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Tsiganes à l’école

Ce projet de recherche-action soutenu par la Commission Européenne est un exemple de pédagogie interculturelle destinée à faciliter l’entrée dans les apprentissages des enfants tsiganes et voyageurs.

LES OBJECTIFS EDUCATIFS ET SOCIAUX ET LA METHODE

  • Aider des enfants réputés comme les plus éloignés des systèmes scolaires à entrer dans les apprentissages.
  • Contribuer à ce que des " sauvageons " deviennent des élèves dans leurs écoles ou dans les structures associatives.
  • Faire en sorte que les enfants tsiganes mettent à profit leur temps de fréquentation dans les structures éducatives et entrent dans une réelle démarche d’exploration des savoirs.

La méthode retenue a été celle de mettre en place l’égalité face aux savoirs par la maîtrise de la langue orale de l’école ou de la société.

LE DEROULEMENT

Les adultes ont été en même temps producteurs et appreneurs : la formation ciblée dont ils étaient dépositaires devait immédiatement être réinvestie auprès des enfants. La formation des adultes a consisté à " faire avec ", dans un esprit de mutualisation des connaissances.
Ce sont les enfants qui ont été, en bout de chaîne, les évaluateurs du projet en évaluant leur démarche d’apprentissage. Le temps d’un séminaire, les enfants sont devenus les enseignants des enfants de la commune de Grigny (commune accueillant les enfants de 51 groupes ethniques différents). Ils avaient fabriqué des jeux coopératifs de questions-réponses et ont expliqué les règles des jeux, lu les questions qu’ils avaient rédigées par dictée, à l’adulte, même s’ils ne savaient pas encore lire et écrire !

LES PORTEURS DU PROJET
Le projet, d’une durée de trois années (1999, 2000, 2001), a vu la participation de nombreux partenaires et s’est appuyé sur des recherches spécifiques.
  • Betty JORDAN : professeur à l’université d’Édimbourg, responsable du département STEP (Scottish travellers Education Program),
  • Santino SPINELLI : Rom des Abruzzes, directeur de l’association Them Romano, musicien et poète, professeur de langue et culture Romani à l’université de Trieste.
  • Françoise MALIQUE : coordinatrice du projet, conseillère pédagogique au CEFISEM de l’Essonne, retraitée, vice-présidente de l’Association " gens du voyage de l’Essonne ", maîtrise de linguistique à l’université de Paris III.
  • Les recherches de Hélène TROCME-FABRE nous ont aidés à déconstruire des stéréotypes concernant le fonctionnement du cerveau humain : " nos fabuleuses ressources cognitives constituent le véritable patrimoine de l’humanité. Le monde éducatif a le devoir de protéger ce patrimoine. Il convient donc de le reconnaître, de le mieux connaître et de le faire connaître. " Apprendre, c’est développer des liens entre le monde, les autres et soi-même pour découvrir, expérimenter, écouter, transmettre, partager, s’enrichir, se construire, s’éveiller, reconnaître les lois de la vie, créer du sens, oser choisir, innover, organiser, échanger.
  • Trente-quatre professionnels de l’enfance de quatre états de l’Union ont participé à la lutte contre l’illettrisme pour plus d’un millier d’enfants. Cette équipe était constituée d’enseignants, d’associatifs et de Tsiganes, de la maternelle à l’université venant d’Écosse, d’Espagne, d’Italie et de France.
  • Le soutien de la Commission Européenne.

