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Le
tuteur : un trait d'union
Le tuteur est celui qui facilite
les actions du groupe. Il joue le rôle de catalyseur en favorisant
les conditions nécessaires pour que l’action se déclenche.
Il fait le lien entre la théorie et la pratique.
Il ne faut pas que l'année de formation soit une
expérience isolée ; pour cela il est nécessaire qu'elle
trouve sa place au sein même des nombreuses actions qui fondent
le système formatif intégré dans les services professionnels
et qu'elle soit concrètement rentable.
Pourquoi investir autant de ressources
?
D'abord, pour éviter que le parcours de formation
se réduise à une expérience personnelle et subjective
; ensuite pour que, tout au long de sa vie, l'enseignant puisse saisir
le sens et la valeur de ses actions afin d’arriver à en percevoir
les limites et les ressources, de façon à dégager
des réponses satisfaisantes aux problèmes qu’il rencontre
; à prendre conscience que les difficultés peuvent être
dépassées et que les ressources peuvent être renforcées.
Le modèle de formation des enseignants adopté par le Service
de l'Inspection Technique en collaboration avec l'IRRE-VDA, répond
aux exigences énoncées ci-dessus.
Il prévoit en effet :
• le repérage des besoins formatifs des enseignants ;
• l'identification des formateurs répondant aux besoins soulevés
;
• des input théoriques gérés par les
formateurs pendant 16 heures, sur les 40 prévues ;
• la planification, avec l'aide du tuteur, de projets/expériences
à réaliser dans les classes;
• la présentation en séance plénière
des projets élaborés et la validation de la part du formateur
;
• l'expérimentation dans les classes d'appartenance ;
• le compte rendu de l'expérience avec analyse des résultats
en termes de points forts/points faibles et le feed-back des
formateurs ;
• la diffusion et le partage des expériences, notamment sur
Internet.
Il s’agit à présent d’examiner
les différentes phases afin d’analyser le rôle du tuteur
dans ce modèle de formation.
• Le repérage des besoins formatifs
des enseignants concernés
Lors de la première rencontre, le tuteur a demandé aux enseignants
de se présenter brièvement :
le niveau d’école, la discipline ou domaine d’enseignement,
les formations précédentes et les difficultés rencontrées
habituellement dans les pratiques de classe. Le tuteur a regroupé
par thèmes les besoins formatifs énoncés.
Ainsi, il s’est avéré que les enseignants souhaitaient
surtout développer des compétences pour la construction
de parcours d'apprentissage plus motivants.
• L’identification des formateurs répondant
aux besoins des enseignants
En tenant compte des suggestions de chacun et, en particulier, de celles
des enseignants en formation, une réunion regroupant autour de
la même table le formateur de l'IRRE-VDA, les responsables du Bureau
de l'Inspection Technique ainsi que les tuteurs a permis d'identifier
les experts les plus aptes à répondre aux besoins des enseignants.
Encore une fois, la recherche de formateurs a fourni l'occasion d’une
nouvelle collaboration avec l'Université de la Vallée d'Aoste.
• La planification de projets/expériences
à réaliser dans les classes, en collaboration avec le tuteur
À partir de ce moment, lors des rencontres de travail en sous-groupe,
le tuteur a joué un rôle de médiateur et de “
référent ” en matière didactique. Il a fourni
en effet le scaffolding, c’est-à-dire le soutien
technique et relationnel qui favorise l'apprentissage et stimule le développement
des potentialités individuelles, après avoir amené
chacun à en prendre conscience. De plus, il a encouragé
le travail de groupe ; il a favorisé les discussions et les échanges
et a contribué à mettre en place les conditions nécessaires
permettant à tout le monde de participer activement.
• La présentation en séance
plénière des projets élaborés et la validation
de la part du formateur
Lors de cette séance, en faisant usage des nouvelles technologies,
les porte-parole de chaque groupe ont présenté leurs projets
ayant trait à une habileté sociale ou technique de Cooperative-learning.
À la suite de chaque présentation, le formateur répondait
aux questions des enseignants et les amenait à fournir des précisions
supplémentaires. Dans ce contexte, le tuteur a aidé les
porte-parole des groupes en complétant ou en explicitant leurs
exposés. Il a veillé à l'efficacité des supports
techniques et a pris note des suggestions fournies par le formateur à
propos des ajustements à apporter aux projets (modélisation).
•
L'expérimentation dans les classes
Ensuite, les enseignants en formation ont réfléchi à
la façon d’adapter les pratiques élaborées
en groupe aux caractéristiques de leurs classes et aux exigences
d’organisation.
Au cours de cette phase, le tuteur s’est appliqué à
réduire l'anxiété des enseignants par rapport aux
contraintes concernant : leur emploi du temps, la disponibilité
des collègues à travailler en co-présence/co-animation,
les délais à respecter à l'intérieur du calendrier
de formation et des vacances scolaires prévues au cours du deuxième
quadrimestre et tout cela en tenant compte des engagements professionnels
et personnels de chacun.
Le tuteur a invité le groupe à élaborer une grille
d'observation de l'expérimentation et a invité les participants
à tenir compte des ajustements réalisés en cours
de route. Il leur a enfin rappelé de collecter et de classer les
matériels utilisés et produits par les élèves
dans le but de documenter et de diffuser autour d’eux l'expérience
(implication et interaction avec les autres).
• La réflexion du tuteur et des enseignants
sur l'expérience réalisée dans les classes
Chaque enseignant a raconté le vécu de son expérience
menée en classe.
Pour que chaque membre du groupe ait la possibilité de parler,
le tuteur a d'abord fourni un modèle de présentation de
l'expérience, en termes de points forts/points faibles, des choses
à rectifier, des imprévus en cours de route et des retombées.
