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Les
derniers jours de l'inspection?
En france, le systeme
d'inspection traditionnel est en crise, la plupart des enseignants estiment
qu'il n'est plus adapté à la réalité contemporaine. des expérimentations
sont mises sur pied dans différents départements où il est davantage question
d'une évaluation des équipes que d'une notation individuelle.
La pratique de l'inspection des enseignants
dans les établissements scolaires en France, et plus particulièrement
dans les écoles primaires, relève d'une histoire plus que centenaire.
Sa forme canonique - l'inspecteur au fond de la classe, un maître sur
des charbons ardents, des élèves exceptionnellement sages - est loin d'être
caricaturale, même si les formes actuelles de l'inspection sont devenues
très diverses. Cette inspection traditionnelle a subi, ces dernières années,
tout un flot de critiques concernant son aspect infantilisant et son inefficacité,
critiques portées parfois par les ministres de l'éducation eux-mêmes.
Et pourtant, aucune décision réglementaire n'est venue modifier son existence
ou son rôle dans la carrière des enseignants. Pour mesurer les paradoxes
qui caractérisent actuellement l'inspection dans l'école primaire en France,
il faut garder à l'esprit que les textes réglementaires - lois, décrets
ou arrêtés - sont souvent suivis de notes de services, de réglementations
locales, d'usages qui précisent et façonnent les dispositions générales,
dans un esprit parfois éloigné de l'intention première.
L'INSPECTION TRADITIONNELLE
Elle est encore fréquemment réalisée et
ses composantes essentielles, la visite dans la classe et la note, sont
présentes dans toutes ses formes évolutives.
LA VISITE DANS LA CLASSE
C'est le premier acte de l'inspection
traditionnelle. L'IEN (Inspecteur de l'Éducation Nationale) responsable
de la circonscription vient assister à une ou deux séquences de travail
en étant attentif à la façon dont le maître les a préparées, comment il
les insère dans la programmation, comment il conduit sa classe, comment
il prend en compte attitudes et réactions des élèves. Il contrôle également
la tenue correcte du registre des présences et l'affichage de l'emploi
du temps.
Ce temps d'observation est suivi d'un entretien avec le maître inspecté,
destiné à expliciter un certain nombre de remarques et au cours duquel
peut s'amorcer, selon la personnalité et le tempérament des deux interlocuteurs,
un débat contradictoire. Le deuxième acte sera l'expédition, quelque temps
après la visite, du "rapport d'inspection". Ce rapport est souvent
bâti sur le modèle suivant :
- des données quantitatives sur les élèves (nombre, taux d'absences),
des remarques sur l'équipement de la classe et sur la manière dont maître
et élèves ont marqué leur empreinte ;
- les modes de préparation de l'enseignant et les documents utilisés ;
- le déroulement des séquences ;
- les critiques tant positives que négatives faites par l'IEN ;
- des suggestions de remédiation : modification des pratiques, lectures
d'ouvrages pédagogiques, stages de formation continue.
Ces éléments sont tous présents, la plupart du temps, dans les rapports
d'inspection, et plus ou moins accentués selon les situations et les personnalités
des IEN. Ce que l'on commence à trouver assez souvent, c'est un élargissement
à des données qui dépassent la classe et l'action du maître dans la classe
: prise en compte du projet d'école, de l'investissement du maître dans
le travail d'équipe ou dans des activités périscolaires.
Toutefois, la caractéristique du plus grand nombre des rapports, et des
inspections qui les ont suscités, c'est d'être centrés sur une personne
et d'analyser une situation à partir d'une action individuelle. Il s'agit
bien d'un contrôle de la conformité d'une action individuelle au rôle
prescrit par les textes réglementaires. L'extrême personnalisation de
ce type d'inspection entraîne le sentiment pour l'enseignant inspecté
que c'est sa personne qui est jugée, bien au-delà de son action ; cela
suscite la plupart du temps une période d'angoisse, puis de soulagement
ou d'accablement. Le comportement le plus fréquent c'est que l'on s'empresse
d'oublier l'inspection, même les éléments positifs qu'elle peut véhiculer
tout heureux d'être enfin tranquille pour les 3 ou 4 ans à venir.
