre les deux guerres, dans les années 30. Etes-vous parti tout seul ou avec d’autres jeunes ? Seul, mais mon frère m’attendait à Paris. Par quel moyen ? Par le train. Quel métier avez-vous excercé ? J’ai d’abord fait le plâtrier, puis le laveur de taxi et enfin le chauffeur de taxi. Quels étaient les métiers exercés par nos émigrés ? A Paris, à notre époque, surtout les chauffeurs de taxi, mais bien avant, les Perleins étaient cochers de fiacre."
Son interview a servi pour écrire une scène du texte théâtral conçu avec le groupe Approches.

... " Je fais le laveur de taxis la nuit, le patron ne paye pas trop bien, mais heureusement j’ai des pourboires. Je travaille beaucoup, treize à quatorze heures par jour. Amédée m’a prêté un livre avec toutes les rues de Paris, comme ça bientôt, je pourrai faire le chauffeur moi aussi et gagner plus d’argent ".

Deuxième phase - À partir des sorties, l’étude du milieu

Les nombreuses sorties réalisées dans notre commune avaient pour but de connaître davantage les lieux à présenter aux participants à la fête du Concours et de retrouver le côté ancien, les origines de Perloz. Nous nous sommes donc promenés dans les vieilles ruelles en cherchant les traces du passé, nous avons visité des maisons anciennes et les châteaux du chef-lieu, l’ancien pressoir, les fours à pain, le Sanctuaire, les arbres monumentaux, les rascards.
Les observations menées étaient, au début, générales, puis centrées sur un aspect particulier ou sur un détail qui nous conduisait à demander aux enfants d’observer, par exemple, très attentivement, les fenêtres, les décorations et les portes des châteaux.
Ensuite ils ont noté sur leur cahier ce qui leur paraissait plus intéressant. Voilà un exemple concernant une activité réalisée en classe : la sortie au château de Charles a permis aux enfants de découvrir le blason des seigneurs de Vallaise, les nobles qui pendant 600 ans gouvernèrent le " mandement " de Vallaise qui comprenait entre autres, Perloz. Naturellement, les enfants, au moment de la découverte du symbole, n’avaient aucune information sur cette famille, mais ils en connaissaient le nom. En effet une gamine nous dit : " Métressa è per sèn qué dézègn : muntègn a Valléza ? " On a compris qu’il fallait partir de cette question pour traiter le thème historique. Retournés en classe, on a fait dessiner le blason des Vallaises et ensuite on leur a offert des documents tirés des ouvrages de Orphée Zanolli et de Jean-Jacques Christillin pour qu’ils prennent des informations sur les Vallaises et sur le territoire qu’ils gouvernaient (Perloz, Lillianes, Fontainemore).

En fait, l’étude du milieu débute toujours pour nous par les sorties et continue par les questions des enfants, peut-être naïves, mais fondamentales pour commencer nos recherches. Par contre, les documents nous permettent de vérifier les hypothèses des enfants, d’intensifier les connaissances et de découvrir des aspects intéressants à exploiter pour d’autres aventures encore. Ce fut le cas de l’animation au château Charles où les stagiaires du BREL ont fait revivre un vol légendaire au détriment des habitants du château.

