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Au
royaume de la BD
Au seul appel des noms de Hergé, E.P. Jacobs,
Peyo, Franquin ou Morris, surgissent Tintin et Milou, Blake et Mortimer,
les Schtroumpfs, Gaston Lagaffe, Lucky Luke... Avec leurs très
nombreux confrères installés en Wallonie et à Bruxelles,
ils ont provoqué une véritable révolution culturelle,
donnant à la BD ses lettres de noblesse et lui assurant un succès
populaire sans précédent en Europe.
La définition d’une bande dessinée est simple : c’est
une suite d’images formant récit dont le scénario
est intégré aux images. Pas question donc, ici, de parler
d’histoires illustrées où le texte explicatif est
sous les cases, ni du dessin d’humour tel que les gags en une image
proposés dans certains magazines, ni du dessin de presse, ces redoutables
éditoriaux dessinés, ni d’illustrations de récits
ou romans, aussi réussies soient-elles !
La relation qui relie le lecteur à la bande dessinée est
une relation très étroite, intime. Une bande dessinée
ne livre finalement que peu d’éléments pour comprendre
le récit. Rien que des images fixes et, éventuellement,
des petits bouts de texte. Pas de voix, pas de son, pas de mouvement véritable,
pas de chaleur ni d’odeur. Tout cela, c’est l’imaginaire
du lecteur qui va le construire. Et chacun d’entre eux va construire
son propre univers. Tous les grands auteurs dont l’œuvre a
été adaptée en dessin animé ou au cinéma
(Tintin, Astérix, les Schtroumpfs, Lucky Luke…) ont entendu
de jeunes lecteurs leur dire qu’à la télévision,
leur héros n’avait pas la même voix que dans les bandes
dessinées. C’est donc le talent des dessinateurs qui permet
au lecteur de créer dans son esprit tous les éléments
qu’il n’a fait que suggérer. Et quand c’est réussi,
le lecteur devient d’autant plus attaché à l’univers
de ses héros… que c’est en partie le sien. À
lui et rien qu’à lui.
Un langage culturel original
La bande dessinée moderne est diverse, multiple.
Devenue un mode d’expression artistique adulte, elle ne connaît
plus beaucoup d’autres limites de genre que ceux qui lui sont imposés
par son format. Elle peut être fantaisie, pleine de rêve et
d’humour. Elle peut être policière, de science-fiction
ou d’aventure. Elle peut être à caractère historique.
Combien de générations de lecteurs n’ont-ils pas découvert
l’Histoire dans les magazines de BD ? La BD peut être un voyage,
la découverte de mondes inconnus. Elle peut aller à la rencontre
des autres. Elle peut encore être un cri, une émotion. Aujourd’hui,
la palette de moyens mis à la disposition des auteurs permet toutes
les aventures artistiques. Reste, bien sûr, à trouver des
lecteurs. La bande dessinée peut aussi être un simple moyen
de communiquer une information publicitaire, assurer la promotion d’une
entreprise ou d’une technique. Le langage de la bande dessinée
est universel. Seule la manière de la consommer est différente
d’une culture à l’autre.
La bande dessinée est le reflet de la société dans
laquelle elle se développe. Elle véhicule ses idées,
ses croyances. Ainsi, on ne sera pas étonné d’apprendre
que tous les super-héros américains (Superman, Batman, etc.)
sont nés dans les années ’30, pendant la grande Crise.
Les Américains se cherchaient des sauveurs. C’est la bande
dessinée qui les a fournis. Et ce n’est pas vrai qu’aux
États-Unis… Lorsque, le 10 janvier 1929, Hergé inaugura
les aventures de Tintin dans un petit journal bruxellois catholique et
réactionnaire,
Le XXe Siècle, dont le propriétaire rêvait d’expliquer
à ses lecteurs tout le mal qu’il fallait penser des communistes
et tous les bienfaits de la colonisation en Afrique, il ne se doutait
pas qu’il donnait l’impulsion décisive à l’essor
de la BD européenne. Il en fixa les normes de qualité et
trois quarts de siècle plus tard, elles font toujours référence.
Jean Auquier
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