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  | Didactique 
        de la géographie et professionnalisation des enseignants L'elaboration d'un 
        modele didactique favorise l'apprentissage de l'élève et la professionnalité 
        de l'enseignant en visant le développement des compétences de tous les 
        acteurs, sujets responsables et solidaires dans la " société école 
        ". La didactique de la géographie s'intéresse, 
        mais pas uniquement, aux pratiques d'enseignement dans le système scolaire. 
        Elle peut donc contribuer à leur évolution afin d'améliorer la compréhension 
        de l'organisation spatiale de chaque élève et ses pratiques sociales. 
        Pour cela, la démarche didactique met en corrélation des apports scientifiques 
        de différentes origines et les acquis pragmatiques des enseignants et 
        élèves en ce qui concerne l'espace.Cependant, force est de constater que les enseignants de géographie établissent 
        rarement un lien entre leur développement professionnel et l'analyse didactique 
        ! D'ailleurs pourquoi parler de didactique et non de pédagogie ? N'est-ce 
        pas l'élève qui est placé " au centre " du système scolaire 
        ?
 
 De fait, cette affirmation ignore une 
        réalité : dans le système d'éducation formel, celui de l'école, c'est 
        la mise en tension entre enseignement et apprentissage qui alimente la 
        dynamique d'acquisition des savoirs chez l'élève. Et cette mise en tension 
        dépend d'abord des compétences professionnelles du maître. Or notre premier 
        constat, en France comme en Italie, est celui de l'abandon de l'enseignement 
        de la géographie dû, pour diverses raisons, à une formation insuffisante 
        des professeurs. Ceux-ci, coupés de la pensée géographique contemporaine, 
        en restent au niveau de la transmission d'une géographie du "visible". GÉOGRAPHIE UNIVERSITAIRE, 
        GÉOGRAPHIE SCOLAIRE : UN FOSSÉ QUI S'ACCENTUE Que se passe-t-il aujourd'hui dans un 
        cours de géographie, à l'école ou au collège ? L'enseignant " enseigne 
        " comment se repérer, explorer et identifier les caractéristiques 
        de ce que la géographie a toujours considéré comme étant son objet : " 
        l'espace terrestre ", résultat de l'interaction entre des sociétés 
        et des milieux physiques. En fait, l'action de l'enseignant s'inscrit 
        dans un double habitus(1) : celui de la géographie " classique 
        " centrée sur la description et le dénombrement du visible, et celui 
        du modèle " naturel " d'enseignement qui pose que tout message 
        clairement énoncé par l'enseignant est transparent et significatif pour 
        l'élève, et que ce qui est vu est évident.Certes, le rapport du géographe au visible domine depuis l'antiquité. 
        Du XIXe siècle jusque dans les années 1950, la recherche en 
        géographie s'est attachée à décrire les paysages, et la " nouvelle 
        " géographie(2), qui construit un système conceptuel définissant 
        un espace abstrait et modélisable de relations, l'espace géographique, 
        n'émerge que dans les années I960. Cette évolution touche aussi la géographie 
        humaine qui était soumise au " totalitarisme " de l'il 
        dans la construction de la connaissance.
 Quant au modèle " naturel " d'enseignement, il est remis en 
        cause pour plusieurs raisons. La première est le changement même de la 
        société et de la civilisation qui intègre de plus en plus la maîtrise 
        intellectuelle des systèmes abstraits : réseaux, flux, globalité(3).
 La seconde raison est la nouvelle approche des phénomènes d'apprentissage 
        dans le cadre des théories cognitivistes. À condition de proposer aux 
        élèves des activités qui permettent un premier niveau de découverte et 
        de compréhension, ils peuvent maîtriser certains aspects d'une relation 
        bien avant d'en construire la globalité. La troisième raison est la distorsion 
        qui s'affirme aujourd'hui entre l'évolution de la pensée géographique 
        et son enseignement à l'école et au collège : les enseignants se cantonnent 
        dans la description hyperbolique de la photographie de paysage promue 
        au rang d'objet géographique et complétée, dans le meilleur des cas, par 
        l'observation de la carte et la lecture de quelques graphiques. La construction 
        de l'espace géographique de relations ne se fait pas. Il en résulte un 
        intérêt limité pour une discipline dont le projet d'enseignement est faible 
        car il n'est pas rattaché clairement à l'actualité du territoire ou à 
        la construction du projet de vie de l'élève. Il est faible aussi parce 
        qu'il limite la construction conceptuelle : " Il a été prouvé 
        qu 'un système d'enseignement basé exclusivement sur des moyens visuels, 
        excluant tout ce qui concerne la pensée abstraite, non seulement n'aide 
        pas l'enfant à dépasser son incapacité naturelle, mais la consolide de 
        fait. En insistant sur la pensée visuelle, on étouffe les embryons de 
        pensée abstraite chez ces enfants. " (Vygotsky, 1933-34 ; L. 