LES RESULTATS DE LA COMMUNAUTE EDUCATIVE

Nous avons trouvé une réponse à " la scolarité itinérante " en privilégiant une forme d’accueil linguistique ; ce qui a permis de désacraliser le fait de ne pas savoir. Nous sommes partis des connaissances des enfants, identifiées par eux oralement. Ils n’ont pas été soumis d’entrée à des évaluations sommatives, aux scores négatifs pour la plupart du temps, donc inutiles. Le renversement des rôles a permis la passation des questionnements, ce qui a décidé les enfants à inscrire leur histoire scolaire dans un continuum. La complémentarité des rôles de tous les adultes chargés d’un seul enfant a été démontrée ; le respect des compétences de chacun a aidé à la lutte contre les racismes et la xénophobie. L’analyse interculturelle des pratiques éducatives a donné un éclairage nouveau aux approches culturelles d’une question et une démarche vers la décentration. Démarche qui est la base de la rencontre des cultures et qui enrichit tous les partenaires. La formation, vue comme une transformation irréversible, doit comprendre un volet " linguistique de l’oralité " et une connaissance des récentes découvertes des neuro-sciences.

LES TRAITS CULTURELS TSIGANES APPLICABLES AUPRES DES ENFANTS

Merci à Santino Spinelli de nous avoir livré sa vision de sa culture de l’intérieur ; c’est un exercice tout nouveau. Il y a beaucoup de parutions sur les Tsiganes mais, en majeure partie, elles sont effectuées par des personnes sédentaires qui ont des grilles de lecture ou des grilles d’analyse, à partir du point de vue de leur propre culture. Nous avons eu affaire à un Tsigane qui nous a parlé de sa culture, qui a voulu que nous nous approprions ce qui était à comprendre pour devenir efficaces. J’ai alors conseillé à chacun d’entre nous de changer l’atmosphère de la classe pour que s’installe pour un moment un confort affectif réel, basé sur l’analyse des traits culturels. Mais il n’était pas question que la classe ressemble à une caravane ; et voici ce que nous avons retenu principalement.

Santino Spinelli et Françoise Malique

La culture de survie et les relations entre les individus d’un groupe familial

Depuis six siècles, la communauté tsigane a survécu, bien que chassée de partout (Europe et Asie).Toutes les relations entre les gens ont pour objectif la survie du groupe. La vie est conditionnée par les liens qui se créent et le rapport de rejet global de la société majoritaire. Chaque individu a sa propre existence, légitimée par le rôle qu’il prendra lors d’événements douloureux et imprévus ; ce rôle est essentiellement mobile et les permutations sont dues aux exigences du moment. Chaque individu est important. Un enfant qui grandit dans cette atmosphère (bien sûr, il n’en est pas conscient) où chacun est à égalité de statut, est complètement étranger à la compétition qui est la règle chez les sédentaires.
Santino Spinelli parle de la gestion horizontale des rapports humains. Comment vivre l’horizontalité dans les structures éducatives de nos états ? En favorisant le tutorat, celui qui sait à un moment aide celui qui ne sait pas puis devient apprenant à son tour grâce à l’accompagnement du maître ou d’un tuteur.

La gestion de l’espace

La perception des Tsiganes est de l’ordre de l’inconscient qui filtre leur approche au monde. Ils ne perçoivent pas, ils ne construisent pas leur monde spatio-temporel comme nous qui vivons dans un espace orthonormé à trois dimensions. Quand ils arrivent à l’école, ils sont dans un espace étranger, terrifiant ; ils n’ont aucun système pour décoder leurs nouvelles perceptions. Les enfants grandissent dans un espace très réduit, avec comme horizon les roues des caravanes disposées en cercle. Ils construisent leur vision du monde avec des cadres différents des nôtres, que nous pensons universels.
Je crois qu’un enfant de migrants qui a subi le choc de cultures avec la fracture qu’il a mise entre ses deux mondes est plus à même d’entrer dans notre système que celui qui vit en marge de notre société, dans le même environnement que nous. Il faut passer d’un système à un autre pour devenir un élève. Comment les faire entrer dans la lecture (de gauche à droite, de haut en bas) tant qu’ils n’ont pas effectué le passage d’un système à un autre ? Nous devons comprendre qu’il y a quelques exercices ou quelques jeux à privilégier pour accompagner l’enfant dans son passage d’une certaine perception de l’espace à celle nécessaire pour entrer dans la lecture ; et il n’est pas question de faire le chemin à sa place.

