Kasimir Malévitch
L'aviateur
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Natalia Gontcharova
Le cicliste
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Pavel Filonov
Couleurs de la floraison universelle
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Aleksandra Ekster
Ville de nuit
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Vladimir Baronov-Rossine
Femme au broc
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Kazimir Malevic
Portrait d'Ivan Kljun
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Anton Pevsner
Absinthe. Nature morte
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Ljubov' Popova
Epicerie
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Ol'ga Rozanova
La forge
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Ljubov' Popova
Portrait de philosophe
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Ol'ga Rozanova
Le bureau
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Nadežda Udal'cova
Le restaurant
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L’exposition se veut la première ample rétrospective en Italie sur l’une des expériences artistiques parmi les plus importantes du XXe siècle. Deux cents œuvres exposées, proviennent des Musées russes et du Musée russe d’État de Saint-Pétersbourg notamment.
L’initiative, sous le haut patronage du Ministère des Biens et des Activités culturelles, est organisée par la Région autonome Vallée d’Aoste dans le cadre de sa programmation culturelle et artistique.
L’exposition, par les soins de Madame Evgenia Petrova, Directeur adjoint du Musée russe d’État de Saint-Pétersbourg, et du critique Alberto Fiz, permet de vérifier les différents aspects d’un mouvement qui, à l’inverse du Futurisme italien, n’a pas été suffisamment exploré – en Russie la première exposition consacrée à cette expérience date de 1999 – malgré son rôle déterminant au sein des avant-gardes européennes. Le Futurisme en Russie a démarré officiellement grâce à la littérature et, en particulier, par le poème de Vélimir Khlebnikov «La Conjuration par le rire » écrit entre 1908 et 1909, une œuvre très provocatrice que caractérisaient des formes poétiques non traditionnelles. Le premier Manifeste de programme, cependant, fut «Gifle au goût public », publié à Moscou en décembre 1912 : un document provocateur et iconoclaste où l’on exprimait le souhait de mettre un œuvre un renouveau radical. « L’Académie et Pouchkine sont plus compréhensibles que les hiéroglyphes » y était écrit. Et encore : « Jeter Pouchkine, Dostoïevski, Tolstoï etc, etc. de la Vapeur Modernité ». Le premier à avoir utilisé le terme de « futuriste » fut, le 24 février 1913, le poète Vladimir Maïakovski, à l’occasion d’un débat sur l’art contemporain, même si le néologisme slave de budetljany (les hommes de l’avenir), qu’introduit le poète Vélimir Khlebnikov, eut un succès bien plus grand. « Le futurisme n’est pas une école, c’est une nouvelle attitude », écrivit David Bourliouk, l’artiste qui, en 1911, figure parmi les fondateurs du Groupe de Gileja, d’où s’est inspiré officiellement le futurisme russe, une expérience qui se poursuivit, avec des résultats alternes, jusqu’en 1930, l’année de la mort de Maïakovski et de la fin de l’élan novateur.
Sur les mille mètres carrés du Musée sont exposés, jusqu’au 7 avril prochain, des peintures, des sculptures, des dessins, des livres et des gravures réalisés par les interprètes les plus importants du mouvement russe, parmi lesquels Kasimir Malévitch, Natalia Gontcharova, Mikhaïl Larionov, David Bourliouk, Ol’ga Rozanova, Vladimir Baranov-Rossine, Aleksandra Ekster, Ljubov’ Popova et Pavel Filonov.
« L’exposition veut représenter un chœur de voix – souligne Alberto Fiz - d’où ressort la complexité d’un mouvement doté d’une identité précise, en mesure de surmonter la notion traditionnelle de style, pour se projeter vers une nouvelle dimension de la recherche qui aura d’importantes répercussions tout au long du XXe siècle ».
L’expérience russe se distingue aussi bien de l’expérience italienne que de l’expérience française, vu la tentative d’allier la tradition nationale aux ferments novateurs.
Le parcours aménagé sur les deux étages du Musée est ouvert par Le Cheval-éclair de 1907, une œuvre de David Bourliouk, le fondateur du mouvement, qui exprime une synthèse entre la composante dynamique et celle naturaliste et mythologique, anticipant ainsi quelques aspects propres au futurisme, pour parvenir jusqu’à Composition avec violon, une peinture cubofuturiste réalisée en 1929 par Jurij Vasnecov, disciple de Malévitch.
