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D'une
école à l'autre
Quelles raisons poussent certains
parents à vouloir faire changer d’école à leur
enfant ?
Le phénomène du nomadisme des élèves
– j’entends par là celui des enfants qui migrent d’une
école à l’autre – est un problème auquel
je suis confronté chaque année. Il touche surtout des jeunes
de 11 à 14 ans, pratiquement jamais des enfants du primaire.
Généralement, je reçois les demandes pendant l’été
– plus rarement durant l’année scolaire. À cette
époque, l’école est déserte : je me vois donc
contraint de prendre les choses en main, seul.
Quand je rentre de ma semaine de vacances, je trouve immanquablement sur
mon bureau une dizaine de requêtes formulées par des parents
désireux de mettre leur enfant dans mon établissement, l’Institution
scolaire Aosta 1.
Parfois, il m’arrive d’en gérer jusqu’à
25 : je trouve que c’est énorme. Cette année, elles
étaient au nombre de seize. Il s’agit d’élèves
qui, pour la plupart, avaient jusque-là fréquenté
une des écoles du chef-lieu.
Avant tout, signalons que l’agglomération compte cinq établissements
dispensant l’enseignement du secondaire du 1er degré, et
ceux-ci ne sont pas très éloignés les uns des autres.
Les déplacements sont d’autant plus faciles que les édifices
scolaires sont accessibles à partir de n’importe quel quartier.
Aosta 1 est situé en plein centre ville ; habituellement, on y
accueille aussi un petit nombre d’élèves qui habitent
les autres quartiers et, à l’inverse, des enfants qui pourraient
venir ici fréquentent l’école d’à côté.
Pour en revenir au sujet, quand je reçois une de ces demandes,
ma première réaction est de saisir le téléphone
et d’inviter les parents à venir dans mon bureau.
Pourquoi vouloir changer d’école ?
Sans être la principale, l’une des raisons
qui pousse les familles à changer leur enfant d’établissement
est liée à la perception que celles-ci ont des écoles
des différents quartiers de la ville.
Les parents qui viennent me voir expriment leur désir de manière
suivante : " Je n’ai plus confiance dans l’école
que fréquente mon fils (ou ma fille), j’ai l’intention
de l’inscrire ailleurs. "
Certaines familles ont acquis une conception marchande de l’école.
J’appelle ça la logique du marché. En effet, les établissements
scolaires sont, pour eux, semblables aux étalages d’un marché
: " Celui-ci m’a mal servi, je m’adresse à celui
d’à côté qui m’accueillera beaucoup mieux.
" J’ai rarement entendu les élèves raisonner
de cette manière. En fait, ce désir de changement provient
davantage des familles que des enfants.
Dans la plupart des cas, mon interlocuteur est une mère inquiète,
plus rarement un père.
À cette occasion, je rencontre des mamans frustrées principalement
par le redoublement de leur fils ou de leur fille. Il s’agit d’une
réaction que peuvent avoir certains parents face aux mauvais résultats
scolaires de leur enfant.
Le motif généralement invoqué par les mères
en question est le suivant : " Mon fils (ou ma fille) n’a pas
été compris(e), c’est pour cela que ses résultats
sont décevants ; c’est pourquoi ses professeurs ont décidé
de le/la faire redoubler. "
Ma stratégie
Première étape : j’invite le parent
dans mon bureau pour qu’ensemble, on réfléchisse au
problème.
Souvent, les mères qui s’engagent dans cette démarche
considèrent la décision du conseil de classe comme un échec
personnel. Elles cherchent à se justifier, à prouver qu’elles
sont de bonnes mères. Et puis, c’est la première fois
qu’elles se trouvent confrontées à ce genre de situation,
car même si leur enfant a pu avoir des difficultés à
l’école primaire, cela n’a généralement
pas entraîné de redoublement. Elles ne s’attendaient
donc pas à ce qu’en secondaire, leur enfant puissent parfois
recommencer la première année. Alors, elles accusent l’école
de n’avoir pas su comprendre leur fils ou leur fille.
Pour moi, cette première rencontre est un moment de dialogue privilégié.
C’est l’occasion d’amener le parent à se poser
des questions sur l’échec supposé ou véritable,
de leur enfant.
Je devine souvent un lâcher prise, une démarche de déresponsabilisation
face au résultat scolaire de l’enfant.
En dialoguant avec la mère ou, exceptionnellement avec le père,
j’arrive à mieux comprendre la perception que le parent a
de l’école qu’il veut quitter et à déceler
à quel moment la confiance a commencé à être
ébranlée.
Je l’amène ensuite à se pencher notamment sur le sens
qu’un éventuel transfert dans un autre établissement
pourrait avoir sur le jeune.
Dans la plupart des cas, plusieurs rencontres sont nécessaires
pour faire avancer la prise de conscience. Mon but est d’amener
les parents à réfléchir sur la signification à
donner à ce choix. Il n’est pas rare qu’après
deux ou trois entretiens, la famille revienne sur sa décision et
renonce à déplacer l’enfant.
Tenir compte de l’avis de
l’élève
Pour moi, il est fondamental de faire comprendre à
la mère les conséquences que peut avoir le changement d’école
sur le jeune, surtout si on n’est pas certain que l’intéressé
ait vraiment manifesté l’envie d’aller ailleurs. Il
faut que la famille comprenne que l’enfant peut vivre ce départ
comme une fuite, un échec, pouvant avoir quelquefois des suites
bien plus graves que le simple redoublement.
En fait, quand j’ai affaire à quelqu’un qui n’est
pas vraiment convaincu d’avoir pris la bonne décision, je
lui conseille de venir plusieurs fois en discuter avec moi. La première
fois, la mère vient me voir toute seule. Elle se présente
comme porte-parole des difficultés et des préoccupations
de son fils ou de sa fille. En fait, notre conversation lui permet souvent
de réaliser qu’il s’agit plutôt de ses propres
préoccupations, de son anxiété, de sa déception,
plutôt que de celles de son enfant.
Lors de la deuxième ou de la troisième rencontre, je prévois
un tête à tête avec l’élève. Et
là les problèmes prennent une autre tournure : souvent,
le jeune se montre bien plus conscient de la situation que ses parents.
Et si cela ne cache pas de problème plus grave que celui du redoublement,
la famille abandonne tout naturellement l’idée de changer
d’école.
J’ai remarqué que, lorsque le mouvement s’enclenche,
souvent l’élève en question ne fait qu’une brève
étape et poursuit son vagabondage d’un établissement
à l’autre avant d’arriver à l’examen final
de troisième année.
Nello Notari
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