LA NOTE
Le rapport d'inspection, établi par l'IEN,
se termine par une appréciation de quelques lignes, la plupart du temps
banale et de même tonalité que le rapport, signée par l'inspecteur d'Académie
et assortie d'une note souvent appelée "note pédagogique". Cette
note est établie selon une échelle de 0 à 20 et elle est censée représenter
la valeur professionnelle du fonctionnaire. On retrouve la même note et
des procédures analogues dans plusieurs corps de la fonction publique.
L'importance de la note n'est pas que symbolique. Elle entre dans plusieurs
barèmes dont elle constitue parfois l'élément le plus important. On la
trouve ainsi dans le barème des mutations inter ou intra-départementales,
dans le barème du changement d'échelon, dans celui de diverses listes
d'aptitudes. Une partie des règles dans ces domaines sont établies en
CAPD(1), ce qui explique que selon les départements la note
peut avoir un coefficient qui va de 0 à 3. Une note élevée permet ainsi
d'obtenir plus facilement un poste à sa convenance ou de progresser plus
vite dans l'échelonnement indiciaire avec des conséquences financières
non négligeables.
LA SIGNATURE DU RAPPORT
Les enseignants, lorsqu'ils reçoivent
leur rapport d'inspection et la note qui le conclut, peuvent ajouter leurs
remarques avant de signer et de renvoyer le document. Cette possibilité
pourrait être comprise et utilisée comme l'expression de son propre jugement
sur son action, une autre facette d'une analyse multiple et complexe,
une autre pièce du dossier qui viendrait témoigner d'une prise de distance
sur son activité professionnelle. Cette possibilité est de fait très rarement
utilisée et toujours pour protester contre certaines remarques de l'inspecteur,
expliquer et excuser certaines défaillances. La remarque éventuelle de
l'enseignant intervient sur le rapport lui-même et seulement très indirectement
sur l'exercice de la profession. Elle est toujours ressentie comme une
objection, un désaveu de l'inspecteur, et de ce fait cette pratique n'est
pas encouragée par la hiérarchie.
La note comme le contenu du rapport peuvent également être contestés devant
la CAPD, ou même devant le tribunal administratif.
L'ACTION SYNDICALE
La jurisprudence des tribunaux administratifs
a toujours rappelé que la note et l'appréciation du travail d'un fonctionnaire
devaient être consécutives à des observations personnalisées et a rejeté
toutes les mesures visant à systématiser cette notation.
Or, tous les efforts des organisations syndicales convergent pour limiter
la marge d'appréciation des inspecteurs, par méfiance de la subjectivité
présente dans toute relation duelle. C'est ainsi que dans la quasi-totalité
des départements on trouve des grilles qui couplent les notes avec l'ancienneté.
De fait, et pour la quasi-totalité des enseignants, la note croît avec
l'âge quasi-systématiquement. Il existe même des systèmes où la note est
"rattrapée" si l'on est resté plus de trois ou quatre ans sans
inspection, ce qui est le cas assez souvent. Une note qui stagne après
inspection équivaut à une sanction ; une note qui baisse entraîne l'examen
de la situation en CAPD et conduit à d'âpres discussions pour minimiser
le caractère stigmatisant de cette décision. Les IEN sont évidemment sensibles
à ce reproche de subjectivité et ont multiplié les grilles d'observations,
les protocoles, les repères qui visent à identifier les items censés garantir
la distribution objective des bons points. Ces cadres d'observation sont
soigneusement gardés secrets car dans le système où nous nous trouvons
il n'est pas concevable que l'examiné sache ce que l'examinateur attend
de lui.
'INJUSTE ET INEFFICACE ?"
Dans les faits, la situation actuelle
ne soulève guère de passions : la quasi-totalité des enseignants progresse
à un rythme moyen, ce qui n'a plus guère de signification en terme d'évaluation.
