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Une heure de cours, c'est tout... sauf une heure
En combien
de temps prépares-tu tes cours ? Combien de temps à lavance ty
prends-tu ? Quest-ce que tu dois organiser chaque fois ?Une heure
de cours, cest tout... sauf une heure !
Une heure de cours cest parfois quelques moments de réflexion assez
détendue : comment vais-je présenter cet auteur ? Par quels textes vais-je
commencer ?
Et si jintroduisais dabord son portrait ? Mais peut-être vaut-il
mieux que je donne auparavant lencadrement général... et puis non,
cette fois-ci, je verrais mieux un panorama à partir des thèmes principaux
de son uvre, dailleurs cette classe-ci lit volontiers les
textes à la maison ; je vais leur demander den lire deux avec des
consignes - suit la préparation des consignes, etc.
Là, cest la situation un peu privilégiée du prof de longue haleine
que je suis devenue : des années denseignement dans la même école,
de la même discipline... si toutefois je remonte quelque quinze ans avant,
je revois létude acharnée, les heures passées à préparer des cours
de disciplines différentes, pour un public délèves différents, la
surcharge de travail même, limpression dêtre, encore et toujours,
à lécole : il faut que jétudie ce sujet, cétait bien
la peine de devenir enseignant !
Une heure de cours, cest donc aussi une vingtaine dannées
passées à limer, perfectionner, changer, expérimenter, recommencer...
Une heure de cours cest surtout, maintenant, un moment dorganisation
qui nous apparente à celui dun homme daffaires consultant
son agenda : en combien dheures vais-je arriver à réaliser cette
activité ? Au bout du compte, quels résultats aurai-je obtenus ? Comment
pourrai-je les mesurer ? Et où diantre vais-je placer cette heure de séance
de film promise aux élèves ?
Doù il ressort que mes heures de planification du travail : fixer
les dates - répartir les travaux denseignement, dactivités
des élèves, dévaluation - dépassent quantitativement mes heures
de ce que nous appelons la préparation du cours à proprement
parler.
Une heure de cours dans certaines sections expérimentales, cest
encore une autre histoire : cest le produit final dun ensemble
dheures de rencontres régulières avec un autre professeur pour réaliser
un travail commun qui, sous le nom dinterdisciplinarité, bilinguisme,
laboratoire linguistique ou co-présence, comporte le double dénergie
dans lorganisation !
Et puis, limprévu qui, grâce au ciel parfois, apparaît dans la meilleure
des organisations : les livres ne sont pas arrivés, les élèves à interroger
sont absents, un collègue est malade et il faut le remplacer au pied levé.
Cest là que lheure de cours improvisée peut montrer ses charmes.
Mais ce qui en aucun cas nest laissé au hasard, et plus encore,
demande un temps de travail qui ne diminue pas avec lexpérience,
cest la préparation de lévaluation, quil sagisse
dun écrit (Quelles compétences vont être me- surées ? Sur la base
de quels supports ? Quel barème utiliser ?) aussi bien que dune
interrogation orale (Comment répartir les questions de manière à couvrir
une large partie du programme ? Combien de temps consacrer à chacun ?
etc.) Là, la réflexion simpose chaque fois et se renouvelle dune
année à lautre sans quil soit possible de prendre des raccourcis.
Il semblerait
parfois quune heure de cours - travail fondamental, nous en tomberons
daccord, de lenseignant - ne soit pourtant jamais quun
moment arraché à dautres travaux, apparemment stériles : longues
listes des programmes, des objectifs, longues réunions, plans annuels
optimistes, comptes rendus de fin dannée amers...
Mais soyons sérieux, répondons aux questions, au moins à lune dentre
elles :
À quoi penses-tu lorsque tu prépares ta leçon de demain
; au programme, aux élèves, aux objectifs ?
Non, pas celle-là, la réponse nest que trop évidente : aux élèves,
bien sûr ! Si je pensais au programme, je serais probablement en dépression
accélérée dès le mois de mars ; si je pensais aux objectifs, je risquerais
de décider brutalement de recommencer à zéro !
Essayons celle-ci : Tes élèves ont-ils une part de responsabilité quant
à lorganisation du travail ?
...la meilleure des heures de cours, à mes yeux, est celle qui est réalisée
par les élèves à la suite dune préparation soigneusement guidée
par leur prof : lorsque les temps, les buts immédiats et à long terme,
les supports, les rôles de chacun dentre eux ont été fixés, lorsquon
voit une classe entière partir sur des rails dans une direction quon
navait peut-être même pas prévue, alors la leçon a pris son sens
: elle senvole là où elle veut...
Une autre : quelles sont tes stratégies avant et pendant la leçon en classe
?
Sil faut être franc : avant la leçon, stratégie de base : organisation
maximum, je lirai ou ferai lire ces deux textes, en demanderai une confrontation
spontanée et collective aux élèves à travers une batterie de questions
guidant leur lecture, traiterai ces deux autres points en mettant en commun
les connaissances précédemment acquises et ferai la synthèse du sujet.
Ceci, avant.
Durant, changement de programme dû aux prises de conscience qui se cumulent
par vagues successives :
- la lecture na
pas forcément produit la compréhension immédiate que jimaginais,
doù, petit moment dexplication supplémentaire ;
- la batterie de questions
obtient un merveilleux silence, peut-être faut-il, auparavant, désigner
les personnes qui devront répondre, leur laisser le temps de cogiter
sur la question ;
- les deux autres points
à traiter... voilà que la mise en commun, riche, moblige à sélectionner
les interventions des élèves, si désireux de répondre, tous en même
temps, bien sûr
... la synthèse...
ce sera pour la prochaine fois !
En clair : les stratégies mises en place en absence de la classe sont
aussi efficaces que les cours théoriques de natation.
Cest face à la classe, à sa manière dêtre que les décisions
de travail sont prises : sollicitation des classes passives, réglage des
trop fougueuses, animations plus intensives pour les ennuyées, gestion
très encadrée pour les dissipées... une sorte dadaptation imperceptible
de la relation à lintérieur du cadre très solide qui nous entoure
et qui est fait décole, à savoir : règles, horaires, plans détudes,
discipline.
Et, si je regarde autour de moi, sans rien demander, juste en observant,
je vois les professeurs-bricoleurs, (dont je suis) : feuille - scotch
- ciseaux - photocopie, les professionnels du recyclage, les amateurs
de la formation continue, ceux qui feuillettent, enthousiastes comme au
premier jour, les revues de pédagogie, ceux qui ne lâchent pas leurs
classiques , ceux qui saventurent, délestés de tout manuel,
dans les expériences pilotes, ceux qui ne travaillent bien quen
duo, trios, plus sûrs davancer en groupe quen solitaires,
ceux qui prévoient sur lannée, ceux qui, au tournant dune
expérience de formation, dune rencontre didactique heureuse, reformulent
de fond en comble leur planification...
...et je nai pas le courage de leur demander : est-ce que vous voudriez
bien répondre à quelques questions sur vos stratégies denseignement
? Cest pour un article.
Barbara Wahl
Professeur de français au Lycée classique
dAoste.
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