        S. Vygotskij, Antologia di scritti a cura di Luciano Mecacci, Bologna, 
        Mulino, 275-278.)
 Alors, en quoi la didactique de la discipline permet-t-elle de changer 
        le rapport au savoir des maîtres et de faire évoluer leur enseignement 
        ? Mon hypothèse est que la démarche didactique ne prend pas les éléments 
        constitutifs de la structure pédagogique (savoir scolaire, enseignant, 
        élève, institution) en tant que tels car elle ne peut pas les mettre en 
        relation directe. Elle produit une " organisation " qui se concrétise 
        par un contrat didactique, des partenariats extérieurs, un rapport à la 
        production des connaissances. De plus, la didactique se dégage en partie 
        de la psychologie de l'enfant pour considérer " l'élève " et 
        l'enseignant comme sujets responsables et solidaires dans la " société 
        école ". Ainsi, les éléments de la relation enseignement-apprentissage 
        ne sont plus mis en relation de façon mécanique, mais de façon organique. 
        En dénonçant le mythe du rapport direct, par simplification, entre les 
        connaissances savantes et les savoirs enseignés, la démarche didactique 
        met en évidence le rôle des compétences spécifiques(4) d'enseignement 
        liées au savoir " penser l'espace " et elle rend possible le 
        passage d'un modèle d'enseignement " spontané " et unique à 
        un choix de modèles didactiques.
 
 DU MODÈLE D'ENSEIGNEMENT 
        SPONTANÉ DE LA GÉOGRAPHIE AUX MODÈLES DIDACTIQUES L'observation des classes permet actuellement 
        de repérer l'existence d'un modèle spontané et plus ou moins implicite 
        d'enseignement. Il s'est constitué progressivement sur la base de l'enseignement 
        transmissif rectifié par l'apport de la " méthodologie de l'éveil 
        " et des sciences de l'éducation. La démarche " d'éveil " 
        (1975-85) a fait basculer l'enseignement de la géographie d'une démarche 
        déductive vers une démarche inductive, voire hypothético-déductive. En 
        se fondant sur l'étude systématique de documents qui fournissent les informations 
        nécessaires pour répondre à des questions, la démarche d'éveil donne à 
        l'élève, théoriquement, la possibilité de construire ses savoirs. La leçon 
        magistrale est en partie remplacée par une leçon dialoguée et la référence 
        au milieu vécu est le point d'ancrage des apprentissages. La fragmentation 
        de la géographie en thèmes d'étude régionaux ou généraux (les fleuves, 
        l'agriculture) illustrés par des documents le plus souvent iconographiques 
        ou graphiques favorise la description du visible (le paysage) sans que 
        l'analyse des logiques spatiales soit réellement abordée(5).Même si elle ne considère pas l'élève comme une " table rase ", 
        cette approche fait du maître le seul réfèrent d'un savoir " objectif 
        " car celui-ci est déclaratif, fonctionnel et non problématisé. La 
        géographie qui devrait, dans une perspective éducative, aborder d'un point 
        de vue critique (analyse de ce qui est décisif) l'étude des dynamiques 
        d'un territoire, se contente souvent de présenter un état des lieux. Dès 
        lors, la professionnalité de l'enseignant ne réside pas dans sa compétence 
        à établir, par un raisonnement géographique, le lien entre le vécu de 
        l'élève, les savoirs scolaires et l'actualité, mais elle se situe dans 
        sa compétence d'animation de la classe reposant sur la mise en uvre 
        d'une ingénierie pédagogique destinée à motiver les élèves.
 Par opposition, des modèles didactiques d'enseignement ont certaines caractéristiques. 
        En premier lieu, ils sont fondés sur la formulation de schémas pertinents 
        du réel, mis en uvre dans des discours géographiques articulant 
        les schèmes spécifiques de localisation, d'organisation et d'évolution 
        spatiale (cf. doc. n°l).
 
 Ensuite, ces modèles prennent comme points 
        d'ancrage de l'apprentissage la représentation sociale(6) du 
        " groupe classe " sur l'objet étudié, construite à partir des 
        contradictions et des convergences entre les savoirs des élèves. Cette 
        démarche conditionne la problématisation des savoirs scolaires qui commande 
        la compréhension des dynamiques du territoire. Enfin, les modèles didactiques 
        incluent, au travers de la problématisation des vécus et des savoirs des 
        élèves et du maître, des retours qui ne sont pas de l'ordre du contrôle 
        des contenus scolaires, mais de celui de la réflexion sur les processus 
        en cours, tant dans la construction sociale de l'espace que dans le processus 
        d'enseignement / apprentissage.Au total, la caractéristique d'un modèle didactique est qu'il favorise 
        à la fois l'apprentissage de l'élève et le développement professionnel 
        de l'enseignant car il vise le développement des compétences de tous les 
        acteurs. L'intérêt de la notion de compétence est d'introduire l'idée 
        d'évolution et d'adaptation des pratiques, à la différence de celle d'objectifs 
        qui vise d'abord les résultats. Former à l'enseignement de la géographie 
        par une démarche didactique suppose donc un travail sur les compétences 
        de l'enseignant. Quatre compétences sont fondamentales : la compétence 
        géographique qui se marque dans la production d'un discours spécifique 
        initiant les élèves au raisonnement sur les modalités de production de 
        l'espace ; la compétence pédagogique qui permet d'engager les élèves dans 
        l'apprentissage ; la compétence de communication qui fonde la mise en 
        place d'un territoire d'enseignement où le réel et les pratiques individuelles 
        et collectives sont mises en relation avec l'appareil conceptuel de l'analyse 
        géographique ; la compétence d'expertise qui conditionne l'évaluation 
        et l'évolution de l'enseignement ainsi que le travail avec d'autres professionnels.