L'aspect injuste, lié à la subjectivité et à un possible arbitraire, est
la plupart du temps écrêté par les systèmes d'encadrement de notes. Reste
la question de l'efficacité de cette pratique à la fois dans l'évaluation
du système éducatif et dans la progression de la compétence professionnelle
des individus qui le composent. Sur ces points personne ne met beaucoup
d'espoirs dans l'inspection traditionnelle et c'est ce manque de crédibilité
qui a provoqué l'évolution de l'inspection.
DE L'INSPECTION À L'ÉVALUATION
Les premières évolutions sont venues du
constat que même l'addition de toutes les inspections individuelles des
enseignants d'une même école laissait encore échapper de nombreux éléments
importants pour jauger de l'efficacité de l'école dans les apprentissages
des élèves. Les phénomènes de groupe, les aspects institutionnels ne sont
pas réductibles à une somme d'examens partiels. Il a donc fallu prendre
en compte, et de plus en plus fréquemment, à la fois l'action du maître
au-delà de sa classe, son implication dans les projets de l'école, dans
la vie du groupe et considérer également les autres acteurs présents dans
les champs de l'école : bien évidemment les autres enseignants, mais également
les divers intervenants, les aides éducateurs et, au-delà, tenir compte
de l'action de la municipalité et de l'engagement des parents. C'est ainsi
que les inspections individuelles se sont souvent prolongées par un temps
de débat de groupe puisqu'on s'est aperçu un jour que le débat de groupe
était plus éclairant pour jauger l'action d'une école auprès des enfants
que les rencontres individuelles.
Dans certaines zones, le pas a été franchi et l'inspection a changé de
sens. C'est évidemment le cas dans les Hautes-Alpes, mais l'on connaît
aussi des expériences dans le Rhône, en Haute-Marne, dans le département
du Nord.
On trouve donc actuellement en France une multiplicité de formes de l'inspection,
parfois fort éloignées les unes des autres dans leurs visées et dans leur
déroulement.
UN AUTRE REGARD
La caractéristique des nouvelles formes
d'évaluation est qu'elles ne partent plus du colloque singulier entre
l'IEN et l'enseignant mais qu'elles s'efforcent de croiser un regard interne
de l'ensemble des maîtres d'une école avec le regard externe de l'équipe
d'évaluation. Le surcroît de travail nécessité par ces nouvelles formes
a conduit, en effet, à intégrer, dans l'équipe de circonscription, les
conseillers pédagogiques qui participent à l'action d'évaluation.
Le guide d'analyse pour établir ce bilan partagé des réussites ou des
faiblesses de l'école est le Projet d'École qui reflète la façon dont
chaque école entend remplir les obligations établies par les orientations
nationales.
L'efficacité des maîtres est ainsi évaluée à l'aune de l'efficacité de
l'équipe. Cette attitude n'exclut pas une visite dans la classe et un
entretien duel mais il est alors ciblé sur une demande ponctuelle, précise
où l'enseignant accepte à priori d'exposer une pratique professionnelle
pour laquelle il estime avoir besoin d'une évaluation et d'une aide. L'intérêt
de cette forme d'évaluation, outre la possibilité de juger des phénomènes
d'équipe et des aspects institutionnels, est qu'elle permet plus facilement,
pour les enseignants, la mise à distance de l'implication personnelle,
la prise de recul sur ses propres pratiques, l'acceptation du regard d'un
tiers. À partir du moment où sont identifiées des zones de faiblesse,
collectives et/ou personnelles, dans un débat contradictoire, avec le
support de références extérieures, la confusion entre la valeur personnelle
et la compétence professionnelle diminue et les critiques peuvent être
plus posément entendues. La remédiation devient alors possible et plus
efficace puisqu'elle n'est plus en permanence le rappel de son insuffisance.
Bien entendu la prise de distance peut se produire aussi dans les formes
plus traditionnelles de l'inspection, mais elle est alors beaucoup plus
dépendante des forces de caractère de chacun.
