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Une
revue pour l'école valdôtaine
Un rappel du chemin parcouru
par notre revue depuis sa naissance jusqu’à nos jours où
elle couvre maintenant tous les niveaux de l’école valdôtaine,
de la maternelle à l’université.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en Vallée
d’Aoste, la nécessité de retrouver une identité
propre, celle construite tout au long des siècles et que les vingt
ans de fascisme ont essayé de gommer, est vivement ressentie. C’est
avec l’intention de cultiver le sentiment d’appartenance de
la communauté valdôtaine que l’administration régionale
de la Vallée d’Aoste a décidé la création
d’un bulletin « à l’usage des maîtres
d’école de la Vallée », au nom évocateur
: L’école valdôtaine.
L’Assesseur régional à l’Instruction publique,
Aimé Berthet, prend en main personnellement la publication destinée
aux instituteurs de l’école élémentaire, en
rédigeant lui-même, à chaque fois, la première
page, et en confiant à un expert de langue française le
choix de sélectionner des « morceaux choisis » de grammaire,
de syntaxe et d’histoire valdôtaine, afin que les enfants
apprennent à nouveau la langue française et les caractéristiques
spécifiques de la culture valdôtaine.
Dès la présentation du premier numéro, en 1949, A.
Berthet annonce son désir de faire de la revue un instrument utile
aux maîtres, pour l’enseignement de la langue française
; il déclare : « Ce bulletin qui n’est ni un cours
ni une méthode, n’a comme ambition que celle d’être
un outil complémentaire entre les mains des instituteurs pour l’enseignement
de notre langue maternelle. Ils y trouveront, à côté
des notions fondamentales de grammaire synthétisées, d’utiles
suggestions qui leur permettront d’orienter leur enseignement d’une
manière plus rationnelle. »
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L'école valdôtaine,
juin-juillet 1954, n° 30-31 |
La sortie du bulletin est accueillie avec intérêt
par les institutrices et les instituteurs qui en mesurent l’utilité
: les textes de lecture et les poésies, entièrement rédigés
en français, sont choisis pour parler à l’imagination
de tous les enfants valdôtains, ceux de la ville comme ceux de la
campagne.
« Je demande donc aux instituteurs et aux institutrices qui,
ayant compris dans quel esprit l’Administration Régionale
entend l’enseignement primaire – c’est-à-dire,
afin d’éviter tout équivoque ou malentendu : un élargissement
de l’horizon intellectuel de nos enfants – de vouloir bien
me faire parvenir toutes les suggestions qu’ils jugeront nécessaires.
C’est à l’artisan de juger d’un outil. C’est
à l’instituteur qu’il appartient de dire si telle revue
est plus adéquate qu’une autre. Je sais fort bien –
et je l’ai déjà répété –
que ce bulletin n’est en somme, qu’une espèce d’aide-mémoire
pour le maître qui enseigne notre langue maternelle. »
(A. Berthet, n° 7, mai 1951)
Tout au long des pages, il s’agit de fournir aux maîtres des
instruments pour faciliter l’enseignement de la langue française
et celle de la culture spécifique de la Vallée d’Aoste,
et de stimuler leur participation active à l’initiative.
La sortie de chaque numéro est l’occasion de solliciter des
suggestions pour améliorer le service rendu. L’opinion, mais
aussi la collaboration des instituteurs valdôtains sont demandées.
Pourtant, au vu de la réalité, malgré l’engagement
de l’administration régionale, les lacunes en français
chez certains élèves persistent. En 1952, A. Berthet s’en
plaint :
« […] je me répète : mais les sondages ont
révélé que des élèves fréquentant
les écoles de la Vallée ignorent les mots les plus élémentaires
de notre langue maternelle, […]. » (n° 13-14)
L'école
valdôtaine, octobre - novembre - décembre 1966,
n° 125 |
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La revue fait peau neuve
En fait, la revue que nous feuilletons aujourd’hui
est plus proche de celle définie en 1960 par Corrado Gex. Cette
année-là, quand il remplace A. Berthet, qui a terminé
son mandat à l’Assessorat régional à l’Instruction
publique, C. Gex donne un nouveau souffle à la revue. Dans les
premières pages intitulées « Entre nous… »,
du n° 94-95, il donne à lire : « Ce n’est par
pour le goût d’innover à tout prix que j’ai voulu
apporter de profonds changements à la rédaction de L’école
valdôtaine. Cette revue a été éditée
jusqu’à présent entièrement par les soins de
l’Assessorat à l’Instruction Publique qui seul, pratiquement,
choisissait les textes à publier. Ainsi elle était conçue
comme une aide que l’Assessorat fournissait aux instituteurs pour
l’enseignement de la langue française.
