QUALE FUTURO?
Dans les régions alpines les prairies constituent des surfaces destinées à produire du fourrage. Ce sont aussi des portions de territoire qu'il faut gérer pour favoriser la qualité de l'environnement.
LA VALEUR DES PRAIRIES
par Yves Pauthenet et Cristina Tarello
Prairie intensive très uniforme.Les zones de grandes cultures ou d'élevage de plaine sont de plus en plus montrées du doigt en relation avec des problèmes liés à des pratiques intensives (pollution des milieux, risques sanitaires...). En contrepoint les prairies permanentes, qui intéressent les systèmes d'élevage plus extensifs comme ceux présents en zone de montagne, sont assez peu concernées par ces critiques mais sont aussi paradoxalement peu reconnues du point de vue écologique (à l'exception des prairies de haute montagne et des prairies dites humides).
Or la société d'une manière générale est de plus en plus soucieuse de qualité et notamment de qualité de l'environnement. Mieux connaître la valeur environnementale des prairies, et faire en sorte que cette valeur reste compatible avec l'évolution actuelle des activités agricoles sur le territoire, peut donc s'avérer être un atout pour l'agriculture de montagne car cela permet de renforcer son image de qualité, notamment auprès des consommateurs.
La valeur environnementale des prairies ne se résume pas à des qualités exclusivement esthétiques mais plutôt à des fonctions essentielles au sein du territoire. Trois d'entre elles, particulièrement liées aux pratiques des agriculteurs, ont été étudiées par l'Institut Agricole Régional au cours d'un projet INTERREG (n°27) effectué en collaboration avec le G.I.S. " Alpes du Nord " (Savoie, F) :
· la richesse biologique (nous traitons ici de la richesse en espèces végétales mais il serait aussi intéressant de traiter de la richesse de la faune, les insectes notamment ou encore les oiseaux) ;
· les risques de pollution des eaux par les nitrates ;
· la contribution des prairies à la diversification du paysage.

PRAIRIES ET RICHESSE EN ESPECES VEGETALES
La préservation de la richesse en espèces des prairies participe au maintien de la biodiversité (ou diversité biologique) des milieux. C'est un thème fort en matière d'environnement, retenu prioritaire par beaucoup de pays dont l'Italie et la France.
Il s'agit d'éviter la raréfaction voire la disparition d'espèces. Dans ce but, la prévention est importante mais requiert un inventaire préalable de la richesse des milieux à l'échelon local, c'est à dire au niveau des régions. En matière de protection, il est aussi nécessaire de mieux connaître les relations qui existent entre les pratiques de gestion et la richesse en espèces des habitats.
L'inventaire en Vallée d'Aoste a permis de recenser 179 espèces végétales dans les prés de fauche irrigués (171 relevés effectués). La richesse spécifique peut être forte, jusqu'à cinquante espèces par relevé, mais la variation est importante selon notamment les pratiques agricoles puisque les valeurs minimales sont inférieures à vingt espèces. La moyenne régionale est égale à 29.
Il a été mis en évidence (voir tableau) que les prairies les plus intensives (abondamment fertilisées et fauchées tôt) sont les moins riches avec 22 espèces en moyenne. La forte influence des pratiques agricoles sélectionne seulement les plantes les plus compétitives au détriment de beaucoup d'autres.
Ce sont dans les types les plus extensifs que la richesse en espèces est la plus élevée (35 espèces en moyenne), à condition cependant que les prairies soient exploitées de manière équilibrée, c'est à dire légèrement fertilisées, irriguées et utilisées chaque année (au plus deux utilisations). En cas de déséquilibre (manque d'eau, fertilisation trop abondante...), la richesse en espèces peut en effet nettement diminuer.