 Sur la base de ces analyses, à l'Université de la Vallée d'Aoste, la formation 
        à la géographie des enseignants du primaire est construite en ciblant 
        deux concepts d'actualité, la transfrontaliérité et la globalisation. 
        Ces concepts, étudiés dans une thèse récente (doctorat soutenu dans les 
        5 dernières années), présentent le territoire, à des degrés d'échelle 
        différents, comme un lieu d'enjeux. Dans la formation, ils sont construits 
        au travers de l'exemple des Alpes Occidentales. Cet exemple est aussi 
        un thème classique de la géographie et des programmes scolaires, il permet 
        donc d'aborder l'épistémologie de la connaissance géographique et d'examiner 
        l'évolution des orientations successives des savoirs scolaires. Le lieu 
        choisi correspond aussi au " vécu " des formés, afin qu'ils 
        puissent analyser comment les concepts géographiques, fonctionnant comme 
        des outils, favorisent l'élargissement de leur compréhension à partir 
        de ce qu'ils " savent " et leur permettent d'expliquer le réel. 
        Les compétences fondamentales se construisent en utilisant les différents 
        " filtres " de la didactique : épistémologie, utilisation des 
        langages (littéraires, graphiques, mathématiques) , production et problématisation 
        des savoirs scolaires, économie de la relation enseignement / apprentissage.
 Lors de la construction des compétences fondamentales, le premier objectif 
        est d'amener les stagiaires à produire, à contrôler et à évaluer un discours 
        (organisation des savoirs) spécifique et d'actualité et un processus d'enseignement 
        cohérent qui fasse le lien entre les activités du maître et des élèves. 
        Le second objectif est de les aider à construire un territoire d'enseignement 
        qui les insèrent dans les dynamiques locales de partenariat (conditions 
        de l'innovation et de l'information).
 Pour conclure cette présentation rapide de l'importance de la démarche 
        didactique dans la formation, une observation s'impose : la didactique 
        est un instrument qui sert à interroger les pratiques d'enseignement et 
        à les faire évoluer de façon autonome et responsable. Elle facilite le 
        travail en équipe, mais elle ne résout pas toutes les difficultés de l'enseignement 
        et de l'apprentissage. Il existe une intelligence de la pratique qui n'est 
        pas théorisable car elle dépend des contextes. Les moments de retour sur 
        la pratique, l'intérêt pour l'actualité, l'information constante sur l'évolution 
        de la connaissance limitent la coupure entre la géographie scolaire, les 
        pratiques sociales de l'espace et la recherche géographique. C'est à cette 
        condition que l'enseignement de la géographie mobilise l'intérêt des élèves 
        et joue son rôle dans la formation du citoyen.
 Françoise BuffetMaître de Conférences à l'IUFM de Lyon 
        (Centre Local de Bourg-en-Bresse). A l'Université de la Vallée d'Aoste, 
        elle enseigne: "Didactique de la géographie" au Cours de maîtrise 
        . en Sciences de la formation primaire et "Problèmes, méthode et 
        didactique de la géographie" à l'École de spécialisation pour les 
        enseignants de l'école secondaire
 Notes(1)Disposition structurée fonctionnant comme structurante (Pierre 
        Bourdieu).
 (2)Paul Claval.
 (3)Cf. Vygotsky L.S. Problema oucheniaz i umstvennogo razvitya 
        v chkol'nom vozraste. 1935.
 (4)Cf. L'École Valdôtaine, n" 55.
 (5)Cf. La description du schéma des zones entre centre et périphérie, 
        sans autres constats que la tertiarisation des centres-ville et les mouvements 
        pendulaires liés au zonage des activités et des habitations.
 (6)Doise W. ; Palmonari A. (sous la dir. de). L'étude des représentations 
        sociales. Paris : Delachaux et Niestlé. Coll. Textes de base en psychologie. 
        1986.207 p.
 BibliographieBUFFET F. (1990), La. Professionnalisation des enseignants en géographie, 
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