La conception du temps

Les Tsiganes sont majoritairement une population qui ne s’est pas adaptée à l’ère industrielle et à la gestion " mécaniste " du temps.
Nous prenons comme une certitude absolue et universelle le fait de représenter le temps sur un axe orienté de gauche à droite. C’est une construction qui relève de notre imaginaire commun (qui nous a permis d’envoyer des fusées sur la lune…) mais qui n’est pas vécue par tous les hommes. La perception du temps, chez les Tsiganes, est liée au rythme des saisons, il s’agit de quelque chose de circulaire, de cyclique.
Encore une fois, un éducateur doit aider l’enfant à passer d’un système à un autre. Mais dans ce cas précis, les difficultés sont augmentées par le fait que, dans leur langue, ils ont seulement l’expression du futur et que le passé est tabou. Le challenge est bien encore de faire d’un enfant différent un élève comme un autre, sans perte ou dévalorisation de ses origines.

La notion de pur et d’impur

Les Tsiganes sont en grande partie héritiers d’ancêtres qui ont quitté le nord-ouest de l’Inde, au dixième siècle, emportant avec eux leurs coutumes et leurs croyances. Bien sûr, quelques-uns se sont mélangés aux populations des pays d’accueil mais, de façon générale, ils n’étaient pas tolérés et leurs fonctionnements ont perduré.
En langue Romani, le même mot signifie " pur " et " propre " et, par extension, tout ce qui est lié à la vie est pur, tout ce qui est lié à la maladie est impur. Tout ce qui est en contact avec le feu est pur, tout comme la lumière et la chaleur.
Ces définitions peuvent nous sembler arbitraires. En réalité, elles sont commandées par les nécessités de la vie en groupe, pour la survie de ce groupe. Ces concepts règlent inconsciemment les gestes du quotidien.

L’absence de rupture dans les apprentissages

L’éducation des enfants relève de la responsabilité des parents, des grands-parents, des frères et sœurs aînées, des oncles et tantes.
Il n’y a pas de rupture dans les apprentissages qui se font par modélisation. Il est bien question de s’approprier, très vite, les stratégies de survie, en reproduisant, à l’identique, les savoirs des anciens.
Il n’y a pas d’apprentissage coercitif. Le rythme propre de l’enfant, ainsi que la réponse immédiate à tous ses désirs, sont à la base du système d’éducation du tout jeune enfant. De plus, la mixité des générations fait qu’il n’y a pas de " moment d’enfance ou d’adolescence ", mais un partage de chaque instant.
En effet, dans l’espace exigu de la caravane, ou d’un campement au bord d’une route, tous les moments sont des moments de partage. Il n’y a pas le " moment de l’apprentissage " ou " le moment du jeu de société ".
De l’extérieur, il nous semble que l’enfant est roi (surtout le garçon), que tout est soumis à ses caprices et que la réponse doit être immédiate.
La meilleure connaissance de la culture tsigane nous a donc permis de privilégier la circularité des savoirs, la recherche de la perfection, l’enrichissement du groupe à travers les progressions de chacun de ses membres en étudiant et en prenant en compte le système éducatif de cette la minorité.