DES BÉNÉFICES ATTENDUS
Pour l'évaluation, comme pour toute action
de pilotage, il s'agit de savoir, par rapport au but que l'on souhaite
atteindre, où l'on en est, quels obstacles sont à éliminer, sur quoi on
peut prendre appui. Les nouvelles formes d'évaluation laissent espérer
des avancées importantes dans plusieurs domaines.
Elles contribuent manifestement à renforcer, voire à créer, une dynamique
de groupe. La notion de travail d'équipe est, depuis quelques années,
omniprésente dans tous les textes officiels, mais le travail en groupe
ne se décrète pas, il n'est pas naturel et est peu aisé à mettre en place.
L'évaluation d'un collectif dans une procédure croisée renforce la constitution
de l'équipe. Cette évaluation peut également donner du sens aux projets
collectifs qui, à force d'être constamment exigés pour toutes sortes d'activités,
perdent souvent de leur substance et deviennent des formalités administratives
dans une forme ritualisée et convenue.
Il s'agit aussi d'affirmer les écoles ou les groupements d'écoles en milieu
dispersé comme les lieux de déclinaison active et inventive des orientations
nationales.
Le débouché logique des évaluations, de toutes formes, est l'identification
et la proposition d'actions de formation continue, comme une des réponses
possibles aux difficultés constatées. Un des gros problèmes de la formation
continue est que ses responsables sont dans l'incapacité de mesurer ses
effets sur les enseignants et sur l'amélioration de l'offre de formation
pour les élèves. Utiliser cette formation continue dans un projet collectif
mieux formulé peut permettre de la rendre plus immédiatement efficace.
Les progrès attendus dans le pilotage du système éducatif par une évaluation
et un accompagnement des équipes ne concernent pas seulement les enseignants
mais, au-delà, devraient renforcer la lutte contre l'échec scolaire et
profiter à l'ensemble des élèves. La situation actuelle de l'inspection
est instable. L'ensemble du corps d'inspection reste très circonspect
sur le changement de position professionnelle des inspecteurs. Beaucoup
d'entre eux pensent et déclarent que la rencontre individuelle reste indispensable,
qu'il suffit d'une attitude "bienveillante", pour en effacer
tous les aspects infantilistes, et que l'adjonction d'un temps d'évaluation
de groupe permet d'appréhender correctement ce qui échappe à la rencontre
individuelle. L'opposition entre ce que l'on pourrait appeler les conservateurs
et les tenants d'une évaluation d'équipe reste feutrée : chacun craint
qu'une revendication ouverte ne conduise le ministère à trancher dans
un sens défavorable à son option. L'extension à tout un département, celui
des Hautes-Alpes, d'une forme d'évaluation nettement différente de l'inspection
traditionnelle a été possible parce qu'il s'agit d'un nombre extrêmement
faible de personnes concernées : 767 personnes relèvent du premier degré
sur 338700 enseignants (effectifs en 2000), soit à peu près 0,22 %, mais
même dans ce département un retour en arrière n'est pas exclu. On assiste
actuellement à une lente et discrète diffusion du type "tâche d'huile",
des formes plus collectives de l'inspection, ce qui permet d'espérer qu'un
jour la situation de fait aura rendu caduque l'inspection traditionnelle.
Mais il n'est pas très sain, ni très motivant pour les acteurs du système
éducatif français de vivre sur un état de fait si différent de l'état
de droit. C'est pourquoi certaines organisations syndicales, dont le Sgen-GFDT,
continuent à argumenter et à réclamer un "aggiornamento" de
l'évaluation.
Extrait de la Résolution 1" degré de Brest
(mai 1998) |
DES EXIGENCES REAFFIRMEES. CHANGER L'ÉVALUATION
POUR CHANGER L'ÉCOLE
Un constat alarmant
L'inspection individuelle, telle
qu'elle est menée depuis des décennies par les inspecteurs de
l'éducation nationale, ne satisfait à aucune mission d'évaluation.