Ce but essentiel demeure encore à présent, mais un autre
s’y ajoute. L’école valdôtaine en effet est ouverte
dès ce premier numéro à la collaboration de tous
les instituteurs valdôtains ; ce qui fait qu’elle peut devenir
en même temps l’expression du corps enseignant, et un terrain
d’essai et de recherche en ce qui concerne les méthodes d’enseignement
du français et l’étude du milieu régional dans
ses différents aspects (historique, pédagogique, scientifique
et autres).
Je ne me cache pas les difficultés qu’une telle innovation
fait naître surtout sur le plan de l’organisation et de la
coordination du travail. Pour faciliter la tâche, j’ai nommé
un comité de rédaction permanent (susceptible naturellement
d’être modifié dans ses membres) qui s’est divisé
le travail selon des critères d’intérêt et de
compétence.
D’autres difficultés surgiront du fait qu’on ne s’improvise
pas rédacteur ou collaborateur d’une revue, d’autant
plus qu’il s’agit de travailler dans ce domaine tout particulier
qui est notre école avec ses problèmes d’autonomie
et de bilinguisme. Aussi faut-il ajouter (et je crois qu’aucun collaborateur
ne se vexera), que la revue ne manquera pas de ces tournures étranges
qui font crier au scandale les puristes de langue.
L’effort pour les réduire devra être constant. Par
contre, il faudra de la part du lecteur un peu de compréhension.
Il faudra qu’il pense, chaque fois qu’il la feuillette, que
pèse encore sur le corps enseignant valdotain l’héritage
passif du fascisme et que si les résultats ne sont pas tels qu’on
le voudrait, la bonne volonté et l’effort considérable
n’ont pas manqué.
Mais à part ça, somme toute, je crois que l’expérience
d’une collaboration de la part de tous les instituteurs mérite
d’être tentée.
Toute difficulté d’organisation, tout défaut de forme
ou même parfois de substance, sont largement compensées,
à mon sens, par la valeur du travail collectif.
J’espère avant tout que les maîtres d’école
valdotains trouveront dans la collaboration à cette revue un moyen
de cohésion, car l’effort commun engendre toujours l’esprit
d’équipe et le sens d’une existence individualisée.
C’est ce qui manque encore beaucoup aux instituteurs valdotains
qui forment pourtant et qui doivent former toujours plus une famille bien
caractérisée.
Je crois aussi que la participation active des enseignants à la
formation de L’école valdôtaine les conduira par ce
fait même à leur plus haut degré de préparation
et renforcera toujours par ce fait même leur enthousiasme d’éducateurs.
Je suis sûr enfin que si d’une part leur collaboration dévoilera
parfois leurs faiblesses permettant d’ailleurs aussi de les réduire,
elle ne manquera pas de l’autre, de mettre en lumière leur
grandeur qui est celle de contribuer par un apport positif et tangible
ainsi que par une volonté démontrée et un engagement
sans réserve à la renaissance de notre école et de
la Vallée d’Aoste. »
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L'école valdôtaine,
nouvelle série septembre 1988, n° 0 |
Pour C. Gex, la revue se propose donc d’être
l’expression de la pensée des instituteurs et des institutrices
valdôtains, d’être un terrain d’essai et de recherche
dans le domaine des méthodes d’enseignement du français
et dans l’étude du territoire valdôtain, dans ses aspects
historique, ethnique, pédagogique, scientifique…
En 1963, Giovanni Battista Frasca, nommé directeur du bulletin
par l’Assesseur Mario Andrione, introduit le n° 114-115 avec
la phrase suivante pour interpeller les enseignants : « Comme
toujours, tous les instituteurs sont priés de faire connaître
leur avis, leurs considérations personnelles et leurs suggestions,
afin que la revue, ouverte à tous, en permettant à toutes
les voix de l’école valdôtaine de se faire entendre,
en soit réellement son expression, authentique et sincère
et puisse s’imposer cette année encore, et à l’avenir,
comme un instrument utile à tous les instituteurs dans leur tâche
quotidienne, notamment dans l’enseignement de la langue française.