Ensuite, il s’est employé à valoriser l'apport de
chacun, il a reformulé les données les plus significatives
de chaque parcours et il a amené les enseignants à réfléchir
sur la possibilité d'adopter ces démarches dans leurs pratiques
de classe et de les faire connaître à un large public.
Enfin, il a stimulé le groupe à réfléchir
sur le rôle de l'enseignant tel qu’il est proposé par
ce modèle. En effet, l'enseignant est à la fois chercheur
et expérimentateur sur le terrain.
• Le compte rendu en séance plénière,
la mise en évidence et “ socialisation ” des résultats
en termes de points forts/points faibles et feed-back des formateurs
Le porte-parole de chaque groupe a présenté l'expérience
en séance plénière. Le tuteur a veillé à
ce que l’exposé ne soit pas trop descriptif et narratif.
Il a invité chacun à s’exprimer et à poser
des questions sur les détails d’organisation, sur les ajustements
de dernière minute, sur les impressions, sur son propre vécu
ou celui des collègues et des élèves et enfin sur
les retombées au niveau les différents acteurs.
Le formateur, quant à lui, a mis en valeur le travail de chaque
groupe et a rappelé les atouts que possèdent de telles pratiques
pédagogiques qui permettent de s’approprier des habiletés
sociales et cognitives.
En conclusion
En tant que tuteur, l’expérience vécue
a été enrichissante. Elle nous a permis, entre autres, de
mesurer sa validité dans le parcours de formation des enseignants.
En effet, le tuteur est en mesure de repérer les véritables
besoins des enseignants. Il contribue à créer un climat
favorable pour l'expérience de groupe et cela est une condition
nécessaire pour atteindre les objectifs éducatifs d'une
formation rentable.
Ne pourrions-nous pas devenir ensemble, tuteur et enseignants, les co-constructeurs
de pratiques pédagogiques efficaces et motivantes ?
TUTEUR:
une expérience tous azimuts |
Devoir jouer le rôle d’enseignant-tuteur auprès
d’autres enseignants c’est avant tout une expérience
psychologique. Cela demande une remise en question de ses propres
rapports avec les collègues et une mise à disposition
des habiletés et des compétences qu’il a lui-même
perfectionnées au cours de son expérience.
Pour lui, il s’agit de frôler la limite entre l’acceptation
et le rejet de la part des autres.
Il faut reconnaître qu’il est plus facile de définir
le rôle d’enseignant-tuteur par ce qu’il n’est
pas. Quand il accomplit sa tâche, le tuteur n’est
pas vraiment un enseignant, il est celui qui sait, mais il n’enseigne
pas. Il est là pour faciliter l’apprentissage des
collègues en fournissant des suggestions ou des hypothèses
de solutions, en proposant des ouvertures possibles, en lançant
des messages. Il sait plus que les autres, mais il n’est
pas là pour leur éviter la confrontation, parfois
complexe et difficile, avec l’erreur car cette dernière
permet la découverte grâce aux tâtonnements
successifs.
Le tuteur n’est pas un sociologue ; il est vrai qu’il
est spécialisé en travail de groupe, mais seulement
dans l’optique de celui qui doit faire fonctionner un groupe
en facilitant la circulation des savoirs de chacun de façon
à les transformer en savoirs communs.
Le tuteur n’est pas un psychologue ; il est attentif aux
rapports entre les personnes, mais uniquement en fonction de la
réussite de la tâche que lui et le groupe ont la
charge de mener à bien. Ces rapports sont donc fortement
dépendants de la recherche de solutions.
Le tuteur n’est pas un chef de groupe ; il est celui qui
le gère en fonction des résultats ; il s’occupe
aussi de l’emploi du temps, mais en fonction du résultat
à obtenir et des besoins des participants.
Mais un rôle ne peut pas être défini uniquement
par ce qu’il n’est pas.
Il faut trouver des actions qui le caractérisent et il
faut aussi dégager des attitudes mentales, psychologiques
essentielles à la réussite de la tâche.
L’enseignant-tuteur doit adopter un style qui lui est propre
et qui ne peut découler d’un schéma préétabli.
Des échanges plus profonds avec chaque membre du groupe
doivent être favorisés, de façon à
ce que, sur des rapports de type professionnel, se greffe l’empathie
de ceux qui vivent la même expérience d’apprentissage
et d’enrichissement personnel. Le caractère délicat
de cet enjeu le rend encore plus stimulant.
Il doit aimer la recherche en tant que telle : cet acte qui fait
renaître l’esprit de l’enfant chez l’adulte.
Il doit jeter les bases pour favoriser la recherche ou la (re)découverte
de l’esprit de recherche. Et c’est, peut-être,
l’aspect le plus stimulant et le plus intense de cette tâche
de tuteur. En effet, voir renaître cette force intérieure,
qui n’est pas le fruit de l’instinct, mais celui d’un
besoin calculé, qui pousse vers un domaine inconnu, celui
de la découverte, est très stimulant. Le fait de
se transformer en archéologue de la connaissance et en
architecte du savoir est une expérience unique.
Des idées, fruits de l’expérience et de l’enthousiasme
peuvent ainsi jaillir à l’improviste. On peut voir
la déception ou au contraire l’enthousiasme naître
ou s’effacer. Des élans de créativité
peuvent surgir soudainement quand on croyait devoir abandonner
certaines propositions.
Il s’agit d’un échange tous azimuts que le
tuteur vit de l’extérieur, en tentant de canaliser
toutes les ressources vers un objectif unique, celui d’un
résultat concret : l’élaboration ou bien l’analyse
d’un parcours didactique.
Bruno Fracasso
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Emilia Campobassi
Cinzia Sciacqua
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