Chargée d'arbitraire, plaçant l'enseignant en situation de représentation,
elle le déresponsabilise. Elle nie l'évolution d'un métier où
la place de l'équipe et du partenariat est devenue essentielle.
Elle décrédibilise le concept même d'évaluation au moment où
la décentralisation (projets, dispositifs locaux...) impose
des évaluations sérieuses et régulières. Elle fait obstacle
à toute auto-évaluation des écoles.
De la nécessité d'évaluer et
de refonder l'évaluation
"Changeons l'évaluation
et l'école changera" : un tel pari montre à quel point
ce concept est la clé de voûte du système éducatif.
L'école a besoin de vérifier par des démarches internes et externes
que son fonctionnement répond aux besoins du public qui lui
est confié.
Les enseignants, en particulier, doivent être impliqués et outillés
pour assurer ce regard de façon efficace. Quels qu'en soient
les enjeux, l'évaluation est une composante du métier qui ne
doit générer ni crainte, ni fuite. En aucun cas, elle ne doit
être sanctionnée par une note. La note pédagogique doit disparaître.
Dans un premier temps, le Sgen-CFDT demande sa suppression de
tous les barèmes.
Évaluer quoi ?
Dans le domaine pédagogique,
l'évaluation pourra prendre en compte les compétences des élèves
(avec des outils adaptés), leur cursus dans l'école à travers
la politique des cycles, l'organisation pédagogique, la prise
en charge des élèves en difficulté, le contenu des concertations,
le réinvestissement de la formation continue...
Dans le domaine partenarial, on s'attachera à évaluer la mise
en uvre du projet d'école, les projets spécifiques, l'ouverture
de l'école et son rayonnement, l'utilisation des crédits et
des matériels, la vie scolaire...
Vers de nouvelles pratiques
Une évaluation interne sera
menée chaque année et sera l'objet d'un rapport d'activités
pédagogiques sous la responsabilité du conseil des maîtres et
d'un rapport d'activité partenariale sous la responsabilité
du conseil d'école. La confrontation d'un regard externe et
d'un regard interne s'impose.
Une évaluation externe de l'établissement sera menée par une
commission multipartenariale sur la base de critères explicites
et négociés.
Elle s'assurera de la cohérence de la zone ou du bassin d'écoles
et de la réalité d'une continuité pédagogique ou éducative.
Elle pourra proposer des contrats de formation et valider des
demandes de crédits exceptionnels. Cette évaluation donnera
lieu à un contrat validé par tous les partenaires et sera reconduite
tous les deux ou trois ans. La commission en charge de la mission
d'évaluation organisera notamment un audit de tous les partenaires
de l'école concernée, sans négliger les échanges avec les élèves.
Si des observations doivent être menées dans les classes, elles
seront préparées avec les enseignants concernés. Les commissions
d'évaluation seront composées à la fois de personnels ayant
des fonctions spécifiques d'évaluation et de formation, et d'évaluateurs
temporaires. Tous les enseignants seront amenés à participer
à ces commissions, plusieurs fois au cours de leur carrière.
L'évaluation donnera lieu à un rapport qui sera examiné contra-dictoirement
par l'équipe éducative. Le rapport définitif sera annexé au
projet d'école et permettra de le faire évoluer.
Les enjeux :
Investir les enseignants des
missions d'évaluation, y compris de celles portant sur le travail
de leurs pairs, c'est :
- reconnaître leur statut de professionnels de l'éducation ;
- développer un regard critique permanent sur leurs pratiques
;
- leur donner la possibilité d'enrichir leur propre pratique.
UNE ÉVALUATION D'ÉQUIPES
Inspection, notation, contrôle,
accompagnement d'équipes, il devient bien difficile de choisir
son vocabulaire lorsqu'on traite de l'évaluation des personnels
au sein de l'Éducation Nationale. Tout se passe comme s'il y
avait une lutte sournoise entre les tenants de l'inspection
- notation traditionnelle et d'autres responsables qui souhaitent
son évolution.