Troisième phase - les retombées linguistiques

Les interviews et l’analyse des documents ont été le support pour un travail linguistique en contexte. Les langues travaillées ont été le français et le patois, d’abord à l’oral et ensuite à l’écrit. Les enfants qui ne connaissaient pas le patois (très peu à Perloz : 5 sur 30 ne le maîtrisent pas), ont pu se rendre compte de l’emploi très répandu de cette langue vivante.
En effet, le patois de Perloz est encore parlé par la plupart des habitants de notre commune. Quand nous nous parlons en patois avec les gens de Lillianes et Fontainemore nous nous comprenons très bien : cela s’explique d’ailleurs par notre histoire commune pendant plusieurs siècles dans le "mandement" de Vallaise.
Les patois de Gaby, Brusson, Ayas, Challand ressemblent aussi au nôtre, celui de Donnas est déjà un peu différent même si la communication s’effectue assez aisément. Dans un passé récent, quand les villages étaient encore très peuplés, même à l’intérieur de la commune on trouvait des différences significatives entre les patois parlés ènt’a Véa, ver Marénna, ver Roénne et Tchemp et à l’Ènvers. Par la suite et surtout à cause du dépeuplement, les patois ont fini par s’amalgamer. Les Perleins acceptent aussi plusieurs façons de dire le même mot, toutefois il subsiste une différence entre le patois de l’Ènvers et celui de l’Èndret : par exemple, baquet/bâton (Èndret), bacot/bâton (Ènvers). Certains mots sont typiques de Perloz, par exemple : ou pur (le lait), i boffe (les enfants).
Beaucoup de mots, d’expressions particulières, de proverbes ont été recueillis à l’occasion des Concours Cerlogne.
En voici quelques-uns : na bunà dé fiocca (un tas de neige), na quéta, na briva (un long moment), tanque, tanque adé (au revoir), meziqué (réfléchir), Boun Guieu ou rèn (au lieu de dire merci) etc...
En classe, on a commencé par enrichir le vocabulaire et on a revu les structures syntaxiques telles que la phrase négative (y éra pa dé travài / il n’y avait pas de travail, un gagnava pa prou / on ne gagnait pas assez) et la phrase affirmative (n’ehcrirava dé lettre ya famiya / on écrivait des lettres à la famille, un gagnava dé sot è nèn mandava tchicca a mazoùn /on gagnait de l’argent et on en envoyait un peu chez nous).
Seuls les enfants de 4ème et de 5ème écrivent le patois et ils en apprennent, petit à petit, les règles fondamentales. Un bon nombre de structures sont communes au patois et au français, ce qui permet à l’enseignant de comparer continuellement les deux langues. Bon nombre de sons patois peuvent être rendus par l’orthographe française. Par exemple : "Ch", "ou", "u".
Les sons patois qui n’existent pas en langue française (tch de tchemin et dj de bondjor) sont rendus par des groupes de lettres aussi simples que possibles.
Pour ce qui est de l’enrichissement du vocabulaire de la langue française, les enfants ont d’abord appris des mots tels que :
maçon, cocher de fiacre, laveur, chauffeur de taxi, cireur, vitrier, valise, train, gare, voiture, rue, ville, client, patron, paye, pourboire, plâtrier, taximètre... Bref des mots, inconnus des enfants, mais liés à la vie de nos émigrés. Les poésies " ixatnu siofnnut iavay " de Raymond Queneau et "les roues du train" de A. M. Chapouton, utilisées pendant le spectacle, ont également contribué à enrichir le vocabulaire concernant les métiers et les moyens de transport. Ces derniers ont été l’objet d’une recherche sur la définition et l’explication des métiers. La boîte des métiers, un jeu de cartes, a été le support pédagogique idéal pour l’apprentissage tout en s’amusant. L’étude du côté grammatical (masculin et féminin des noms, le singulier et le pluriel, les adjectifs qualificatifs et les verbes) est rentré ainsi dans le jeu des métiers tout naturellement.

Quatrième phase - La réalisation du spectacle "Histoire de Jean, un perlein émigré à Paris"

L’idée de réaliser un spectacle sur le thème de l’émigration pendant les trois journées du Concours a été soutenue par tout le monde : enfants, parents et enseignants. Il s’agissait de trouver la bonne formule pour souhaiter la bienvenue au public et l’introduire, petit à petit, d’une façon originale au thème des journées.
Le travail a commencé au mois de janvier et, après une vingtaine de séances, s’est terminé au mois de mai. Nous nous proposions dès le début de préparer un spectacle d’une demi-heure pour ne pas ennuyer le public et rendre la pièce dynamique.

 

C’est le groupe " Approches "qui nous a aidés dans la mise en scène du spectacle. A chaque rencontre, il y avait la mise au point d’une partie du spectacle et on décidait ensemble des étapes successives. La rencontre du 6 avril a permis la mise au point définitive du spectacle. Des instantanés théâtraux, c’est-à-dire des moments où les enfants restaient immobiles, et trois poésies (A petits pas, Les roues du train, Taxi) ont été insérés pour souligner les événements les plus importants de l’histoire. On a essayé aussi de soigner au maximum les dialogues, les lectures des conteurs (bonne articulation des mots, lecture et récitation lente et à haute voix, bonne intonation) pour que tout le monde puisse suivre aisément le déroulement de l’histoire. Nous avions également décidé d’utiliser de manière équivalente les deux langues, 50 % français et 50 % patois, pour que le spectacle soit compréhensible. Cette activité théâtrale a fait s’épanouir des enfants qui étaient très timides et peu expansifs et a uni davantage le groupe classe qui a travaillé dans une même perspective. Les parents, d’une part, et le groupe " Approches " de l’autre, ont contribué à la réussite de ce spectacle. Le soutien et l’encouragement des premiers ont permis la bonne assimilation des techniques présentées par " Approches ".

 

Atelier de création pour la Fête du Patois à Perloz

La finalité de cet atelier était de créer impérativement un spectacle auquel tous les enfants de l’école maternelle et élémentaire devaient participer. Spectacle dont le thème était l’émigration. Notre réflexion fut donc : comment, en environ 12 fois 2 heures d’interventions, avec une trentaine d’enfants, aboutir à la réalisation d’un spectacle réussi, c’est-à-dire bien réglé, esthétique, compréhensible pour le public et suscitant rires et émotions, avec la contrainte du chapiteau et d’un public très nombreux ?

Nous devons dire, avec plaisir, que cet atelier s’est avéré être idéal pour les raisons suivantes :
• la bonne collaboration avec les enseignants, en particulier leur confiance totale envers les animateurs (malgré les quelques moments inévitables où l’enseignant ne saisit pas encore exactement le processus de création) et le relais fidèle qu’ils ont représenté entre nous et les élèves ;
• la discipline entièrement assumée par les enseignants ;
• le lieu adéquat pour les répétitions ;
• les trois répétitions supplémentaires sur place offrant, de plus, aux élèves l’occasion de se familiariser avec la scène, l’espace et la salle ;
• enfin, l’opportunité de jouer quatre fois le spectacle, donc pour nos jeunes acteurs de l’intégrer parfaitement, de prendre conscience de la relation acteurs-public.