PRAIRIES ET RISQUES DE FUITE DE NITRATES
L'azote, élément indispensable à la croissance des plantes, est assimilé essentiellement sous forme de nitrates dans les sols. Les nitrates non prélevés peuvent cependant être entraînés par l'eau et éventuellement polluer les milieux aquatiques. En général le problème est moins important sous prairie qu'en zone de grande culture car la couverture permanente de la végétation diminue l'infiltration de l'eau. Mais n'existent - ils pas malgré tout des situations limites, c'est à dire des prairies pour lesquelles des risques de fuite peuvent survenir? Bon nombre de prairies de montagne sont en effet fortement fertilisées (et donc potentiellement riches en nitrates) et les sols sont plus ou moins sableux, c'est à dire perméables à l'eau.
Les résultats de mesure dans les sols montrent (voir tableau) que les taux de nitrates sous prairies restent assez faibles (moins de 11 mg/kg sur les moyennes annuelles). Des situations à risque ont toutefois été relevées au niveau de surfaces très insuffisamment irriguées mais recevant malgré tout de fortes quantités d'azote sous forme de lisier (maximum de nitrates observé égal à 44.3 mg/kg). Le manque d'eau défavorise la croissance des plantes et celles-ci semblent absorber moins d'azote.
Notons également, qu'en cas de fortes fertilisations, le passage de deux à trois fauches annuelles permet d'abaisser le taux maximal de nitrates de 18.5 à 11.1 mg/kg, c'est-à-dire à des niveaux comparables à une situation de fertilisation faible (10.2 mg/kg). La fauche supplémentaire, et surtout la repousse qui s'ensuit, permettent aux plantes de mieux valoriser l'azote abondamment présent dans le sol.
En résumé il s'avère donc que, malgré des épandages d'azote parfois importants, la prairie arrive à recycler en grande partie les nitrates dans les sols. Les risques de pollution de l'eau sont donc limités, à condition toutefois que soient toujours maintenues une bonne fréquence de coupes et des irrigations régulières.

PRAIRIES ET PAYSAGE
Tous les agriculteurs n'exploitent pas leurs prairies de la même façon. Il existe une multiplicité de situations pour des raisons très diverses : distance de l'exploitation, topographie, choix du mode d'utilisation (fauche, pâture), besoins en fourrages sur l'exploitation.
En conséquence, la diversité des pratiques mises en oeuvre sur les parcelles se répercute sur la végétation en déterminant des changements de flore, mais aussi des variations de couleur (décalage dans les floraisons) et de physionomie (hauteur des plantes, abondance de touffes).
Il est difficile d'évaluer dans quelles mesures ces différences de végétation confèrent au paysage sa diversité actuelle. Des observations, réalisées sur une année complète pour noter les différents états des prairies au sein du territoire, ont mis en évidence que certains types de prairies changent fréquemment d'aspect durant la période végétative alors que d'autres restent beaucoup plus homogènes.
Ainsi les prairies extensives présentent des états diversement colorés en raison d'une diversification de la flore. Par contre, les prairies nettement plus intensives apparaissent moins colorées mais la fréquence de changements d'états liés au rythme des fauches est au moins égale à celle des prairies extensives, ce qui est peut être également intéressant d'un point de vue paysager (aspect entretenu voire soigné du territoire).
Les prairies concourent donc fortement à rendre le paysage de montagne diversifié en liaison avec les travaux pratiqués par les agriculteurs (notamment la fréquence des fauches).
En mettant en évidence cette diversité d'états (16 répertoriés en Vallée d'Aoste) et leur succession dans le temps, nous proposons des références qui, reprises et appliquées plus largement sur le territoire, pourraient constituer un instrument de prévision de l'évolution du paysage rural engendrée par des modifications des pratiques fourragères.

LES PRAIRIES, UN ESPACE DE PRODUCTION MAIS AUSSI UNE NATURE A GERER
En Vallée d'Aoste, la valeur environnementale des prairies dépend fortement des travaux agricoles. Pour la maintenir durablement, il nous semble donc fondamental de la considérer dés à présent en rapport et non séparément des exigences de la production fourragère.
Cela passe par le maintien d'une gestion différenciée des prairies. Les prairies relativement intensives, si leur conduite est équilibrée, sont en effet importantes pour constituer suffisamment de réserves en foin et pour permettre de mieux valoriser les déjections organiques. Par ailleurs, avoir des prairies assez intensives permet également de maintenir plus facilement ailleurs des prairies extensives, qui ont une valeur environnementale plus marquée (et aussi de continuer à utiliser les alpages), car la constitution des stocks de foin pour l'hiver est mieux assurée.
La pratique d'une gestion différenciée des prairies est ainsi le garant d'une mise en valeur du territoire sur le plan environnemental (en évitant la généralisation d'excès) tout en respectant les exigences de la production agricole.
Il nous appartient donc de considérer un peu d'un oeil neuf les relations entre l'agriculture et l'environnement, en évitant de figer les situations et en cherchant surtout à ne pas appliquer trop systématiquement des décisions globales et normatives (réglementations, aides directes) qui souvent n'ont pas l'impact souhaité car elles peuvent être inadaptées à la richesse et surtout à la diversité du territoire.
   
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