Aspects réglementaires
Lorsque le directeur de la DPE
(direction des personnels enseignants) rappelle que l'inspection
est individuelle et doit donner lieu à une note, il ne fait
que citer la réglementation en vigueur. Celle-ci, basée sur
la loi du 13/07/83, prévoit qu'il est attribué aux enseignants
une note de 0 à 20 accompagnée d'une appréciation pédagogique.
Ces éléments sont systématiquement communiqués aux intéressés
et peuvent faire l'objet d'un recours auprès de l'inspecteur
d'académie, de la CAPD, voire du tribunal administratif.
La jurisprudence est ambiguë ; elle a souvent souligné le caractère
individuel et personnalisé de la notation, stigmatisant toute
procédure qui essaie d'encadrer et de systématiser les notes.
Sur le terrain, les actions syndicales ont conduit la CAPD à
adopter des règles, variables selon des départements, mais qui
conduisent toutes à encadrer la distribution des notes et à
l'indexer, avec plus ou moins de jeu, à l'ancienneté. L'action
vise également à diminuer les coefficients utilisés dans divers
barèmes et à sortir la note de plusieurs d'entre eux.
Au-delà de la note, l'action syndicale tend à faire évoluer
l'inspection elle-même pour la rendre plus collégiale, plus
participative, ne plus la cantonner à un contrôle individuel.
Les positions du Sgen adoptées au congrès de Brest (1998) constituent
toujours un horizon pour la quasi-totalité des départements,
même si certains aspects de même allure sont expérimentés ça
et là (notamment dans les Hautes-Alpes, ou plus récemment dans
le Rhône). |
Pour une évolution de l'école |
L'offensive des "novauteurs"
Les thèses, articles, déclarations critiquant l'inspection
traditionnelle se sont multipliés ces dernières années. Quels
que soient leurs auteurs, ils n'ont jamais réussi à modifier
la réglementation même quand elle émanait du ministre de l'Éducation
Nationale (Bayrou, Lang) ou du premier ministre (Rocard).
Parmi les critiques récentes, on peut citer une enquête de Dominique
Sénore, ancien IEN, actuellement directeur adjoint de l'lUFM
de Lyon (Pour une éthique de l'inspection ESF 2000),
qui rapporte les impressions des enseignants, comme quoi l'inspection
individuelle ne facilite pas leur travail et ne les a jamais
aidés, et qui suggère l'établissement d'un code déontologique
de l'inspection. On trouve des critiques plus incisives encore
dans l'avis du Haut Conseil de l'Évaluation de l'école qui s'appuie
sur un rapport établi pour ce même conseil par Claude Pair :
Les forces et les faiblesses de l'évaluation du système éducatif
français.
Quelques extraits :
- les deux formes principales
d'évaluation que connaît traditionnellement le système éducatif
sont la notation des élèves et l'évaluation individuelle des
prestations professionnelles des personnels. Leur validité est
certainement discutable et elles n'ont jamais fait l'objet,
elles-mêmes, d'une véritable évaluation,
- l'évaluation des personnels, qui mobilise une part importante
de la force de travail des corps d'inspection et qui n'est ni
assez homogène ni fondée sur les résultats, ne sert guère qu'à
la notation "statutaire" de ces personnels et débouche
rarement sur des infléchissements de leurs pratiques.
- le Haut Conseil estime que parmi les marges à explorer figurent
la question de l'évaluation des pratiques éducatives ou non,
ainsi que celle de l'évaluation des établissements scolaires
qui est beaucoup moins abordée en France qu'à l'étranger.
Les perspectives de l'action
syndicale
II est peu vraisemblable que
le ministère entreprenne dans les mois à venir une réforme profonde
de l'évaluation. Il apparaît bien plus prometteur de peser sur
les pratiques dans les départements en utilisant cet ensemble
de critiques. Toutes les avancées pourront être utiles, et non
seulement à ceux qui vont les mettre en place : elles seront
le point d'appui pour exiger, d'un prochain ministère, une réforme
utile de l'évaluation.
