Même si son histoire est relativement courte, puisque sa création ne remonte qu'à 1963, le Parc National de la Vanoise est le premier des parcs nationaux français. Situé dans le département de la Savoie, entre les hautes vallées de la Maurienne et de la Tarentaise, sa zone centrale, où nul ne réside, couvre une superficie de près de 53000 hectares. Il faut y ajouter plus de 143000 hectares de zone périphérique, habitée par plus de 30000 personnes réparties dans 28 communes. Ce parc confine au territoire italien puisque la frontière longe le Parc national du Grand-Paradis sur 14 km, dans la vallèe de l'Orco et, partiellement, dans le val de Rhêmes, fait important puisque les deux parcs ainsi placés forment un territoire protégé d'une étendue tout a fait considérable.
Tout comme pour le Parc du Grand-Paradis, c'est le bouquetin qui a joué un rôle essentiel dans l'instauration de la zone protégée de la Vanoise. Si l'espèce, bien que réduite a un nombre d'exemplaires fort exigu, n'a jamais complètement disparu sur le versant italien, c'est en revanche de son extinction totale sur le territoire français qu'est né le mouvement qui a porté à la création du parc. Aujourd'hui, les prairies de la Vanoise sont le domaine de près de 1200 bouquetins et certains exemplaires ont pu être transférés dans d'autres zones de protectìon alpines, ce qui porte a environ 3500 têtes le nombre d'individus du cheptel français.
LE TERRITOIRE
Le Parc National de la Vanoise s'étend sur une variété de milieux naturels puisque l'on y trouve aussi bien des zones caractéristiques du climat méditerranéen que des environnements décidément glaciaires, et que l'on y rencontre des sommets qui dépassent les 3000 mètres (la cime la plus haute est la Pointe de Grande Casse, qui culmine a 3855 m) comme des prairies alpines, des lacs et des bois. Du point de vue géologique, c'est une région très complexe, où voisinent les calcaires, les gneiss, les grès et les schistes. Cette diversité entraîne une grande variété des sols, et par conséquent une flore particulièrernent riche. Le Parc National de la Vanoise est entièrement situé en territoire de haute montagne. C'est pourquoi l'essentiel des étages supérieurs y est représenté : l'étage subalpin, avec ses épicéas, mélèzes, pins a crochet et arolles, mais surtout l'étage alpin et ses prairies alpines, et enfin l'étage nival.
Parmi les espèces végétales les plus intéressantes, rappelons l'ancolie des Alpes, les diverses variétés d'androsaces, de primevères et de saxifrages. C'est en outre le seul endroit de France où l'on puisse observer la très rare linnée boreale. La faune du parc, quant à elle, ne se limite pas au seul bouquetin et toutes les principales espèces typiques de la faune alpine y sont bien représentées. On estime à l'heure actuelle que le nombre des chamois approche les 4700 têtes et que 16 couples d'aigle royal se partagent le territoire. On y trouve également le lièvre variable, l'hermine et le lagopède des Alpes, ainsi qu'une espèce rare comme le hibou grand-duc. A la limite des étages alpin et subalpin, on peut observer le tétras-lyre et, dans les bois, la chouette de Tengmalm, le pie noir et le pie tridactyle. C'est dans ce cadre que s'insère l'homme, présent dans cette région depuis toujours avec ses activités d'élevage. Les alpages y sont nombreux mais certains sont à l'abandon. Aujourd'hui, l'un des grands espoirs du parc repose sur la revitalisation et l'incitation à la reprise de ces activités traditionnelles, indissociablement liées à la nature au milieu de laquelle elles se développent.
LES ACTIVITÉS
Le parc ne se limite pas à la protection de l'équilibre environnemental, de la biodiversité et des caractéristiques du paysage. Il constitue également une source de stimulation pour la promotion d'activités de recherche scientifique sur les différents aspects de l'environnement ainsi protégé. Le parc dispose d'un comité scientifique qui joue le rôle d'intermédiaire entre l'organisme et les chercheurs. C'est lui essentiellement qui commande et finance, du moins partiellement, des recherches appliquées à la gestion du territoire. Les résultats de ces études sont publiés périodiquement. Certaines publications sont en revanche destinées à des lecteurs moins spécialisés : différents cahiers techniques ont été réalisés à ce jour, qui s'adressent à des personnes ayant un certain niveau de compétence et de spécialisation et qui traitent de questions telles que la gestion des lacs, le tétras-lyre, la flore de la Savoie, les constructions traditionnelles ou les relations entre sports de la nature et environnement. A l'adresse du grand public, le Parc prépare des fiches thématiques sur les animaux, les végétaux et le patrimoine bâti. Plusieurs vidéocassettes et des cartes touristiques, ainsi que deux livres, " Flore de Vanoise " et "Altitudes de Vanoise", ont également vu le jour. Contrairement au Parc du Grand-Paradis, le Parc de la Vanoise ne s'est pas encore doté de centres d'accueil, mais il est prévu que deux de ceux-ci ouvrent leurs portes, a Pralognan et a Termignon et proposent aux visiteurs des expositions permanentes, sur les thèmes de la geologie et de l'alpinisme, à Pralognan et sur celui des alpages et de l'interaction entre agriculture et protection de la nature à Termignon.