L’ORALITE DES MINORITES ETHNIQUES

Ce que nous avons appris

Bon nombre d’éducateurs semblent avoir fait le tour des difficultés des apprenants en déclarant: " ils sont de culture orale ". Comme si ce fait relaté était la source de tous les maux.
La communication orale ne sert pas seulement à l’expression des besoins. Pour vivre, il faut mémoriser des lieux, des événements… Nous avons appris que le cheminement mental mis en place, à ces moments, est très différent de celui des sédentaires. Les faits mémorisés, les priorités à mémoriser, et les représentations liées à ces priorités nous sont totalement étrangers (quand ils ne sont pas méprisés).
Comment garder une mémoire des événements, des lieux, quand on ne sait ni lire ni écrire ?
Ce n’est pas impossible, puisque tant de personnes, de par le monde, sont dans cette situation !
Je citerai l’anthropologue Jack Goody : " l’oral et l’écrit ne sont pas seulement des véhicules du langage, ils induisent des types de savoirs différents, et peut-être même des formes de savoirs différents ".
Nous avons remarqué, de la part des petits Tsiganes, l’usage intensif fait de la communication non-verbale, de gestes signifiants, inconnus de nos systèmes de références. La maîtrise de ce code nous est totalement étranger. Nous nous sommes aussi très vite rendu compte que nos élèves ne savaient pas poser des questions et n’employaient aucun introducteur de questionnement, à part l’intonation montante.

Ce que nous avons fait

Nous avons fait l’observation suivante : la langue française, parlée dans la famille tsigane, est très différente de la langue orale exigée à l’école (nous ne voulons pas procéder ici à une généralisation abusive). Outre les particularités liées à la connaissance ou à la méconnaissance de la langue du groupe, nous avons vu que les marques temporelles sont pratiquement inexistantes. Or la lecture et l’écriture d’un texte supposent une maîtrise parfaite de la règle de concordance des temps. De plus, le même pronom " i " a valeur de i(l), de i(ls) mais aussi de elle ou elles : la rédaction d’un texte, qui demande une parfaite maîtrise des référents, exige un travail pointu dans ce domaine.
Dans le cadre du projet, nous avons favorisé les échanges oraux pour parcourir les espaces suivants :

  • langue orale de la famille (support d’échanges) ;
  • langue orale de l’école (première structuration, avec apport ou emploi d’introducteurs de complexité syntaxique) ;
  • rédaction conjointe - expert et apprenant - de l’oral transférable à l’écrit (apprentissages de ce qui peut se dire mais ne peut pas s’écrire) ;
  • lecture du texte rédigé ensemble - par dictée à l’adulte - et approche du sens de l’écrit ;
  • lecture analytique ;
  • entrée dans les connaissances scolaires ;
  • questionnements sur ce nouveau savoir (réinvestissement des récents apprentissages) ;
  • utilisation des introducteurs de complexité syntaxique adéquats, pour poser des questions et aider les autres dans une démarche cognitive.

En fait, il n’y a pas de hiérarchie entre les différents développements du raisonnement, tout ceci se négocie dans la circularité. Pour qu’une notion soit intériorisée, il faut que l’apprenant ait "bouclé la boucle". C’est ce cheminement intellectuel qui permet à l’enfant de devenir un élève.

La fin du projet

Nous avons décidé de fabriquer, avec les enfants, des jeux de questions-réponses pour favoriser l’approche pédagogique nommée ci-dessus.
Ils ont conçu le plateau, rédigé les règles propres aux déplacements et rédigé les questions. La plupart du temps, le travail a été effectué avec des enfants très peu alphabétisés, en privilégiant l’exercice de la dictée à l’adulte. Il a été décidé de favoriser le questionnement des enfants dans les domaines de recherche de leur choix et de rédiger ces questions sur un modèle que j’ai imposé, dont voici le cadre :

  • ouverture du paradigme de connaissances par une phrase affirmative contenant au moins une complexité syntaxique ;
  • question liée à la phrase précédente avec l’utilisation adéquate de l’introducteur de questionnement ;
  • réponse sous la forme de QCM, de vrai/faux ou réponse linguistiquement complexe.

Il a été nécessaire de rédiger des fiches " aides " à cause de déficiences de mémoire immédiate, chez les non-lecteurs, et à cause de leur scolarisation en pointillés.