Suite
L'inspection individuelle n'est
plus guère utile à l'école. Déjà critiquée par plusieurs ministres,
elle est jugée sévèrement par le haut conseil d'évaluation de
l'école : "elle coûte une fortune, (ne sert qu'à) la notation
des personnels débouchant rarement sur une inflexion de leurs
pratiques". Il est temps de la faire changer pour favoriser
l'évolution de l'école.
C'est possible !
- Les IEN ont obtenu, pour eux-mêmes,
l'avancement de tous au même rythme. Que l'on sache, ce corps
ne part pas à vau-l'eau !
- Dans tout un département, celui des Hautes-Alpes, l'inspection
individuelle a cédé la place à un accompagnement des équipes
d'école. Les rencontres entre l'équipe de circonscription et
celle de l'école sont ciblées, argumentées ; elles donnent lieu
à un bilan et à un contrat de formation. Les notes sont alignées
sur l'ancienneté. Dans le département, ce n'est pas la révolution
; la circonscription fait enfin son métier ; les écoles travaillent,
les équipes progressent !
L'inspection individuelle est
INJUSTE :
- les notes, même les plus encadrées,
varient selon les personnes qui inspectent ;
- les différences, mêmes minimes au départ, amplifiées par les
coefficients de certains barèmes, créent avec le temps des inégalités
injustifiables dans le déroulement des carrières ;
- malgré leur conscience professionnelle respective, la rencontre
face à face de deux individus ne garantit pas contre l'arbitraire.
L'inspection individuelle est
INEFFICACE :
- elle implique un jeu pervers
de "carotte et bâton", indigne de professionnels de
l'éducation ;
- elle crée une situation de dépendance, peu propice à un examen
serein des pratiques professionnelles ;
- elle ne résout pas, ou rarement, les difficultés institutionnelles
rencontrées dans les écoles.
Pour aller vers le nécessaire
accompagnement des équipes, le Sgen-CFDT demande une évaluation
d'équipe
Pour :
- impulser, conforter, généraliser le
travail en équipe ;
- permettre la prise de distance et l'analyse des pratiques
professionnelles ;
- réaliser les conditions d'écoute et d'échanges qui rendent
la critique dynamisante et non paralysante ;
- prendre en compte les données constitutionnelles de chaque
école, réseau ou groupement.
C'est possible !
Dans le Rhône, cette année,
les enseignants du primaire pourront choisir, à la place d'une
visite individuelle traditionnelle, une évaluation par cycles,
ou un travail sur une activité spécifique, ou bien encore une
appréciation collégiale. Il s'agit d'apprécier des méthodes
de travail, la réalisation des projets, en croisant les regards
des inspecteurs et des enseignants.
Le travail d'équipe, condition
indispensable d'un exercice professionnel plus efficace, a besoin
d'une évaluation d'équipe. C'est la garantie d'une prise en
charge collective de toutes les dimensions du métier.
Pour une évolution de l'école
!
Fédération des Sgen-CFDt Branche 1er degré
tel : 00 33 1 40 03 37 16 fax : 00 33 1 42 02 50 97
mél : premier@sgen-cfdt.org |
André Deleuze
Enseignant en école primaire dans les Hautes-Alpes.
A participé comme représentant du personnel aux premiers échanges sur
l'évolution de l'inspection.
Depuis 1998, il exerce à plein temps les fonctions de secrétaire fédéral
1er degré des Syndicats Généraux de l'Education Nationale et de la Recherche
Publique (Sgen-CFDT)
Note
(1) CAPD : Commission administrative Paritaire Départementale
: instance qui rassemble des représentants de l'administration et des
représentants des personnels. Bien qu'elle soit consultative et que l'inspecteur
d'académie garde tout pouvoir de décision, elle sert à préciser ce que
les règlements nationaux n'ont pas établi.
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