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Facile à trouver sur place et résistente au feu, la pierre est le matériau de construction prédominant dans l'architecture de la région.
VILLAGE DE PIERRE
par Claudine Remacle
Issime.Le village est le complément indispensable des terres aménagées par les hommes. A cause de son échelle contenue, à cause de sa cohérence fonctionnelle, l'architecture ancienne ponctue l'environnement jusque dans ses moindres recoins et elle confère à notre paysage une dimension profondément humaine. La maison est une clef de lecture pour qui pose son regard sur les pentes habitées. Plus que tout autre élément du paysage, elle témoigne de la vie. En effet, elle est composée, d'une part, d'un toit et de murs pleins en pierre qui l'accrochent à la terre et aux rochers. D'autre part, elle est percée de trous, de vides, en contraste avec les surfaces pleines: les portes, les fenêtres et les échancrures d'aération. Par conséquent, la maison rurale maçonnée suggère immédiatement à l'esprit le vécu des espaces intérieurs et extérieurs. En Vallée d'Aoste, au fil des siècles, l'emploi de ce matériau, omniprésent autour de nous, s'est peu à peu généralisé.
Pour bâtir, le montagnard a toujours utilisé de préférence ce qu'il avait à portée de main. Il coupait les arbres dans les forêts peu éloignées du village et se procurait ainsi du bois d'oeuvre. Il utilisait les pierres non gélives des clapey et des meurdzére, il taillait les blocs erratiques; si possible, il extrayait des moellons et des lauzes dans de petites carrières proches; il cuisait des pierres à chaux, s'il y avait des calcaires sur place, et remontait le sable des torrent pour lier et confectionner les mortiers. La construction d'un bâtiment demandait des efforts énormes pour preparer les matériaux et c'est le fondateur de la maison lui-même qui s'en chargait. Toute la famille au travail, aidée à l'occasion par les voisins. Cette période préparatoire pouvait durer plusieurs années. Les difficultés de transport des matières premières, très lourdes ou encombrante, ont conditionné 1'architecture de montagne à l'utilisation des ressources naturelles les plus proches et au recyclage.
Le bois et la pierre sont par essence même deux matériaux complémentaires. Le bois est léger, isolant, inflammable, formé de longues pièces flexibles. Au contraire, la pierre est lourde, ne résiste pas aux flexions, mais bien aux compressions; elle possède en outre une forte conductibilité thermique et elle ne brûle pas. Cette demière qualité lui a donné un prestige inégalable, à tel point que Fernand Braudel en 1979 a souligné 1'effet des grands incendies urbains sur la psychologie collective - Londres en 1666, Paris en 1718 - pour expliquer la transformation de l'habitat européen. En Vallée d'Aoste, le long des routes conduisant aux grands cols alpins, au Petit et au Grand-Saint-Bernard, là où sont passées trop fréquemment les armées, il n'y a plus de bâtiments en bois! Dans les villes et les villages qui ont été brûlés, les maisons de pierre ont joué le rôle de barrières protectrices contre la progression du feu.
La pierre s'est imposée peu à peu grâce à sa pérennité et à son prestige. En effet, m ême là où l'architecture de bois était prédominante, depuis des siècles, les maîtres d'ouvrage les plus puissants - seigneurs, châtelains, notables et les communautés elles-mêmes - mettaient en oeuvre la pierre pour les édifices symbolisant leur pouvoir: les tours, les châteaux, les églises,...
Kiry.Dans les villages valdôtains, la pierre est aujourd'hui omniprésente, mais jusqu'au XVIIIe siècle, le bois avait conservé une grande importance dans l'architecture des communes agro-pastorales des hautes là où les forêts étaient mieux vées: Champorcher, Cogne, Valsavarenche, Valtournenche, Ayas et Gressoney. Traditionnellement, le bois y était mis en oeuvre pour bâtir des édifices à fonctions céréalières, surélevés ou non sur des plots en forme de champs des aires de battage, des pour le séchage des gerbes et locaux de réserve des grains et du bois résolvait tous les problèmes de la conservation des denrées alimentaires sèches, des textiles (couvertures et vêtements) et des papiers de la maison.


A l'opposé, grâce à son inertie thermique, la voûte en pierre, la crota, a été mise en oeuvre partout pour la construction des caves où entreposer les tonneaux de vin, où faire monter la crème du lait, où faire mûrir le fromage et, à partir du XIX' siècle, où conserver les pommes de terre à l'abri du gel. Mais, naturellement, la pierre a surtout été employée pour les espaces où se trouvait le foyer de la maison, le feu ouvert et ses dangers.
Le rahcart d'Ayas, la grandze de VaItournenche, tout comme le souléi de Cogne sont construits en troncs plus ou moins équarris encastrés aux angles. Ils comprennent à l'intérieur des gerbiers et une aire de battage des céréales désormais à l'abandon. Ces bâtiments utilitaires en bois étaient logiquement les dépendances rurales d'une maison en pierre qui abritait le feu ouvert et qui, à Cogne, portait le nom évocateur de péira. En fait dans l'ensemble de la Vallée d'Aoste, à partir du XVIIIe et du XIXe siècle, les forêts ont été surexploitées pour les besoins de l'industrie métallurgique. La coupe des arbres, indispensables pour bâtir les raccards, a été réglementée à cause des exigences en charbon de bois nécessaires à la fonte des minerais. Par conséquent, le remplois de matériaux anciens est devenu de plus en plus fréquent, mais c'est surtout le modèle de maison lui-même qui a changé. De Gressoney à Courmayeur, une maison tout en pierre s'est généralisée peu à peu parmi la population rurale valdôtaine. Ce modèle neuf s'est diffusé à toutes les altitudes sous l'Ancien Régime. Il regroupait sous un seul grand toit, en lauzes, tous les espaces de vie et de réserves pour l'homme - agriculteur-éleveur - sa famille, son bétail: étable et cave en bas, logement au premier étage, réserves au second et sous le comble du toit. Certes, la transition entre l'emploi du bois et de la pierre a été lente. Si, pour l'adoption de la lauze, la peur du feu, stimulée au surplus par les compagnies d'assurance au XIX' siècle, a convaincu facilement les réticences, pour la construction des murs extérieurs, le passage d'un matériau à l'autre, du bois à la pierre, n'est pas encore terminé. La variété des évolutions locales enrichit aujourd'hui encore nos paysages et distingue nos communes de haute montagne les unes des autres.
 
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