« Les Futuristes russes définissaient eux-mêmes budetljany, gens de l’avenir – explique Evgenia Petrova – et plaidaient pour la destruction du vieil art « mangé par les mites ». À la différence des Futuristes italiens, qui étaient les partisans d’un nouveau monde basé sur la technologie, les Futuristes russes considéraient l’homme comme une partie de la terre et de la nature ».
Dans ce contexte, il sera possible d’admirer des chefs-d’œuvre tels Le Cycliste (1913) par Natalia Gontcharova, considéré comme un véritable archétype du Futurisme russe, par ses capacités de concilier le réalisme absolu avec la perception du bruit et du mouvement. Le cycliste roule vite sur la rue, le long des vitrines des magasins sans ne prêter aucune attention à la vie bourgeoise ; il se dirige quelque part, vers un autre endroit, vers le futur. Toujours de cette même artiste, il est proposé, pour la première fois en Italie, Nature morte avec jambon (1912), une œuvre fortement symbolique où la « chair » est vue, pour la première fois, dans sa double nature matérielle et spirituelle. En Italie, sont tout aussi inédits Restaurant (1915) par Nadežda Udal’cova où l’élément chaotique de l’existence est transféré dans l’espace du restaurant observé de l’extérieur à l’intérieur d’une composition où est évidente le leçon de Pablo Picasso, et Portrait de Philosophe (1915), l’une des œuvres cubistes parmi les plus significatives de Ljubov’ Popova, caractérisée par la décomposition des formes se conciliant avec l’élément dynamique. Dans cette œuvre les plans superposés du corps, de la tête et des objets ne permettent pas de distinguer l’homme, les choses et l’air. « Ce qui m’intéresse est la réflexion sur la présence, ou plutôt sur l’absence laquelle ne peut que conduire à la non-objectivité », écrivait justement Ljubov’ Popova cette année-là, à son retour en Italie.
Parmi les chefs-d’œuvre présentés, il y a lieu de signaler L’Aviateur de Kasimir Malévitch, où l’artiste utilise la peinture pour parvenir à une expression créative libre et autonome à la fois. Dans ce cas, le sujet inspire une digression sur la signification de l’art exempte de tout conditionnement, comme en témoigne le « croisement » entre la silhouette blanche du poisson et la figure de l’aviateur. « Je souhaite libérer l’art de la subordination directe de l’objet vers l’invention immédiate de l’activité créatrice », a écrit Malévitch, duquel on présente Portrait d’Ivan Kljun, présenté pour la première fois lors de l’Exposition de la Jeunesse, en 1913.
L’exposition permet, en outre, d’analyser, pour la première fois de manière approfondie, la figure de David Bourliouk, en parcourant son évolution artistique à travers une sélection approfondie des œuvres.
Le Portrait de Filippo Tommaso Marinetti exécuté par Nikolaï Kul’bin, en 1914, à l’occasion de son voyage en Russie est particulièrement significatif. La rencontre entre le fondateur du Futurisme italien et les artistes russes se transforma en un affrontement entre deux manières de concevoir l’histoire. D’un côte, le mythe du progrès et, de l’autre, le désir de concilier l’avant-garde et la tradition, comme ce fut le cas pour l’art russe. Bien que les œuvres de Giacomo Balla et d’Umberto Boccioni aient influencé profondément le nouveau cours de l’art russe, Mikhaïl Larionov propose d’accueillir Marinetti en lui « tirant des œufs pourris ».
Le néo-primitivisme de Mikhaïl Larionov, Natalia Gontcharova, David Bourliouk, Aleksandr Ševcenko cohabite avec la recherche spiritualiste de Pavel Filonov et avec le cubofuturisme de Kasimir Malévitch et de Ljubov’ Popova.
L’exposition est accompagnée d’une section consacrée aux arts appliqués avec des céramiques, des plats, des tapisseries et des objets d’ordinaire utilisation réalisés au début des années 1920.
Le catalogue de l’exposition, édité par Mazzotta en collaboration avec Palace Editions, contient des textes (en langue italienne et française) d’Elena Basner, Mary Clare Bourliouk Holt, Alberto Fiz, Ada Masoero, Evgenia Petrova, les fiches et les illustrations des œuvres exposées et les bio-bibliographies des artistes.
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