Jusqu'à présent, pour communiquer avec le public, le parc s'est appuyé sur les offices de tourisme (il y en a 15 en tout) auprès desquels une hôtesse du parc fournit aux intéressés toutes les informations nécessaires. La présence des visiteurs se concentre essentiellement sur la belle saison. En effet, même si toute la région connaît un afflux de touristes considérable en hiver, il ne s'agit généralement pas là de personnes intéressées au parc mais bien davantage de la clientèle des stations de ski. En ce moment, une ébauche de collaboration entre Parc et écoles de ski est en train de se dessiner. Parmi les activités possibles, il y aurait par exemple la découverte de la nature en hiver, en compagnie d'un guide et avec des raquettes, le long d'un sentier enneigé ne présentant pas de difficultés.
Pendant la belle saison, les sentiers sont bien entretenus et balisés. Toutefois, en ce qui concerne la zone centrale du parc, tant les interventions d'entretien des sentiers que la signalisation ont toujours été délibérément réduites au minimum et l'on a évité d'y placer les panneaux d'information et autres tableaux de présentation, contrairement aux choix qui ont été faits pour la zone périphérique, où l'on a d'ailleurs mis en place un sentier facile pour les non-voyants.
LE PARC EN TANT QUE RESSOURCE : ÉCONOMIQUE
Le Parc emploie 52 personnes à plein temps. Il faut ajouter à ce nombre les hôtesses, qui travaillent dans les offices de tourisme durant la belle saison, cinq surveillants pour les refuges et une dizaine de collaborateurs temporaires. Outre les dépenses directes que constituent les salaires, le budget du parc prévoit également des financements destinés à des entreprises locales, au titre d'activités telles que l'entretien des sentiers. Les accompagnateurs de la nature sont nombreux et le travail qu'ils fournissent, durant la belle saison, correspond approximativement à 20 emplois à plein temps. Zones périphérique et centrale confondues, les refuges sont au nombre de 53, dont 18 appartiennent au Parc, 13 au Club Alpin Frangais, et 22 à des particuliers. Gardés pendant l'été et le printemps, à l'intention des amateurs de ski-alpinisme, certains d'entre eux sont également ouverts a d'autres moments de l'année. En dehors du gérant, ce sont en moyenne 4 personnes qui travaillent dans chaque refuge durant l'été. Enfin il ne faut pas oublier les activités liées a la restauration et destinées aux nombreux visiteurs : buvettes, restaurants, vente de produits typiques, etc. Il résulte d'une étude recente, effectuée dans le Parc national des Ecrins - dont la situation géographique est moins touristique que celle de la Vanoise, bien que son territoire soit plus étendu qu'environ 150 emplois y ont été créés. Une enquête du même type est actuellement en cours dans le Parc de
la Vanoise, dans le but de dégager une estimation des résultats induits, qui devrait aboutir à un nombre similaire.
DEUX PARCS SANS FRONTIÈRES
Pepuis 1972, le Pare de la Vanoise et celui du Grand-Paradis sont jumelés. SÌ ce jumelagt n'a pendant longtemps existé que sur le papier, les choses ont néanrnoins subì ur< brusque accélération depuis quelques années et l'on peut aujourd'hui dire que les rapport entre les deux parcs sont placés sous le signe de la collaboration et de l'amine. Leur première activité commune a consistè en la publication d'une carte topographique i l'ensemble des deux domaines protégés, " Deux parcs sans frontières ". Deux expositions oc ensuite été réalisées sur le thème de l'espace commun Vanoise-Grand-Paradis, l'unei l'Hospice du Petit-Saint-Bernard, et l'autre au col de Montgenèvre. Enfin, n'oublions pas li page comrnune des journaux d'été E...state con noi, pour le Grand-Paradis et L'estive, pouria Vanoise.
