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Des implantations toujours réfléchies? Oui, mais...
L' HABITAT TRADITIONNEL
par Claudine Remacle
Echallod d'Arnad.Autrefois, le peuplement allait de pair avec la mise en culture des sols. Depuis des siècles, voire plusieurs millénaires, les hommes ont colonisé avec succès les terrains plats ou en pente douce, bien ensoleillés, sans l'ombre du moindre risque: les pieds de versants boisés, les terrasses fluvio-glaciaires et, surtout, les sites-balcons implantés sur les épaulements modelés par les glaciers: Doues, Émarèse, Saint-Nicolas, Moron, Torgnon. La liste des sites tranquilles est certainement plus longue que celle des sites à risques. Même en montagne, il existe des lieux sûrs! Hélas, la coupe excessive des bois a parfois compromis la sécurité. Les nécessités nourricières surtout ont poussé l'homme, dès le Moyen age, à défricher au-delà des règles qu'imposait la prudence. Il a bâti sa maison jusqu'aux marges extrêmes des zones dangereuses.
Les montagnards connaissent les lieux à risques. Les sites de peuplement ancien le démontrent. Dans la vallée de la Doire comme dans les hautes vallées latérales, de nombreux cours d'eau ont érodé les versants collecteurs et ont ainsi créé une suite de dépressions qui canalisent les avalanches et les coulées de boue. L'habitat est fixé systématiquement entre ces couloirs à risques. Ainsi, dans les vallées en forme d'auge, comme la haute vallée du Lys, le Valsavarenche, le Val de Rhêmes ou le Valgrisenche, où les bassins humanisés sont particulièrement étriqués, l'habitat s'est concentré sous forme de petits noyaux. Ils sont implantés dans la partie inférieure des versants entre les couloirs dangereux. Reflets de l'usure lente des montagnes et de l'action des torrents qui modèlent les reliefs, les cônes de déjection ourlent la vallée centrale et le pied des versants des différens vallées affluentes. Ces terrains, mais cesse épierrés, comportent des sols très fertiles. Ce sont des sites d'habitat très recherchés malgré les risques qu'ils courent périodiquement en cas de pluies torrentielles. L'implantation ancienne des mai-sons y suit plusieurs schémas. Elles ne sont situées à lapex du cône, à
son sommet, que si la gorge de raccordement est creusée en profondeur dans le roc à l'amont, par exemple à Pont-Saint-Martin et à Verrès. À 1'Envers de la Vallée, on trouve souvent à cet endroit dangereux des artifices hydrauliques: moulins, forges, fabriques qui ont donné naissance à un village, à un hameau (Pollein, Brissogne, SaintMarcel, Gressan,...).
Dans les secteurs d'habitat groupé, comme à l'Envers de la vallée centrale ou à l'étage agropastoral des vallées latérales, les villages sont fréquemment situés à hauteur du tiers supérieur du cône, mais légèrement à l'écart. Ils évitent ainsi de prendre de plein fouet les sacs d'eau et les coulées caillouteuses. Les maisons se nichent latéralement contre les versants boisés ou les pentes rocheuses. Les exemples sont trop nombreux pour les citer tous. Ils sont dispersés dans toute la région: le chef-lieu de Courmayeur, Misérègne de Fénis, Échallod d'Arnad.
Sur les cônes alluviaux, plus l'implantation de l'habitat est basse, plus la situation semble sûre, car, en cas de fortes coulées, seuls les alluvions fins toucheront le pied du cône. Les blocs, les grosses pierres se déposeront à l'amont. De nombreux villages sont donc situés sur le tiers inférieur. Si l'agglomération s'étire le long des courbes de niveau, comme le chef-lieu de Brusson ou Extrepiéraz, elle est décalée par rapport à l'axe du valleil ou du torrent. Il ne faut donc pas s'étonner qu'une des formes de village, adaptée aux risques que représentent les crues des torrents sur cône, est un ensemble de maisons groupées suivant l'axe dune ruelle montante comme la ville d'Hône.
En Vallée d'Aoste, un autre habitat se rencontre très souvent sur les cônes de déjection: contrairement aux exemples précédents, il est extrémement dispersé. Une multitude de petits hameaux peuplent la totalité de l'appareil ou la partie de cône à l'écart du lit du torrent. C'est Le cas d'Issogne, de Fénis, de Saint Marcel, de Gressan, de Roisan, mais aussi d'Issime. Certes, dans la Vallée centrale et à Roisan, on peut se demander si ce type "d'urbanisation" n'a pas été pas influencé par la colonisation romaine qui aurait imposé la dispersion de l'habitat sous forme de ferme.
Les glissements de terrain ont lieu où les placages morainiques sont stables, là où les cycles gel-dégel sont les plus fréquents, donc sur les versant d'adrets. C'est là que se ouvrent les zones des rovines. C'e-là que la solifluxion des sols met branle les plaques de rocher et terre. Les infiltrations de pluies trop abondantes provoquent des coulées boueuses ou des chutes de pierreses. En général, quelques ruines et surtout les noms des prés et des champs rappellent ces événements néfastes. L'habitat traditionnel se situe à 1'écart du danger, mais les rythmes cycliques de ces catastrophes sont si longs qu'on les oublie. Les registres paroissiaux et les archives foncières conservent parfois la mémoire de ces risques. Il serait peut-être possible d'étudier ces textes sous cette optique.
Dans la région tout entière, lors des crues, les inondations envahissent les zones de plaine des vallées. Ces bassins ouverts jalonnent le paysage en montagne. Ils sont soumis depuis des siècles aux lois de la nature. En cas de montée subite des eaux, ils permettent au torrent déchainé de perdre un peu de sa force. Les eaux, devenues impétueuses et destructrices, y démolissent tout sur leur passage. En peu de temps, les torrents se ramifient et changent de lit. Autrefois, on ne construisait pas sur des terres de plaine, excepté lorsque des impératifs économiques forçaient la raison, comme l'exploitation de l'énergie des eaux ou la mise en culture de la plaine alluviale. Les maisons étaient alors légèrement surhaussées, construites au pied des versants proches, sur des reliefs rocheux moutonnés ou sur de vagues promontoires, en fait sur les îles en temps de crues.
   
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