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Lettre
à L'école valdôtaine
Chère École,
Nous nous connaissons depuis très longtemps, on peut dire…
depuis le siècle dernier ! Je me souviens, lorsque je t'ai connue,
tu étais petite mais tu avais déjà un caractère
fort, tu étais intéressante, riche en documentation et en
suggestions, et souvent - même très souvent - tu m'as fourni
du matériel extrêmement utile et passionnant, dont je me
suis servi pour mes activités.
Puis, tout à coup, tu as disparu et pendant une longue période
je n'ai plus eu de tes nouvelles, on ne parlait plus de toi, personne
ne savait dire où tu t'étais cachée…
Et voilà qu'un jour tu es revenue à nous, plus grande, plus
jolie, tout à fait changée. Quel changement ! On avait de
la peine à te reconnaître ! Mais c'est normal : le temps
a passé, les changements sont à l'ordre du jour dans tous
les domaines. Nous avons tous changé quelque chose dans notre façon
de vivre, de penser, d'œuvrer, de nous pencher sur les problèmes.
Et aussi l'école - l'école vraie, vivante, celle des élèves,
des instituteurs et des institutrices, l'école de tous les jours,
présente partout, dans la ville, dans les villages, dans les hameaux
de montagne - est en train de changer, visant à se transformer
en une sorte de chantier ouvert en permanence. Les changements ne se font
pas d'un jour à l'autre, il faut du temps. À l'école,
ils ont commencé après la grande vague " libertaire
" de 1968, souvent comme réaction individuelle - et point
évaluée - à la situation existante. Je me souviens
encore de certains jeunes enseignants un peu dépourvus qui, au
mépris des règles du moment, s'amusaient à remplir
les bulletins scolaires de l'époque avec les mêmes notes
pour tous les élèves, naturellement elles étaient
très bonnes, à la grande satisfaction des parents…
Mais le vrai changement, le plus évident du point de vue structurel,
mais pas seulement, a été marqué par les " Decreti
delegati " de 1973-74, qui se sont révélés comme
une réelle révolution dans l'école. Aujourd'hui on
n'en parle presque plus, mais ils ont représenté - et ils
représentent encore - le point de départ de tous les changements
qui se sont succédés : l'accueil généralisé
dans les classes des enfants handicapés (maintenant appelés
" diversamente abili "), l’introduction des enseignants
" de soutien ", la suppression des bulletins scolaires traditionnels
et l'introduction de nouvelles modalités pour évaluer l'activité
et les capacités des élèves, l'organisation "
modulaire ", l'introduction des collaborateurs didactiques et disciplinaires,
l'encouragement à des parcours didactiques liés à
l'expérimentation, pour ne citer que les changements les plus évidents.
Tout a changé, tout change. C'est normal.
Mais tout ce qu'il y avait autrefois, est-il maintenant à refuser,
à oublier, à rejeter ?
Plus qu'à l'organisation structurelle, je me réfère
à la didactique. Les changements l'ont concernée sûrement
elle aussi, mais rien, vraiment rien n'est resté d’avant
? Ne peut-on rien récupérer ? Faut-il croire que le patrimoine
didactique existant jadis - un véritable patrimoine enrichissant
l'école - est irrémédiablement perdu ?
Ces questions m'inquiètent.
Et c'est pour cela, ma chère École, que je m'adresse à
toi, en espérant trouver une réponse exhaustive.
Bien amicalement.
Erich Avondet
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