Cependant, un spectacle joué plusieurs fois doit être d’autant mieux préparé.

Nous avons dans un premier temps créé deux groupes :
• la maternelle, première et deuxième ;
• les troisième, quatrième et cinquième.

L’atelier se déroulant exclusivement en langue française, nous avons effectué différents jeux d’approche, présentation, connaissance; ceci en évaluant en permanence le niveau de compréhension des élèves, en reformulant, de façon fantaisiste parfois, les phrases, les idées. Après cette mise en confiance, il a été question de conscience et contrôle corporel, concentration, mouvements dans l’espace, marches maîtrisées, échanges de regards qui constituent des exercices habituels d’un niveau différent pour chacun des groupes.
Très vite, nous avons abordé le thème de l’émigration : échanges de dialogues, réflexion sur le voyage, le départ, le travail, recherche de mots, d’expressions, création et mémorisation de phrases pour les plus grands. Jeux autour des moyens de transport, gestuelle des métiers, pour les plus petits, puis mémorisation de petites poésies.
Après quelques interventions le contenu de l’atelier, comme la structure du spectacle, a été directement lié aux contraintes du lieu et de la scène.

Principales contraintes :
• limiter les dialogues pour des raisons techniques d’acoustique ;
• investir un espace relativement vaste.

Parmi le matériel rassemblé dans l’école figuraient beaucoup de photographies, des lettres aussi. Ces deux formes essentielles de témoignages convenaient parfaitement à nos contraintes. Ce spectacle étant joué par des enfants, nous sommes partis du temps présent.
A partir d’objets, costumes, photos, lettres retrouvées, nous avons créé des scènes peu dialoguées, avec "arrêt sur image" illustrant les lettres d’un jeune garçon de Perloz, Jean, encouragé par un de ses cousins à venir travailler à Paris. Si deux des élèves avaient un texte plus long à interpréter, tous les autres devaient le connaître, l’intégrer et l’écouter, puisque les actions étaient liées à ce texte. D’où connaissance ou/et acquisition d’un vocabulaire supplémentaire. (Seulement par la suite, une partie du texte a été traduite en patois)
Nous avons écrit un prologue et 10 scènes inspirées de la vie des valdôtains émigrés : de la décision de partir, le départ, le voyage… jusqu’à l’intégration professionnelle et la fête dans un café de Levallois entre valdôtains émigrés.
A ce stade, nous avons travaillé avec l’ensemble des classes et recréé dans la salle de répétition l’espace réel de la scène et des coulisses. Il était important que les enfants mémorisent bien leur aire de jeu, la gauche et la droite de la scène (à la française " la cour et le jardin "), compte tenu des nombreuses entrées et sorties de scène.
Nous avons voulu créer divers sentiments et états : réflexion, tristesse, mélancolie, solitude, surprise, curiosité, ardeur, joie... des climats, des rythmes différents, de la marche tranquille vers la gare de Pont-St-Martin, à la foule pressée parisienne, mais l’ensemble fut parfaitement maîtrisé puisque les élèves se fixaient au signal comme pour représenter une photographie.
Pour arriver à cette maîtrise, un apprentissage a été nécessaire. Au début, l’aspect ludique de ce travail motivait les enfants. Après les moments de lassitude prévisibles, ils se sont finalement pris au jeu et ont aspiré à la réussite des scènes comme " des acteurs ".
Pour que chacun ait un texte à dire, nous avons inclus les poésies, parfaitement mémorisées, en particulier " Taxi " de Raymond Queneau.
Une fois la pièce montée, un autre apprentissage restait à faire : comprendre sa place et son rôle en coulisses, la succession des scènes, ses entrées, le changement de costume, l’accessoire à prendre. Certains, plus grands, changeaient les décors en fond de scène à des moments très précis, d’autres prenaient en charge des plus petits, quelques-uns devaient faire placer ou enlever leur micro cravate par le technicien. Bien sûr enseignants et animateurs avaient leur rôle, mais au fur et à mesure des représentations, les élèves devenaient de plus en plus autonomes.
Dans ce genre d’atelier, les choses se mettent en place petit à petit et c’est la nécessité et la volonté de l’enfant de vouloir faire partie intégrante du spectacle (volonté stimulée par les enseignants et les animateurs) qui l’incitent à comprendre, à dépasser les difficultés, à communiquer avec ses camarades, avec les enseignants et de plus en plus avec les animateurs (cette fois en langue française) à progresser et à s’épanouir.

Claudine Chenuil
Groupe Approches

 

 

Note
(1) Les deux termes, inconnus aux enfants, étaient tirés de la grille de Mme Schüle. Ils ont été expliqués avant de réaliser l’interview.

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