Et voici quelques productions :

  • Il n’y a pas que les rois qui vivent dans des châteaux. Dans quelle histoire trouve-t-on le château de Moulinsart ? Réponse : les aventures de Tintin et Milou.
  • Les châteaux du moyen âge abritaient et protégeaient beaucoup de monde. Sais-tu comment était protégée l’entrée du château ? Réponse : pour entrer dans le château, il fallait que le pont-levis soit descendu.
  • Décomposer une année, c’est comme découper une tarte. En combien de trimestres peut-on décomposer une année ? Réponse : une année peut se décomposer en quatre trimestres.
  • Comme tous les animaux, le dauphin a besoin de sommeil. Comment le dauphin peut-il dormir sans se noyer ? Réponse : pour se reposer, le dauphin endort une moitié de son cerveau pendant que l’autre partie reste éveillée.
  • L’espagnol et le français sont des langues latines parce qu’elles étaient parlées par les Romains lors de leurs conquêtes. Quelle langue a aussi une origine latine ? L’anglais, l’allemand ou le roumain ? Réponse : le roumain.
  • Django Reinhart est né 10 ans après 1900. Quelle est son année de naissance ? Réponse : Django Reinhart est né le 21 janvier 1910.

Je vous laisse juger et apprécier les qualités pédagogiques déployées pour arriver à de telles énonciations.
Il faut remarquer aussi que les exigences des adultes pour les productions des élèves sont les mêmes que pour les enfants de la société majoritaire, car les maîtres ont une vision maximaliste des potentialités de tous les enfants d’exclus.
Pour tous les acteurs du projet, travailler dans cette dimension, que nous nommons "interculturelle", car l’exercice de la dictée à l’adulte favorise par son essence la rencontre et le partage, tout en respectant les exigences et les contraintes du milieu, a impliqué une profonde mutation des comportements.
Les enfants ont été performants, parce que la dictée à l’adulte implique une égalité de statuts dans l’échange ; parce que les actions de tutorat sont à la base de leur système d’apprentissages ; parce que les enfants ont cheminé du connu (leur quotidien, leur langage) vers l’inconnu (l’école et son écrit majoritairement présent), en étant épaulés et accompagnés.
En fait, nous avons travaillé dans un espace où l’identité de chacun est respectée, dans un espace où chacun d’entre nous, adulte et enfant, s’est donné la possibilité d’entendre l’autre dans son individualité. Nous avons démontré que cette démarche est possible avec les enfants peu ou mal scolarisés, en respectant les textes fondateurs de chaque état.

Françoise Malique
coordinatrice du projet, conseillère pédagogique au CEFISEM de l’Essonne, retraitée, vice-présidente de l’Association “ Gens du voyage de l’Essonne ”, maîtrise de linguistique à l’université de Paris III.

Stéphanie Leblanc
Institutrice à l’école élémentaire Jules Ferry de Montgeron (Essonne).

ARC-EN-CIEL : INTERROGE-MOI
L’élaboration du jeu, présenté ici, a pu être réalisée grâce à la mise en place d’une pédagogie basée sur le respect des traits culturels des enfants tsiganes, dans le but de leur permettre un véritable accès aux apprentissages, car comme le fait remarquer Françoise Malique, la coordinatrice de ce projet européen : “ la quête de savoirs fait partie des préoccupations de tous les enfants ”.

Le jeu “ Arc-en-ciel : interroge-moi ” a été élaboré, au mois de décembre 2000, par dix enfants tsiganes et voyageurs âgés de 6 à 12 ans à l’école élémentaire Jules Ferry de Montgeron (Essonne), dans le cadre du projet de la Commission Européenne “ Les enfants nous questionnent… et nos cultures se rencontrent ”.
Les ressources utilisées par les enfants ont été des magazines animaliers, comme Wapiti… ; des livres documentaires sur la chasse, l’eau… ; des magazines, comme Images doc ; des livres pédagogiques spécifiques des classes de CP, de CE1, de CE2, de leçons de choses ; sans oublier les incontournables ordinateurs et dictionnaires.
Les règles du jeu sont celles utilisées couramment pour le jeu de la salière (voir la photo). Il s’agit de trouver la bonne réponse à une question sélectionnée au hasard. Le nombre de joueurs, âgés de 6 ans et plus, est illimité. Pour jouer, il faut posséder les compétences suivantes : savoir réfléchir, savoir chercher, savoir trouver, savoir observer et savoir lire.
La création et la formulation de la règle du jeu pourraient faire l’objet d’un projet d’écriture pour l’année suivante.