Une "charte de voisinage" a récemrnent été élaborée, dans l'intention de donner a ìa collaboration entre les deux parcs une empreinte plus structurée et d'en garantir la continuile, Le document, déjà ratifié par le Pare de la Vanoise, est en cours d'approbation par le Pare du Grand-Paradis.
Le préambule du texte rappelle les liens historiques, naturels et hurnains qui unissent les deux massifs, la dimension internationale qu'ils ont acquise, en particulier pour ce qui est de la protection des bouquetins, et l'objectif que représente la création d'un grand pare européen. Puis, les signataires souscrivent un engagement, dans lequel ils affirment leur volente de construire un espace protégé exemplaire en Europe, leur adhésion aux principes communs en matìère de politique de protection de l'environnement tels que les définit le droit international, et enfin leur volente de partager avec les collectivités locales l'ambition de promouvoir et de protéger cet ensemble alpin que constituent la Vanoise et le Grand-Paradis. C'est dans cette optique que trois grands objectifs sont définis :
Rapprocher les hommes et les institutions : en rapprochant les organismes de gestion des parcs, en encourageant la mobilité de leurs agents, en favorisant les échanges entre les écoles de leur périphérie, en prenant des initiatìves a l'intention des collectivités locales des deux parcs et des groupes socioprofessionnels.
Rapprocher les techniques de gestion : en instituant un college scientifique commun aux deux parcs, en coordonnant la communication scientifique, en particulier lors d'opérations de réintroduction et de séminaires intemationaux, pour répondre ensemble a des appels d'offres et pour formuler ensemble des besoins de recherches a l'échelle européenne. Promouvoir un tourisme vert de qualité : chaque centre d'accueil et pohit d'information doit pouvoir renseigner les visiteurs sur les aspects de l'un ou l'autre pare. Une Information particulière sur les questions réglementaires sera élaborée et déclinée sous diverses formes, y compris un " code de borine conduite " commun et bilingue. Les deux parcs approuvent le principe d'une mise a l'étude d'un schèma directeur commun des infrastructures d'accueil. Pour assurer le suivi de la réalisation de la charte, un comité de pilotage est mis en piace, qui se réunira au moins une fois par an.
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INTERVIEW DE Mr. EMMANUEL DE GUILLEBON Directeur du Parc National de la Vanoise
- Vous étes le directeur d'un grand et important territoire protégé. Qu'entendez-vous par protection de la nature et comment cette conception est elle mise en oeuvre en Vanoise?
Les textes sur les parcs nationaux en France classent en parc national un temtoire qui presente un intérêt particulier en matière de faune, de flore, de sol, de sous-sol, d'atmosphère, d'eau, de paysage, et qu'il faut soustraire à tout effet de dégradation et à toute intervention artificielle susceptible d'en altérer l'aspect, la cornposition et l'évolution. Il est évident qu'ìl existe des évolutìons naturelles auxquelles on ne peut pas échapper. Par contre, dans un espace de montagne comme celui-là, il est certain que des interventions humaines brutales et massives qui désorganisent le milieu naturel ont pu être pratiquées. Le parc jouxte le plus grand domaine skiable d'Europe : quand on évoque la Tarentaise on évoque Val d'Isère, Tignes, Les Arcs, La Plagne, Courchevel, on pense à un type d'aménagement de la montagne qui est vraiment très différent du parc qui, lui, a pour objectif de conserver le patrimoine naturel et la biodiversité en évitant des évolutions liées à l'homme, trop fortes. Donc protéger la nature sur ce territoire-là signifie pour moi rnaintenir un espace où l'on évite des options d'aménagement et d'équipement pour préserver la biodiversité et le fruit du travail de la nature mais aussi de la société locale, puisqu'on est ici dans un domaine de montagne qui a été habité et travaillé : l'aspect agricole traditionnel fait aussi partie du milieu naturel.
Le parc dispose d'un plan de gestion qui est en cours de rédaction (je pense qu'à la fin de l'année il sera termine) où le parc s'est fixé un certain nombre d'objectifs. L'objectif de base est de maintenir l'équilibre des paysages et de la biodiversité d'une haute montagne ouverte. La Vanoise est responsable de la biodiversité au niveau du parc en tant que tel et a aussi une responsabilité au niveau de l'arc alpin : si telle plante ou tel animal présent en Vanoise disparaissait, c'est l'ensemble de l'arc alpin et de la planète qui y perdrait. On a un bon exemple de cette responsabilité avec le bouquetin : ce qu'on a fait avec le Grand-Paradis, et le Grand-Paradis avant nous, a sauvé le bouquetin en Europe. Pour ce qui concerne la biodiversité, on a choisi 4 animaux fondamentaux sur lesquels concentrer nos efforts : le bouquetin, le gypaète, le lièvre variable, le lagopède. Quant à la flore on a retenu 42 espèces clef, qui seront suivies presque pied à pied. Pour ce qui conceme le paysage, je pense que l'agriculture fait partie du patrimoine de la Vanoise ; les agriculteurs, ici, jusqu'à ces dernières années, avaient développé des techniques agricoles qui étaient tout a fait adaptées au milieu, en grande harmonie avec lui. Dans le parc on essaye de promouvoir cette agricolture et ces productions traditionnelles. Nous avons aussi, dans le parc de la Vanoise, beaucoup de bâtiments anciens qui étaient liés à l'agriculture mais qui ne sont plus utilisés. La question qui se pose est comment maintenir ce patrimoine, comment aider le propriétaire a rénover dans le respect de ce caractère patrimonial.
