MEGALIÒ décida donc d’écouter l’énigmatique VADOLITHUS. C’était vraiment un personnage insolite, mais il sentait qu’on pouvait lui faire confiance.
De son côté, VADOLITHUS lui expliqua l’origine de sa rancœur : des années plus tôt, une délégation de GrosRochersétait arrivée dans son pays par mer pour s’emparer des richesses minérales de la région ; c’est à cette occasion qu’il avait fait la connaissance de GROSSETÊTE.
« Ce jeune chef des GrosRochers, énergique et décidé, me fit immédiatement une excellente impression » raconta-t-il les yeux dans le vide. « Il m’était très sympathique et j’enviais un peu son énergie débordante. Il avait vraiment l’étoffe d’un grand chef… Alors que moi, qui était pourtant destinéà ce rôle, j’avais – et j’ai encore – un tempérament bien différent. Cela ne nous avait pourtant pas empêchés de lier connaissance et de nous entendre, jusqu’à ce que… ». VADOLITHUS se tut et son regard devint encore plus sombre.
« Jusqu’à ce qu’il ne pose ses yeux sur ma douce MASSALITA… MASSALITA… Mon aimée. GROSSETÊTE a d’abord voulu la séduire par jeu, mais au fil du temps, il est devenu de plus en plus insistant et il a tenté de l’enjôler et de l’éloigner de moi par tous les moyens ! »
Les yeux de VADOLITHUS n’étaient plus que deux fissures à peine visibles. MEGALIÒ, qui était assis à ses côtés, se rendit compte que son allié refoulait ses larmes.
« Le lâche ! Elle m’aimait et elle a refusé plusieurs fois de se donner à lui, mais…. au énième refus, elle était seule… et je ne pourrais jamais me le pardonner ! Cet être ignoble et vil l’a tuée ! ».
VADOLITHUS se leva d’un bond et, alors qu’il tournait le dos à MEGALIÒ, il lui demanda « Tu comprends MEGALIÒ ? Il a détruit ma vie ! La mort de MASSALITA a immédiatement déclenché une guerre. Mais notre peuple, si pacifique, n’était pas du tout prêt àça ! Tous les êtres que j’aimais ont été exterminés… Et les rares survivants, comme moi, ont été réduits en esclavage. J’ai réussi à m’enfuir mais mon séjour forcé chez les GrosRochers m’en a appris beaucoup sur eux. Tu comprends maintenant que j’aie des comptes à régler avec eux ? »
MEGALIÒ, JUSTEPIERRE et MEGALITO ne savaient pas quoi dire… Le chef des GrandePierre brisa cependant ce lourd silence : « Tu peux compter sur nous, VADOLITHUS ! Nous partirons demain à l’aube. Ils vont devoir capituler, les GrosRochers, avec leur arrogance, et les PierrePlate, avec leur perfidie ! »
« Merci MEGALIÒ ! Écoutez-moi bien. Nous devons nous diviser en deux groupes. Je dirigerai le premier avec MEGALIÒ et nous descendrons vers les collines des PierrePlate. Tina te connaît, MEGALIÒ, ses informateurs lui diront donc que tu arrives ! Le second groupe sera guidé par les GrandeDalle et devra se rendre dans les terres des GrosRochers en passant par les montagnes mais en contournant les territoires des PierrePlate. Ce groupe sera nombreux et ses guerriers devront faire beaucoup de bruit pour attirer l’attention et que leur passage ne passe pas inaperçu. Chef GROSPIERRE, qui te ressemble, sera vêtu comme toi et ses guerriers l’appelleront MEGALIÒ : de cette façon les GrosRochers croiront rapidement que c’est toi qui franchis leurs frontières. »
« Nous partirons avec deux jours d’avance pour occuper les PierrePlate et les attirer vers ces longues langues de sable, dont ils sont si fiers… mais qui deviendront leur tombeau ! »
Ainsi, une fois au sommet des collines et ayant fait bien voir qu’ils arrivaient en armes, VADOLITHUS et MEGALIÒ envoyèrent un émissaire pour laisser croire à TINA qu’elle pouvait encore organiser sa défense.
Au même moment, les troupes dirigées par GRANSAX et GROSPIERRE - qui se faisait passer pour MEGALIÒ - avaient franchi les frontières et se dispersaient à grand bruit au-delà des montagnes : la nouvelle de leur arrivée parvint très rapidement à GROSSETÊTE.
Sachant les GrandePierre et leurs terribles alliés, les GrandeDalle, très nombreux et déjà proches, les GrosRochers ne pouvaient plus attendre les PierrePlate. Et tout le monde savait bien que le chef GROSSETÊTE n’aimait pas perdre son temps, au contraire : il était impulsif et agissait le plus souvent sans vraiment réfléchir et sans aucune stratégie !
GROSSETÊTE fut surpris de voir qu’au lieu de progresser vers la côte, les GrandePierre se déplaçaient de façon aussi désordonnée qu’imprévisible et retournaient vers les hauteurs. Pensant qu’il s’agissait d’un plan destinéà leur faire gagner du temps et à attendre des renforts, il ne se posa pas de question et continua à avancer au cœur des montagnes avec ses guerriers, sûr de lui. Il était déjà trop tard quand il se rendit compte que c’était un piège : attirés dans une gorge profonde et sans issue, ses soldats et lui étaient perdus.
Au même instant, VADOLITHUS avait eu l’idée de se poster au-delà des moraines glaciaires. Et Tina comprit tardivement qu’elle était prise au piège par cette manœuvre astucieuse, ayant pensé comme GROSSETÊTE que des alliés inconnus devaient rejoindre ses ennemis. Les GrandePierre attirèrent les PierrePlate dans une étendue de lacs et de marécages, où ces derniers progressaient au prix de grandes difficultés. TINA invoqua les Ombres et les Brumes. Certains guerriers moururent immédiatement et MEGALIÒ, qui n’avait pas pour habitude de regarder sans rien faire, se lança dans les marécages pour défendre ses soldats victimes du maléfice de la chamane.
Heureusement, VADOLITHUS le rattrapa et parvint à distraire TINA grâce à un jeu de lumières et de reflets. Éblouie, celle-ci prononça un terrible sortilège pour solliciter les forces souterraines, mais sans se rendre compte qu’elle s’adressait à elle-même, son visage se reflétant dans une flaque d’eau.
Un gouffre s’ouvrit et la terre se souleva comme si elle était poussée par en bas. Les marécages furent engloutis. On entendit une grosse explosion, puis un tourbillon terrifiant souleva terre, arbres, poussière et tous les PierrePlate disparurent dans les abîmes.
TINA n’émergera de ces sables – dont certains disent qu’ils n’ont jamais cessé de se mouvoir – que des milliers et des milliers d’années plus tard.