»
Sous la direction de G.B. Frasca, jusqu’en 1967, la participation
active des instituteurs augmente et se diversifie. Ils proposent des articles
de réflexion et des récits de leurs activités en
classe. La revue s’affirme comme un véritable instrument
pédagogique. Progressivement, son champ d’intervention s’élargit,
ne se limitant plus au seul enseignement de la langue française
et à son usage dans certaines matières non linguistiques
; un espace plus grand est consacré à la méthodologie,
aux problèmes de l’éducation des écoliers,
à la formation de leur personnalité et aux théories
didactiques. Mais, au fil des années, la revue s’essouffle
et ne sort plus régulièrement (pas de parution en 1965).
Le numéro de mars-avril 1967 paraît sous une forme réduite
et commence alors une longue période de silence que n’ont
même pas interrompu les événements de 1968 qui ont
pourtant ébranlé la société en général
et l’école en particulier. Il est à noter toutefois
la tentative de 1972, lorsqu’un unique numéro est imprimé
grâce à l’impulsion d’un groupe de jeunes enseignants
dynamiques.
L'école
valdôtaine, mai 1999, n° 44 |
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La nouvelle série
Il faut attendre le mois de septembre 1988 quand, sollicité
par Jean Pezzoli, à l’époque président de l’IRRSAE,
le gouvernement régional reprend la publication de la revue et
l’intitule :
« L’école valdôtaine, nouvelle série –
cahier pédagogique pour l’école élémentaire
». La reprise de la publication coïncide avec la volonté
de faire connaître la Délibération du gouvernement
régional n° 1295 du 12 février 1988, concernant les
Adaptations des programmes d’enseignement de l’école
primaire (d.P.R. 104 02/1985) aux exigences socioculturelles et linguistiques
de la Vallée d’Aoste, en application des articles 39 et 40
du Statut Spécial.
À partir de là, la revue diffuse les innovations et leurs
adaptations à la réalité valdôtaine, et propose
de devenir un instrument d’information, de formation et de travail
pour les enseignants de l’école primaire.
Au fil des années, elle continue à s’ouvrir aux autres
degrés de l’école. En effet, quand on commence à
aborder le thème de la continuité, il n’est plus question
de se limiter à l’école obligatoire, la maternelle
est aussi concernée : il en est déjà question à
partir du n° 15 de 1992. Puis, c’est durant l’année
scolaire 1992-1993, que la collaboration englobe l’école
moyenne, à l’occasion de la présentation d’expériences
significatives destinées à faire le point sur l’expérimentation
bilingue en cours.
Après neuf ans d’activité et la publication de 34
numéros ordinaires de la « nouvelle série »,
ainsi que des numéros spéciaux appelés « Outils
», « Cahiers », « Hors série » ou
encore « Suppléments », en 1997 le gouvernement régional
décide de nouvelles dispositions pour faciliter et pour encourager
l’application des articles 39, 40 et 40 bis du Statut Spécial
à tous les niveaux de l’école valdôtaine et
permettre à la revue de mieux répondre aux besoins.
Avec le numéro 39 du mois de mars 1998, la revue touche le secondaire
du deuxième degré puis, c’est l’université
qui y fait son entrée, notamment, quand il est question des cours
universitaires destinés aux futurs enseignants ou à ceux
qui sont en formation continue.
Geneviève Crippa
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