- Plusieurs parcs nationaux ont un problème d'excès de visiteurs, surtout sur quelques parties du territorie. Qu'est-ce qui se passe en Vanoise à ce propos?
Le public est pour nous très important : c'est le public qui fait du lobbying sur les parcs, c'est surtout en connaissant la Vanoise qu'on peut l'aimer et la soutenir.
L'an dernier nous avons fait un compte general des visiteurs qui a été à la fois intéressant et décevant : intéressant parce qu'il a été mené d'une façon très scientifique, en liaison avec les autres Parcs nationaux de France, décevant parce qu'on a eu moins de monde que l'on pensait fa peu près 400.000 visiteurs à pied, quand on avait dans la tête un chiffre de l'ordre de 800/900.000). Actuellement le public qui nous visite ne fait pas trop de dégât ni à la faune ni à la flore : il a bien integré les principes de la réglementation du parc et apprécie les informations qu'on lui donne sous forme de brochures et d'autres documents que l'on met a disposition. Le gardes n'observent que très peu de cueillette de fleurs, et très peu de dépôts d'ordure. Par contre on note trois incidences assez fortes de cette importante fréquentation :
- l'érosion des sentiers. Si le sentier est mauvais, les a gens passent à côté et créent des cheminements parallèles. La réponse est de bien entretenir les sentiers. En plus le parc met au point un document carthographique sur lequel sont reportés seulement les itinéraires du parc qui sont entretenus et balisés dans l'espoir que les gens restent sur ces parcours ;
- la chasse photographique. Le parc fait jusqu'à présent beaucoup d'information sur le dérangement des animaux et réfléchit actuellement à la mise en place d'une mesure réglementaire d'interdiction de sortie des sentiers dans une zone a côté de Val d'Isère, pour protéger le bouquetin, qui est le plus sensible a ces problèmes de dérangement; et lui maintenir une certame quiétude;
- les sportifs. Si les catégories précédentes viennent pour voir le parc, et acceptent que dans le parc il y ait des contraintes, les sportifs viennent d'abord y pratiquer leur sport, et cela cause des problèmes de dérangement beaucoup plus difficiles à résoudre. Les sportifs qui nous causent des difficultés actuellement sont essentiellement les skieurs hors piste. Je n'ai pas de solution pour le moment, mais nous cherchons à rendre plus diffìcile la fréquentation des secteurs les plus sensibles.
- Souvent les parcs sont considérés comme une imposition et sont mal acceptés par les populations locales. Comment se posent les gens de la Vanoise et le parc à ce sujet?
Le Parc national a été imposé sur des territoires qui sont en partie privés et en partie communaux. Les Communes on compris et accepté le système, tandis que certains particuliers se sentent spoliés parce qu'ils doivent demander des autorisations pour èrre chez eux. La situation est delicate. Pour s'en sortir le parc agit sur deux registres différents, plus une action administrative.
L'action administrative c'est la présence au sein du conseil d'administration du parc de 10 représentants des collectivités et de 7 représentants d'activités locales : chasse, pêche, agriculture, commerce, protection de la nature, randonneurs, professionnels de la montagne. Cela fait 17 représentants locaux sur 40 administrateurs. Les deux registres sont d'une part une sorte de consultance, d'expertise naturaliste, une aide au développement dans le respect du milieu naturel : les gens acceptent les contraintes de la zone centrale du parc, et en zone périphérique le parc travaille avec eux pour un développement durable. D'autre part nous menons une action de pedagogie avec les scolaires : les contacts avec les écoles sont de plus en plus fréquents. Malgré tout, cela ne va pas toujours parfaitement bien, la Vanoise reste un parc présentant des contraintes, mais je crois que les contraintes sont beaucoup mieux acceptées quand elles sont clairement expliquées et bien comprises.