Méthodologie mise en œuvre pour la rédaction des questions
Des enfants sont parfois partis de la réponse pour créer des questions. D’autres ont transformé des questions sous forme de questions à choix multiples (QCM) en questions avec introducteurs de questionnement.
La démarche a été celle de la prise de conscience du sens d’une question et de réfléchir sur : qu’est-ce que c’est une question ?
Tout un travail sur la construction de la question, et sur toutes ses formes, a été effectué ; de même que des exercices structuraux sur les différents introducteurs d’interrogation, comme par exemple : “ Jean va à la chasse cet après-midi : l’enseignante demande aux enfants de souligner certains mots dans la phrase et de poser une question dont la réponse est le mot souligné. ”
Au fil de leur apparition, des introducteurs d’interrogation ont été affichés, et ils ont fonctionné comme outil et mémoire du jeu.
Ensuite, un travail sur la construction d’une réponse à partir de questions sélectionnées sur des albums de jeunesse, tels que Poulou et Sébastien, a suivi, pour que les enfants prennent conscience que dans la question il y a beaucoup d’éléments utiles à la rédaction de la réponse.
Les écoliers ont choisi des domaines de savoirs pour la rédaction des questions : ceux des animaux, des fruits et des légumes, de la nature, de l’école, des fêtes, de l’hygiène, du corps, de l’environnement, de la santé, de l’astronomie et de la musique.

Traits culturels tsiganes sur lesquels s’est appuyée l’expérimentation
Le tutorat et l’oralité
Les non-lecteurs et les non-producteurs d’écrit ont construit leurs questions à l’oral et des enfants scripteurs les ont transcrites à l’écrit. Ce travail collectif a été très enrichissant pour chacun des enfants.
L’horizontalité
Cette notion culturelle se remarque dans la manière dont les enfants travaillent ensemble. Ils collaborent. Chacun apporte des éléments pour arriver ensemble à un résultat. Ils ont un véritable esprit d’entraide et de solidarité.

Les hypothèses de départ affirmées par la création du jeu
Nous avons pu mesurer l’intérêt, la motivation et la participation des enfants pour créer des questions. Ils ont été intéressés, car ils ont pu apprendre aux autres enfants des choses qu’ils connaissent ou qu’ils ont apprises à travers leurs lectures en classe, à travers les discussions et les débats organisés à l’école et ceux auxquels ils participent habituellement au sein de leur famille.
Prise de responsabilité
Les enfants ont démontré qu’ils étaient conscients d’être responsables de l’exactitude des informations qu’ils ont données à travers leurs questions et leurs réponses.
Envie d’un travail collectif
Les enfants ont été contents de rassembler leurs questions dans un même jeu. Ils ont donc mis en commun leur travail ; et le fait de se savoir participer à un projet, qui réunit des voyageurs de plusieurs pays, a représenté une réelle satisfaction.
Interdisciplinarité
Ce type de projet permet de décloisonner un certain nombre de domaines d’apprentissages : langue orale, lecture, productions d’écrits, science de la vie…
Dialogue école-famille
Les enfants, intéressés par l’idée de ce jeu ont montré leur travail chez eux. Parfois, en famille, ils ont continué à poser des questions. Cette ouverture à la famille est très importante pour l’enfant quant à la reconnaissance de son travail réalisé à l’école. C’est donc un facteur de réussite incontestable.

Stéphanie Leblanc
Institutrice à l’école élémentaire Jules Ferry de Montgeron (Essonne)

 

 

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